Biathlon : Nouvelle méthode de tir, confiance en soi et esprit de battante, Julia Simon est devenue inarrêtable

Biathlon Julia Simon aborde le sprint de Pokljuka (Slovénie), ce jeudi, en tête du classement général de la coupe du monde

Antoine Huot de Saint Albin
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Julia Simon lors de l'étape de coupe du monde au Grand-Bornand.
Julia Simon lors de l'étape de coupe du monde au Grand-Bornand. — Jeff Pachoud / AFP
  • Après une folle première partie de saison, Julia Simon est de retour à partir de ce jeudi en Slovénie avec le maillot jaune de leadeuse du classement général.
  • La biathlète française s’appuie notamment sur un tir couché parfait, le fruit d’un long travail pendant deux ans.
  • La pression et le nouveau statut ne semblent pas peser sur la Savoyarde.

Il y a des valeurs sûres dans le sport sur lesquelles s’appuyer : le PSG qui se fait encore sortir de Ligue des champions au terme d’un scénario rocambolesque, Thibaut Pinot ou Richard Gasquet qui nous font croire que cette année c’est la bonne (enfin, de moins en moins), et le biathlon français qui sort une énième pépite capable de remporter le gros globe. Après Patrice Bailly-Salins, Raphaël Poirée, Anne Briand, Emmanuelle Claret, Sandrine Bailly, Martin Fourcade et Quentin Fillon Maillet, voilà que Julia Simon vient, cette saison, mettre les spatules et la carabine à la fenêtre pour planter le drapeau bleu blanc rouge au sommet de la planète biathlon.

Et autant dire que personne n’attendait la Savoyarde en tête du classement général avant le sprint de Pokljuca (Slovénie), ce jeudi, à ce niveau. Enfin, personne, c’est vite dit. « Ça me fait rire, les gens qui disent qu’elle se révèle cette saison, juge Célia Aymonier, retirée des pistes depuis bientôt trois ans. Moi, ça ne me surprend pas du tout, elle est dans la continuité, je pensais bien qu’un jour elle y arriverait. C’est ce à quoi elle prétendait depuis un moment. » Mais entre prétendre et réussir, il y a souvent un gouffre. Treizième et douzième du général les deux dernières années, Julia Simon, malgré quelques gros coups, avait plutôt tendance à décevoir.



Repartir de zéro sur le tir couché

La faute, souvent, à un tir couché qui lui faisait mille misères, comme lors du sprint d’Hochfilzen (Autriche), en 2021, où elle était sortie du pas de tir avec quatre tours de pénalité. A cette époque, la biathlète des Saisies était alors en plein processus pour changer sa manière de tirer. « Au couché, j’ai démonté ce qu’elle avait appris, parce que c’était un mauvais apprentissage, qui n’apporte à aucun moment de la régularité, racontait l’entraîneur de tir Jean-Paul Giachino à Nordicmag. Les fondamentaux du tir, Julia ne les avait pas parce qu’on ne lui avait pas racontés, elle ne les avait pas entendus. »

Et repartir de zéro, à 24 ans (en 2020), n’est pas chose aisée. « Quand on casse des schémas qui sont ancrés depuis longtemps, il faut forcément accepter de passer par une phase de régression, rappelle le nouvel entraîneur des équipes de France, Cyril Burdet. Et c’est difficile pour une athlète de ce niveau-là de passer par cette phase. » La Suissesse Selina Gasparin, qui avait terminé deuxième lors de première victoire en coupe du monde de Julia Simon, à Kontiolahti (Finlande) en 2020, en sait quelque chose :

J’ai moi aussi changé ma façon de tirer durant ma carrière. Tu peux apprendre des choses différentes, mais quand tu te retrouves en course, avec le stress, c’est vraiment compliqué de mettre en place les choses nouvelles, à cause des automatismes qui reviennent vu le peu de temps que tu as pour tout mettre en place sur le tapis, raconte à 20 Minutes celle qui a raccroché les skis en 2022. C’est donc dur de résister à revenir à l’ancienne méthode.

