Ultra-Trail du Mont-Blanc : « Je rêverai toujours d’une victoire à Chamonix », confie Aurélien Dunand-Pallaz
INTERVIEW Dauphin de François D’Haene sur la précédente édition, l’ultra-traileur savoyard de 29 ans sera la meilleure chance française, ce vendredi (18 heures), sur la mythique course de 171 km autour du Mont-Blanc
- Un an après sa surprenante deuxième place derrière François D’Haene, Aurélien Dunand-Pallaz est de retour, ce vendredi (18 heures), sur l’Ultra-Trail du Mont-Blanc.
- Le kiné savoyard de 29 ans confie à 20 Minutes ses ambitions avant cet énorme enchaînement UTMB-Diagonale des Fous en moins de deux mois le concernant.
- « Je ne m’en cache pas, je suis très compétiteur », indique ce jeune papa, bien décidé à jouer à fond sa chance durant plus de 20 heures, malgré la présence de favoris comme Jim Walmsley et surtout Kilian Jornet.
Le grand public a découvert pour de bon Aurélien Dunand-Pallaz le 28 août 2021. Pour sa première participation à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (171 km et 10.000 m de dénivelé positif), ce kiné savoyard s’est emparé d’une bluffante deuxième place, à seulement 12 minutes du recordman de l’épreuve François D’Haene. A 29 ans, le vice-champion d’Europe de skyrunning 2017 sera donc de retour avec un tout autre statut, ce vendredi (18 heures) à Chamonix (Haute-Savoie).
Jeune papa d’un petit Martin, né le 7 juillet, le coureur du Team Compressport revient pour 20 Minutes sur son parcours et sur son pari d’enchaîner cette saison deux ultras mythiques en moins de deux mois : l’UTMB donc et la Diagonale des Fous (165 km et 9.576 m de D +) à La Réunion.
A quand remonte votre passion pour le trail running ?
Après avoir été footballeur et skieur alpin à niveau départemental et régional à Ugine (Savoie) durant l’adolescence, je me suis mis à courir en montagne en 2011. J’étais alors étudiant en école de kiné, et comme ça m’a vite plu, je me suis inscrit à mes premiers trails en 2012.
Comment vous êtes-vous peu à peu dirigé vers l’ultra ?
En fait, j’ai directement attaqué, pour la toute première course de ma vie, par un 51,5 km, avec le trail Nivolet-Revard (sourire). Comme j’ai fini 10e, puis 4e sur le Grand Raid 73 (73 km et 5.200 m de D +) trois semaines plus tard, et enfin 3e sur mon premier 100 km à la fin de l’été avec l’Ultra Tour du Beaufortain (112 km parcourus en 14h16), j’ai compris que c’était bien le long qui m’attirait. Ça me plaisait de partir pour au moins 5 heures de sport en montagne, que ce soit à vélo ou à pied. Je n’ai jamais eu peur de ne pas finir une course.
Pas même votre premier Ultra-Trail du Mont-Blanc (171 km) l’été dernier, qui était de loin la plus longue course de votre carrière ?
Non, j’y allais vraiment dans l’optique de prendre du plaisir. Je ne faisais pas une fixette sur un Top 5 avant de partir, ni même durant les premières heures de course. Cette arrivée à Chamonix (en 20h58), où j’ai pu taper dans les mains de tout le monde, c’est un moment que j’espérais vivre un jour.
La ligne d’arrivée à peine franchie sur l’édition 2021, vous avez annoncé votre ambition de « vouloir revenir pour gagner l’UTMB »…
Beaucoup de traileurs racontent qu’ils sont avant tout sur les courses pour le paysage. Personnellement, je ne m’en cache pas, je suis très compétiteur. Ça ne m’intéressait pas par exemple de faire l’UTMB en 30 heures.
En quoi cette deuxième place sur l’UTMB a-t-elle changé le regard qu’on porte sur votre carrière de traileur ?
La Transgrancanaria (129 km et 6.300 m de D +) en février 2021 reste mon succès international majeur. Mais on sait que tous les regards des médias et des sponsors se portent sur l’UTMB. Depuis, il y a plus d’attente autour de mes résultats, et un peu partout sur les évènements de trail, on me présente systématiquement comme le deuxième de l’UTMB 2021. Je ne pensais en aucun cas gagner donc cette deuxième place était le meilleur résultat possible pour moi, c’était quasiment inespéré. Et depuis ce moment-là, je sais que je rêverai toujours d’une victoire à Chamonix. Peut-être que ça n’arrivera jamais et ce n’est pas grave, mais ce serait un chouette moment à vivre.
