Ultra-Trail du Mont-Blanc : Quel impact aura « le retour du roi » Kilian Jornet à Chamonix ?
MONTAGNE Après quatre ans d’absence, « l’ultra-terrestre » catalan sera de retour vendredi (18 heures) sur l’épreuve reine de l’ultra-trail (171 km et 10.000 m de D+)
- La principale curiosité de cet Ultra-Trail du Mont-Blanc 2022 (171 km et 10.000 m de dénivelé positif), qui se lancera vendredi (18 heures) de Chamonix, tient dans la présence de Kilian Jornet.
- La « superstar du trail » catalane, absent depuis 2018, a attendu le dernier moment pour confirmer sa présence, en raison d'un contrôle positif récent au Covid-19.
- 20 Minutes s’intéresse aux effets qu’implique cette participation du coureur de 34 ans, déterminé à signer une énorme saison en raison du lancement de sa propre marque NNormal.
En une annonce vidéo, l’Ultra-Trail du Mont-Blanc a subitement changé de dimension pour son édition 2022. On était le 23 février, et on savait seulement que le tenant du titre et recordman de l’épreuve (quatre victoires) François D’Haene ne serait pas de la partie, le 26 août à Chamonix (Haute-Savoie). Et puis un post YouTube sobrement intitulé « Le retour du roi » a tout changé ce jour-là. Ce roi, c’est évidemment l’athlète catalan Kilian Jornet, qui n'a confirmé sa présence qu'au dernier moment, après avoir révélé mercredi soir sur Instagram son récent test positif au Covid-19 (tout en étant asymptomatique).
A 34 ans, celui-ci règne depuis une quinzaine d’années sur de nombreux formats différents, de la Pierre Menta (10.000 m de dénivelé positif en ski alpinisme) au kilomètre vertical, en passant par Sierre Zinal (31 km et 2.200 m de D +) et donc les plus prestigieux ultras de la planète (5 Hardrock 100, 3 UTMB, 2 Diagonale des Fous et 1 Western States).
Victorieux d’un affrontement au sommet le mois dernier dans le Colorado contre François D’Haene sur la Hardrock 100, Kilian Jornet met le paquet cette saison pour promouvoir le lancement de sa propre marque NNormal. « Ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de courir avec le plus grand athlète de tous les temps », résume ainsi Mathieu Blanchard, troisième du précédent UTMB (171 km, 10.000 m de D +). A quel point la présence de « l’ultra-terrestre » espagnol pourrait-elle transcender un évènement rassemblant chaque année 10.000 participants et plus de 100.000 spectateurs durant toute la semaine ?
« J’en profite pour être bien plus tranquille lorsqu’il est là »
« Quand il est présent sur une course, tout le monde est un peu là avant tout pour lui, indique Thibaut Baronian, son ancien partenaire chez Salomon, qui prendra le départ de la CCC (100 km) vendredi matin. On sent qu’il est perçu comme l’icône du trail aux yeux de tous. » Cette « Kilianmania » incontestable a forcément des répercussions sur l’intérêt porté à cet UTMB. « Il apporte encore un peu plus de médiatisation à un évènement qui n’en manque pas, estime Julien Chorier, qui l’a côtoyé de 2011 à 2013 chez Salomon. La notoriété de Kilian dépasse le monde du trail et même du sport. »
Au vu de la personnalité plutôt discrète de la plupart des traileurs, cette popularité extrême de « Kiki » n’est pas enviée par ses adversaires, bien au contraire. « Vu que c’est la superstar du trail, tous les regards sont tournés vers lui, surtout depuis qu’il vit en Norvège et que le grand public le voit donc moins, rapporte Aurélien Dunand-Pallaz, dauphin de François D’Haene sur l’UTMB 2021 et encore en lice vendredi. J’aime bien cela car j’en profite pour être bien plus tranquille lorsqu’il est là. » Et si l’intéressé s’adapte avec une facilité déconcertante à toutes les courses de trail running possibles et imaginables, il est bien moins à l’aise au contact de ses admirateurs.
« Ce n’est pas quelqu’un qui cultive le star-system »
« Cette passion des fans peut être éprouvante et désagréable pour Kilian, surtout quand on voit tous ces gens qui s’agrippent à lui et qui le dérangent lorsqu’il est dans sa bulle, explique la cofondatrice de l’UTMB Catherine Poletti. On a vu qu’autour de lui, il pouvait y avoir les mêmes excès que sur le Tour de France, puisque des spectateurs veulent courir à côté des traileurs dans des montées. A nous dans l’organisation de faire attention à cela. »
Ancien champion du monde de trail et recordman des victoires sur le Grand Trail des Templiers, Thomas Lorblanchet a vu débarquer Kilian Jornet au sein du Team Salomon, avant son premier succès à l’UTMB à 20 ans (en 2008).
« Kilian n’est pas quelqu’un qui cultive le star-system. Il n’est pas fan des bains de foule et c’est la raison principale pour laquelle il a quitté Les Houches [station de la vallée de Chamonix] pour aller vivre en Norvège en 2016. »
Julien Chorier complète : « Des fans l’attendaient même parfois en bas de chez lui aux Houches, il ne pouvait vraiment pas avoir la tranquillité dont il avait besoin ». La quiétude partagée avec ses deux enfants sa compagne, la traileuse suédoise Emelie Forsberg, dans son district de Romsdal, à 5 heures de route d’Oslo, tranche donc évidemment avec ce qui l’attend à chaque retour sur l’UTMB.
« S’il est vu dans le centre de Chamonix, c’est vite la pagaille »
« En 2018, juste avant la course, je m’étais retrouvé à le protéger un peu en l’accompagnant jusqu’à la ligne de départ, car je voyais bien que tout le monde voulait sa photo avec lui », se souvient Thibaut Baronian. « Kilian reste Kilian, sourit Ludovic Pommeret, vainqueur de l’UTMB en 2016. Des gens et même des médias vont venir spécialement car il est là. C’est un peu pesant pour lui car s’il est vu dans le centre de Chamonix, c’est vite la pagaille. »
Le manager du Team Salomon Jean-Michel Faure-Vincent s’en est particulièrement rendu compte lors de la fameuse « course du siècle » de 2017 avec Jornet, D’Haene, Walmsley et Thévenard réunis : « Ça avait tellement brassé un monde de dingue que toutes les routes étaient bloquées. C’était l’enfer : on avait dû appeler la gendarmerie pour emmener les athlètes jusqu’au podium, et j’étais obligé de stationner au milieu de la route pour arriver à l’heure pour les ravitaillements de François D’Haene ». Faire bloquer la circulation dans toute la vallée du Mont-Blanc, voici donc encore une ligne à ajouter au monstrueux palmarès de Kilian Jornet.