OL-Stade Rennais : Bruno Genesio est-il en train de devenir un entraîneur respecté en Bretagne ?
FOOTBALL L’entraîneur du Stade Rennais, Bruno Genesio, se déplacera à Lyon ce dimanche (17h05) pour la première fois depuis son départ en 2019. Lors du match aller, il avait donné une leçon de football (4-1) à l’OL de Peter Bosz
- Un après-midi de retrouvailles. Ce dimanche (17h05), Bruno Genesio sera sur le banc du Stade Rennais pour un déplacement périlleux à Lyon, où il ne garde pas que des bons souvenirs.
- Souvent critiqué par les supporteurs de l’OL pour ses choix tactiques, « Pep » Genesio tient sa revanche avec Rennes et son jeu collectif léché, qui se traduit par la deuxième meilleure attaque de Ligue 1, avec des buts somptueux collectivement à la clé.
- Tactiquement, il n’a jamais renié ses envies de jouer vers l’avant, mais il semble avoir trouvé une meilleure acceptation de son discours en Bretagne qu’à l’OL.
« Les résultats qu’il a eus à Lyon ont été très bons. Malheureusement, il a été décrié quasi immédiatement lorsqu’il a pris l’équipe première. Je trouve que tout ce qu’il s’est passé était de l’ordre du délit de faciès. » Trois ans après la séparation entre l’OL et Bruno Genesio, Florian Maurice n’a pas manqué l’occasion, sur RMC Sport, de relancer un sujet qui crispe toujours : le long passage du coach rennais a-t-il été injustement perçu à Lyon ? A quelques jours d’un OL-Stade Rennais déterminant dans la course à l’Europe, ce dimanche (17h05), le directeur sportif breton « a encore réécrit l’histoire », reprochent de nombreux supporteurs lyonnais.
Car les faits sont là : hormis cinq premiers mois brillants de janvier à mai 2016 (de la 9e à la 2e place), l’OL ne s’est jamais assuré avec Bruno Genesio d’une qualification directe en Ligue des champions (4e en 2017, 3e en 2018 et 2019). Il n’a pas atteint de finale de Coupe. Et son principal fait d’armes reste cette demie de Ligue Europa perdue en 2017 contre l’Ajax Amsterdam (1-4, 3-1). Un « très bon » bilan malgré des saisons passées à diriger des joueurs de la trempe de Lacazette, Tolisso, Fekir, Ndombele, Mendy et Depay ?
« A Lyon, il s’adressait surtout à une somme d’individualités »
Eclatant vainqueur à l’aller au terme d’un match référence (4-1), l'intéressé va disputer ce dimanche sa première rencontre sur le banc adverse du Parc OL. A l’image de l’actuelle série de trois succès consécutifs en Ligue 1, le Stade Rennais (4e et deuxième meilleure attaque du championnat) ne lui a-t-il pas permis de devenir un entraîneur bien plus respecté ? « Je pense que Bruno Genesio prônait déjà le même jeu offensif et collectif à Lyon, mais son message n’était alors pas aussi bien perçu par ses joueurs, estime l’ancien milieu des deux clubs Gaël Danic. Là-bas, il s’adressait surtout à une somme d’individualités davantage tournées vers leur carrière personnelle que vers le collectif, comme c’est le cas au Stade Rennais. »
Difficile de lui donner tort lorsqu’on repense à la triplette d’individualistes parfois forcenés Depay-Diaz-Traoré, sorte d’antithèse absolue des complices Bourigeaud, Majer, Terrier et Laborde. Durant ses deux saisons à Lyon, de 2013 à 2015, Gaël Danic a justement évolué sous les ordres de Bruno Genesio, alors adjoint de Rémi Garde puis d’Hubert Fournier.