Celui que vous venez de connaître, le 7 juillet avec la naissance de votre premier enfant, a-t-il eu un impact sur votre saison ?
Ça m’a poussé, en décembre dernier, à chambouler mon programme de saison, en partant sur un enchaînement UTMB-Diagonale des Fous (à huit semaines d’écart) et non sur la Hardrock 100 et la Diagonale des Fous (14 semaines d’écart) tel que je l’avais imaginé, tout comme François D’Haene. Mon organisation est différente mais ça m’apporte surtout du bonheur (sourire).
Cet enchaînement de folie en si peu de temps ne vous paraît-il pas risqué ?
Non, car cinq semaines après mon UTMB 2021, j’avais pris part à l’Ultra Pirineu (100 km, 6.500 m de D +) et je m’y étais même senti un peu mieux qu’à Chamonix. J’avais fini 3e derrière Kilian Jornet. Donc je pense pouvoir être à bloc sur l’UTMB puis sur la Diagonale des Fous.
Comme la Diagonale des Fous se refuse à vous jusque-là, avec des forfaits sur blessure en 2018 et 2019, ne serez-vous pas néanmoins tenté de privilégier cette course mythique à La Réunion ?
C’est sûr que la Diagonale des Fous m’attire au moins autant que l’UTMB. Tout me fait rêver là-bas. Le parcours est plus technique que celui de l’UTMB, ce qui est nettement plus adapté à mes caractéristiques. Dans mon esprit, l’UTMB me sert d’ailleurs de tremplin vers la Diagonale. Je ne sais pas si je pourrais faire aussi bien à Chamonix qu’en 2021, d’autant que la densité me semble encore un peu plus relevée que l’an passé sur l’UTMB. Mais les deux grands favoris, Kilian Jornet et Jim Walmsley, peuvent avoir des problèmes sur la course.
La présence de monstres de l’ultra comme Kilian Jornet et François D’Haene pourrait-elle parfois vous inciter à vous désinscrire d’une telle course tant la victoire finale semble systématiquement promise à l’un ou à l’autre ?
Non, je prévois mes objectifs en début de saison et c’est tout, peu importe qui s’inscrit. Ce qui m’attire sportivement, c’est la confrontation. Donc c’est plus chouette quand l’un d’eux est là sur la ligne de départ. Je préfère largement finir deuxième de l’UTMB derrière François D’Haene plutôt que de gagner sur une édition où il n’y a personne. Et remporter une course majeure devant François ou Kilian donnerait beaucoup plus d’ampleur à ma victoire.
En quoi vos défis « off » ont-ils été importants dans votre progression durant l’année 2020 ?
J’ai profité de ce timing Covid-19 pour enchaîner 14 sommets du massif des Bauges en juin 2020, ce qui représentait 84 km et 8.800 m de D +. Et puis trois mois plus tard dans mon village de Marthod (Savoie), j’ai organisé un autre défi pour battre le record du monde de dénivelé positif parcouru en 24 heures. J’ai effectué 81 boucles identiques et grimpé 17.218 m de D + au total (en 139 km). C’est sûr que je n’y allais pas pour la qualité de la vue car je connaissais par cœur cette montée. Sur la fin, c’était horrible, je pouvais à peine marcher en descente. D’ailleurs, durant les trois jours qui ont suivi, je ne faisais qu’un trajet canapé-lit chez moi (sourire). Mais je savais que ces aventures différentes de ma gestion de course classique valaient la peine d’être vécues. Tous les regards étaient tournés vers moi, j’étais accompagné d’amis, et ça m’a apporté beaucoup de choses.
Le record de la traversée du GR20 (actuellement détenu par Lambert Santelli en 30h25) pourrait-il vous tenter ?
Oui, j’ai passé la plupart de mes vacances d’été en Corse et je suis très chaud pour tenter ce record d’ici 2025, en fonction de mon planning de courses. Après deux reconnaissances de ce GR20 (170 km et 12.700 m de D +) en quatre jours en 2020 et 2021, je viens de le faire en trois jours en juin.
Vous exercez désormais votre profession de kinésithérapeute à mi-temps à Ugine (Savoie). Y a-t-il une véritable explication à l’omniprésence de kinés ou ex-kinés parmi les meilleurs traileurs français (François D’Haene, Thibaut Baronian, Camille Bruyas…) ?
Le principal avantage qu’on peut avoir, c’est de savoir comment permettre à son corps de récupérer au mieux. Quand on est kiné libéral, ça permet aussi d’avoir la liberté de se débloquer du temps pour bien s’entraîner. Et ça, il est certain que c’est précieux.