A Marseille, la pratique du surf « a complètement explosé » ces dernières années
« CA FARTE ? » Apparue dans les années 1980, la pratique du surf à Marseille et dans ses environs n’a cessé de se développer. Et contrairement aux idées reçues, il existe de vraies bonnes vagues alors qu’une des meilleures sessions de l’année vient de passer
- Contrairement aux idées reçues, les côtes marseillaises sont surfables, essentiellement en hiver.
- Ces derniers jours, l’épisode de vent de sud-est a donné une houle puissante venue du large et offert quelques bonnes sessions à des pratiquants toujours plus nombreux.
Le ciel est gris, le fond de l’air frais et l’eau autour de 14 degrés. Pas franchement une météo pour aller à la mer à Marseille. Mais dans les environs de La Ciotat comme sur la Côte Bleue de l’ouest marseillais, ils sont plusieurs dizaines à se précipiter dans l’eau, planche de surf sous le bras et combinaison intégrale zippée, en cette fin d’après-midi de mars. À l’image de Kim, 33 ans, qui s’est dépêchée de sortir de son travail d’éducatrice à 16 heures pour aller surfer avec sa copine Clémence. Arrivée de Paris il y a six mois, cette dernière « n’y croyait pas », lorsqu’on lui disait qu’il était possible de surfer à Marseille, en Méditerranée.
Les deux amies se sont rencontrées sur une plage du Prado (également surnommée Epluchures Beach, du fait de la présence de déchets), un spot accessible et visible qui fonctionne plutôt bien – merci à l’Huveaune qui s’y jette, créant des bancs de sable – par temps de Mistral, rendez-vous des néophytes ou des travailleurs pressés. Ces derniers jours, c’est un épisode météo de dépression par le sud-est qui a créé les bonnes conditions. Plus rare que le Mistral, qui souffle par nord ouest, ce régime de vent lève une houle puissante, venue du large. Pas aussi bien qu’un vent de sud-ouest, « mais pas mal du tout », se réjouit Denis, 42 ans, qui sort tout juste de l’eau et se change assis sur le coffre de sa voiture. Surfeur depuis qu’il a été en mesure de conduire, ce pur Marseillais n’a cessé de voir « de plus en plus de monde à l’eau ».
Des « spots » bien gardés
Une « démocratisation » qui s’explique par un double mouvement. L’avènement ces vingt dernières années du surfwear – mode qui a toutefois entamé son déclin il y a près 10 ans – et son corollaire, l’exploitation de l’image de liberté des surfeurs par les publicitaires pour vendre des bagnoles, des sodas, de l'eau minérale ou encore des lotions après-rasage. Comme un symbole de cette reconnaissance et de cette ascension, le surf a fait son entrée pour la première fois aux Jeux olympiques de Tokyo en 2020. La pratique, elle, s’est développée avec l’apparition de matériel pour débutant, comme les planches en mousse, et une plus facile circulation de l’information grâce aux réseaux sociaux et aux boucles de messageries. Car c’est une chose que d’avoir l’envie de surfer, encore faut-il savoir quand et où le faire.
Hervé Amouyal est l’un des pionniers du surf à Marseille. Il tient aujourd’hui encore le Massilia Surf Shop, qu’il a ouvert au mitan des années 1990 – c’était alors le premier surfshop de la région – peu après avoir cofondé le Sardine Surfclub et mis en place un système de répondeur téléphonique qui donne la météo et l’orientation de la houle, sur le modèle des infolines de teufeurs. Un temps que n’a pas vraiment connu Nathan, 27 ans et DJ résident dans une boîte de nuit du Vieux-Port, mais qu’il semble regretter qu’aujourd’hui quelques applications fournissent ces informations en trois clics. « Moi, j’ai appris à trouver les spots de surf seul. La nouvelle génération les divulgue trop avec les réseaux sociaux, et ça a en devient dangereux, certains n’ont pas le niveau. D’autres squattent parfois le pic en groupe pour se réserver la vague », estime-t-il. Car à Marseille, les bonnes vagues sont levées par des fonds rocheux, pas le plus safe. Des spots qui, comme les coins à champignons, ne se donnent qu’aux amis, et encore – c’est pourquoi vous ne trouverez pas les lieux indiqués dans cet article.
Reste qu’aussi surprenant que cela puisse paraître, Marseille a donné quelques surfeurs de haut niveau comme les frères Antoine et Edouard Delpero, respectivement champion d’Europe et du monde, bien qu’ils vivent aujourd’hui sur la côte Basque où ils ont ouvert leur école de surf. Des écoles qui ont également pullulé à Marseille, à l’image de la 13e vague, lancée en 2010 par Florian. « Ces dernières années, ça a complètement explosé », observe le jeune homme de 36 ans qui peut encadrer jusqu’à 80 stagiaires par jour avec deux autres moniteurs. Une attraction encore renforcée par le Covid-19 et l’appétit consécutif pour les sports en plein air. « On a surtout beaucoup d’adultes qui ont entre 30 et 50 ans et s’inscrivent au surf comme on s’abonne à la salle », détaille Florian.