MotoGP : « Que chaque course soit un kif, et si je kife, ça peut jouer la gagne », espère Johann Zarco
INTERVIEW Le pilote français de MotoGP, Johann Zarco se confie à « 20 Minutes » à l’aube d’une troisième saison avec Pramac pour laquelle il vise une première victoire
- Comme chaque lundi, « 20 Minutes » donne la parole à un acteur ou une actrice du sport qui fait l’actu. Cette semaine, place au pilote de motoGP, Johann Zarco.
- Le pilote de Pramac Racing entame sa septième saison au plus haut niveau, la troisième dans la même écurie.
- Il espère ne faire qu’un avec sa Ducati, l’une des motos les plus rapides du plateau, pour enfin décrocher sa première victoire dans la catégorie reine de la moto.
Le pilote français de MotoGP Johann Zarco s’est confié à 20 Minutes autour de quelques trous de golfe près d’Avignon, son camp de base, entre deux essais de présaison avec son écurie Pramac Racing. Une fidélité de trois ans avec sa Ducati qui lui fait espérer une première victoire cette saison, et surtout beaucoup de « kif » à 33 ans.
Comment se sont passés vos premiers tests à Sepang ?
C’étaient trois jours superintenses, comme d’habitude. Tu te prépares tout l’hiver et quand tu remontes sur la moto en Malaisie, dès le premier jour, tu te dis " mince c’est difficile ", à cause de l’intensité, des adversaires qui roulent de plus en plus vite, de la chaleur. Tout est surdimensionné, mais c’est le challenge.
Y a-t-il de grosses évolutions d’une année sur l’autre ?
Ducati a tellement tout raflé sur 2022, qu’on ne peut pas révolutionner une moto qui gagne autant. Pour eux c’est toujours comment améliorer l’utilisation des 300 chevaux, parce qu’on pourrait en avoir plus, mais il faut réussir à ce qu’ils puissent pousser vers l’avant et surtout qu’ils ne fassent pas cabrer la moto. Ils bossent toujours sur de l’aérodynamique, finalement, c’est ce qui peut faire le plus de différence aux vitesses auxquelles on roule.
Quelles sont vos sensations avec cette moto ?
L’objectif de cette année, c’est de pouvoir être plus naturel avec la moto, pour être plus performant lors des courses, et surtout plus régulier tout au long de l’année. Les deux dernières années, un peu par ma méthode et ma manière de compenser, je tenais. Mais en fin d’année, on a vu que je ne tenais plus, et c’est parce que je manquais d’aisance sur la moto.
On parle de vitesse, d’aéro, mais, finalement, ce qui vous importe le plus, c’est le ressenti sur la moto ?
Je parle un peu moins technique parce que, à partir du moment où j’estime avoir la meilleure moto, je ne mets pas d’excuse sur la moto, et il n’y a plus qu’à faire. Donc je parle de feeling. Je dis piloter naturellement parce que tous les pilotes à ce niveau-là ont des qualités. Par ma manière de me mettre souvent en doute, je ne vais plus penser à ces qualités, je vais penser à faire des choses qui ne sont pas dans mon naturel. Donc j’ai beaucoup évolué, mais je n’ai pas encore gagné parce qu’on voit que, pour gagner, c’est plus un état de grâce que tout décomposer et essayer de faire des choses qu’on ne sait pas faire.
C’est ce déclic qui pourrait vous apporter cette première victoire en MotoGP ?
Je crois oui. A chaque fois, je dis « il me manque un petit truc », et tout mettre bout à bout, ce n’est pas facile. C’est plus facile si ça vient naturellement, parce que si tu te mets à y penser, tu risques d’oublier un truc.
J’ai l’impression que vous êtes quelqu’un qui pense beaucoup sur sa machine ?
J’ai grandi de cette manière en décortiquant toutes les phases de pilotage, ça m’a fait énormément grandir. Après, j’ai aussi eu une période où je faisais tout naturellement parce que tout était en phase, et je n’avais plus qu’à me lâcher. Là, je suis un peu sur cette période. Mais se lâcher, c’est peut-être un peu plus difficile, ça ne vient pas d’un claquement de doigts. Car ça fait une paire d’années que ce n’est plus venu naturellement, et parce que, aussi, on a moins tendance à se libérer à 33 ans qu’à 20 ou 25 ans. Et donc il y a tout cet état d’esprit un peu conservateur, on va dire, qui peut créer des limites, l’enjeu c’est les libérer progressivement.
