La Russie parviendra-t-elle à totalement isoler son réseau Internet national du reste du monde ?
TECHNOLOGIES La Russie a testé des équipements qui à terme, devraient permettre aux autorités d’isoler du reste du monde un Internet 100 % national.
- Ce système internet fermé nommé « Runet » a pour objectif de fonctionner de manière totalement indépendante des serveurs internationaux.
- Le gouvernement assure ainsi se protéger de cyberattaques massives venues de l’international, mais cet Internet 100 % russe pourrait également faciliter la censure et la désinformation.
- La mise en place d’un tel réseau pourrait cependant être longue, compliquée et pas infaillible.
Malgré la controverse et les inquiétudes quant à la liberté d’Internet, le gouvernement russe persiste. Ce lundi, la Russie a annoncé avoir réalisé des premiers tests en vue de la mise en place d’un réseau 100 % national. Ce système Internet fermé nommé « Runet » a pour objectif de fonctionner de manière totalement indépendante des serveurs internationaux.
Les tests sont une étape de plus dans l’application d’une loi adoptée début novembre. Elle vise à protéger le « segment russe » de l’internet en cas de guerre, cyberattaque massive ou de déconnexion des grands serveurs mondiaux situés en Europe et aux Etats-Unis. Un Internet russe indépendant, sur lequel le gouvernement pourra faire basculer toute la population en cas de menaces, la coupant du réseau mondial.
Pas de mails, pas de Facebook
« Si les accès aux serveurs internationaux sont coupés, concrètement la population russe ne pourra par exemple pas échanger de mails avec des pays étrangers et ne pourra accéder qu’à des sites internet hébergés sur des serveurs russes », explique Jérôme Notin, directeur général du Dispositif national d’assistance aux victimes de cybermalveillance. L’expert compare le dispositif au pare-feu chinois mis en place depuis des années par le gouvernement et qui bloque l’accès à de nombreux sites étrangers comme Facebook.
Mais pour Jérôme Notin, couper complètement un réseau Internet du reste du monde reste très compliqué à appliquer à 100 %. « D’abord parce qu’Internet a été créé pour éviter ce genre de chose. En coupant l’accès à des serveurs, on détourne la philosophie d’internet et son concept de toile. La Russie va devoir imposer aux opérateurs Internet de bloquer le trafic externe en coupant tous les points de sortie. » A ce sujet, le Kremlin a d’ailleurs donné aux fournisseurs d’accès jusqu’en 2021, pour installer sur leurs réseaux une infrastructure spéciale fournie par les autorités.
« Il y a toujours un moyen d’accéder à Internet »
Un travail colossal auquel s’emploie depuis un moment le gouvernement iranien, qui souhaite créer un réseau à part pour lui, les forces de l’ordre et ses alliés. En novembre dernier, lors de manifestations qui avaient soulevé le pays, il était parvenu à bloquer l’accès à Internet à 95 %. Un pourcentage énorme, mais qui laissait entrevoir une faille toujours existante : le gouvernement reste encore dépendant à 5 % du réseau public.
Il est aussi possible d’imaginer de nombreuses dérives à « Runet » : isolement du peuple russe, censure ou encore désinformation. Surtout ces derniers mois, où de nombreux pays ont utilisé la coupure Internet comme moyen d’étouffer des manifestations, comme en Irak et en Inde. Un sentiment qui pousse les gens à s’organiser et trouver des moyens de contourner le système pour préserver leurs libertés. « Pendant le printemps arabe, il y a eu beaucoup de coupures et on a vu des gens se connecter avec d’anciens modems pour accéder aux réseaux étrangers, rappelle Jérôme Notin. Il y a toujours un moyen d’accéder à Internet. »
L’expert évoque par exemple le réseau Tor qui en anonymisant l’origine des connexions permet à la fois de se protéger contre certaines formes de surveillance sur Internet et d’accéder à des sites, contenus ou services bloqués dans certaines zones du monde. « Couper à un pays entier l’accès au réseau Internet mondial est possible, mais sur une courte durée. C’est bien plus compliqué de le maintenir dans le temps. »