Une seule erreur au tir couché depuis le début de la saison

La méthode Giachino a mis deux ans avant de porter ses fruits. Et, désormais, la Lucky Luke des neiges met tout le monde d’accord sur le pas de tir. Admirez la perfection : 99 % de réussite sur le tir couché, 85 % sur le debout (84 % et 78 % la saison dernière, 72 % et 81 % il y a deux ans). Sur le site de la Fédération internationale, elle a déjà les badges de tireuse d’élite et tireuse rapide. « Le tir couché était la clé pour elle, développe Selina Gasparin. Elle avait déjà un très bon tir debout, surtout le dernier, quand elle se retrouvait en face-à-face avec d’autres filles. Pourtant, c’est la chose la plus dure. Mais elle a toujours été forte sur ça, elle savait qu’elle finissait fort les courses. »


Des stats monstrueuses pour Julia Simon en ce début de saison.
Des stats monstrueuses pour Julia Simon en ce début de saison. - IBU


Avec les balles qui rentrent de partout, il n’y a quasiment plus qu’à se laisser glisser sur les skis pour devancer la concurrence. Enfin presque. Quelques ajustements ont, là aussi, été faits. « La stratégie qu’on a eue, c’était de travailler sur son économie plus que sur son rendement, car elle avait déjà un ski très efficace et puissant, mais sans doute un peu énergivore, détaille Cyril Burdet. Donc on a essayé d’améliorer son économie gestuelle plus qu’autre chose, même si ça reste assez fin comme bénéfice. »

« Elle va se battre jusqu’au dernier centimètre de piste »

Le tout combiné a donc propulsé Julia Simon, trois victoires depuis le début de la saison, en tête du classement de la Coupe du monde, dossard jaune sur les épaules, avec une petite avance sur la dauphine, la Suédoise Elvira Oeberg. « Avec ce maillot, quoiqu’il se passe pendant la course, elle va se battre jusqu’au dernier centimètre de piste pour grappiller des places, assure Célia Aymonier. Julia, c’est une fille qui s’est toujours battue et, même si elle faisait deux, trois fautes au premier tir, elle continuait à se battre. Aujourd’hui, ça lui sert. »

Surtout que le plus difficile arrive, avec la pression, les attentes et le nouveau statut venus se poser délicatement sur ses épaules pour un bon bout de temps. « Elle se rend compte de tout ce que ça représente au quotidien, explique Cyril Burdet. Elle aborde cette période dans la bonne démarche. Il faut qu’elle continue à être en mode conquérante et à aller chercher les résultats plutôt que se mettre en mode défense du maillot jaune, qui serait la pire stratégie. »



« Sereine et mature »

Mais l’entraîneur de l’équipe de France est confiant. D’autant que sa protégée a pu bénéficier de bonnes conditions aux Saisies pendant la trêve, alors que la plupart des stations françaises cherchaient la neige comme Gianni Infantino une nouvelle idée détestable pour le football : « Elle a un tempérament où, s’il y avait des compètes tous les jours, ça lui irait très bien. Mais il faut arriver à trouver cet équilibre entre les phases de tension et les phases de relâchement. Je la trouve sereine et mature. Après, c’est une fille qui est passée par beaucoup d’échecs, qui a vécu beaucoup de périodes difficiles. Et ça l’aide à apprécier ces périodes de réussite. »

Reste à savoir jusqu’à quand cette période dorée peut/va durer. « Julia a une force, c’est qu’elle se préoccupe juste d’elle, conclut Selina Gasparin. Elle n’a jamais été contrariée par le fait d’être n°2 ou 3 dans l’équipe de France, de ne pas être à un moment la plus rapide, elle s’occupait d’elle, et c’était très important. Elle a tout ce qu’il faut pour réussir et je suis persuadé qu’elle maintiendra son niveau cette année. Le plus difficile sera sûrement l’année prochaine où elle devra confirmer. » On a le temps d’en reparler.