Quel est l’objectif de votre saison ?
Bien vivre toutes les courses, surtout que maintenant on a deux courses par week-end [courses sprint le samedi] pour se régaler. Que chaque course soit un kif, et pas un poids qui te plombe parce que tu sais que ça va être dur, que les adversaires sont forts. Non, tu te sens capable de te bagarrer avec les mecs, et c’est vraiment du kif. Et si ça kife, ça peut jouer la gagne.
Comment se compose votre équipe ?
J’ai un préparateur physique avec qui je bosse à distance. Il y a Guillaume, mon manager et agent, avec qui je ne suis pas tout le temps, puisqu’il est à Bordeaux. Tout le côté agent, manager c’est indispensable. Je faisais sans jusqu’à présent, pendant les périodes Covid, ce n’était pas plus mal d’être en direct avec les partenaires ou l’employeur, ça faisait une relation plus directe, c’était bien de fonctionner sur la confiance. Mais, maintenant, le business a repris et donc, il faut quelqu’un dont c’est le métier et qui va se préoccuper de ça tous les jours, parce que ça devient des prises de tête. Je fais aussi un peu de travail mental, avec l’ex-nageur Grégory Mallet, une personne avec un profil assez similaire, donc il peut bien m’aiguiller sur ce discours interne pour amener du positif et aller chercher mes points forts et ne pas les remettre en doute. Et toujours mon kiné qui me suit, sur tous les GP, la personne avec qui je vais passer le plus de temps.
Est-ce que les Ducati vous semblent toujours aussi dominantes ?
Je crois, même plus que l’an dernier. Dans la team Pramac, on est en place, Martin [son coéquipier] a plus d’expérience. La team VR46, avec Marini et Bezzecchi, gère très bien son sujet. Quant à la team Gresini, même si elle perd Bastianini [départ chez Ducati officiel], elle récupère Alex Marquez. Donc il y a clairement au moins six Ducati sur huit qui seront devant. Du coup, quand tu te dis " je vais faire top 10 ", et qu’il y a huit Ducati, c’est chaud. C’est pour ça que j’estime Ducati encore plus fort que l’an dernier.
Est-ce que cette fidélité à Pramac porte ses fruits ?
Complètement, je le vois avec les tests, je ne me prends pas la tête et on essaie des choses différemment. On ne va pas chercher à faire des chronos absolument. Et sans chercher à en faire, avec l’habitude, je me retrouve à moins d’une seconde des meilleurs, alors que le niveau est de plus en plus élevé. Grâce à cette expérience avec la même moto, je fais les choses naturellement, sans m’en rendre compte. Et dès que tu te concentres, c’est pour être au top niveau, c’est agréable comme sensation.
Comment voyez-vous l’avenir ?
C’est difficile à dire, je vis un peu d’année en année. Et c’est aussi comme ça que fonctionne mon contrat. Si je peux gagner, si je joue les podiums, les contrats se renouvellent presque automatiquement. Parce qu’un pilote qui joue les podiums, c’est demandé et c’est ce que je fais depuis 2021 et 2022. Je me dis que ça peut encore le faire cette année, surtout si je débloque le compteur victoire. Le MotoGP c’est le plus intense, le plus sympa, c’est aussi ce qui fait avoir le meilleur revenu, donc il n’y a pas de raison de viser autre chose. Je ne ferai pas comme Valentino [Rossi], jusqu’à 42 ans. J’ai 33 ans, est-ce que jusqu’à 35, ça peut bien le faire ? Il faut voir.
Est-ce que vous avez constaté un changement de la part du public envers le MotoGP depuis le titre de Fabio Quartararo ?
Avec Fabio, on a quasiment dix ans d’écart. Son titre a eu un effet boom, c’est top, comme je dis, je préfère que ce soit un Français plutôt qu’encore un Espagnol qui gagne un titre mondial. Avec mes deux titres en Moto 2, au niveau des passionnés, mon image n’a pas changé, ils sont toujours au taquet. Pour le grand public, réussir en MotoGP, ça permet clairement de faire connaître son nom au-delà.