Il prenait en charge toutes les séances d’entraînement. Dans les faits, c’était un vrai numéro un bis. Il intervenait souvent et cherchait à maintenir tous les joueurs de l’effectif concernés. On a vite senti que ce qui l’habitait, c’était le football spectacle, qu’il allait préférer gagner 4-3 que 1-0. »
« Bruno voulait toujours qu’on joue comme le Barça »
Une sensibilité foot claire que nous avait partagée Saïd Mehamha, son ancien milieu avec la réserve de l’OL (en 2010-2011), avant qu’il n’affronte en septembre 2018 le Manchester City de Pep Guardiola : « Bruno voulait toujours qu’on joue comme le Barça. Le 4-3-3 de l’époque Guardiola était une obsession pour lui. On avait parfois des séances vidéo avec Bruno, non pas sur notre adversaire en National 2, mais sur des séquences de jeu du Barça ». Un modèle assumé, jusqu’à l’emploi systématique du 4-3-3 durant la fin de saison 2015-2016 en boulet de canon après le limogeage d’Hubert Fournier, avec en apothéose un 6-1 contre l'AS Monaco. Ça lui vaut vite ce surnom moqueur de « Pep » Genesio auprès de twittos lyonnais.
S’il a battu en 2017-2018 le record de buts (2,3 en moyenne) inscrits par l’OL (y compris par le Grand Lyon des années 2000) sur une saison de Ligue 1, les supporteurs ne sont pour la plupart pas nostalgiques de ses trois ans et demi sur le banc lyonnais. « C’était un super meneur d’hommes qui a su faire des coups sur le court terme, mais qui s’est montré incapable de faire progresser structurellement notre club, juge ainsi Vincent. Nos matchs étaient complètement illisibles et sauvés par des individualités, comme le triplé de Memphis Depay pour arracher la troisième place en 2018 à l’ultime journée (3-2). »
« Bruno est un entraîneur sous-côté »
A Rennes, tout n'a pas été parfait cette saison mais le rendu est beaucoup plus limpide et serein. L’entraîneur du SRFC a su y instaurer un jeu collectif léché qui a fait forte impression dans toute l’Europe du football. « Je continue à penser que Bruno est un entraîneur sous-côté. Il a réalisé des exploits par le passé mais il a été trop vite critiqué. C’est un coach qui aime le beau jeu offensif. Son objectif, c’est que son équipe se créer un maximum d’occasions pour mettre l’adversaire en difficulté », estime Alexandre Kerveillant, analyste vidéo de Genesio durant sa saison et demie passée à la tête du Beijing Guoan (Chine), d’août 2019 à janvier 2021.
En un an sur le banc rennais, l’ancien coach de l’OL, âgé de 55 ans, a su s’appuyer sur les bases tactiques posées par Julien Stéphan et son pressing haut pour y poser doucement sa patte. « Bruno adore les une-deux, les circuits de passes qui jouent à deux, à trois, avec des joueurs qui n’hésitent pas à dézoner. Il évolue en fonction de l’effectif. Là, il a de très bons latéraux [Meling et Traoré] donc il s’appuie dessus pour porter le danger », poursuit son ancien adjoint.
« On peut jouer ensemble les yeux fermés »
Pour appuyer son propos, celui qui est désormais en poste au FC Sion (Suisse) a un argument béton : « Depuis que Bruno est parti, Lyon a connu des périodes de turbulences avec des changements de coach beaucoup plus fréquents, sans jamais trouver la bonne formule ». Avec son football total, Genesio assume aussi le risque de découvrir ses ailes quand ses latéraux jouent haut. Mais là aussi, il a trouvé la parade en faisant reculer Benjamin Bourigeaud ou en décalant un milieu récupérateur, souvent Baptiste Santamaria. L’un des tauliers de cette organisation, Benjamin Bourigeaud, détaille l’apport de la patte Genesio.
« Ce sont des choses que l’on travaille depuis le début de saison. Notre état d’esprit fait qu’on peut dézoner, on sait qu’on va être compensés derrière. C’est un travail collectif que l’on fait tous les jours. Avec cet état d’esprit, on peut jouer ensemble les yeux fermés. C’est ce qui fait notre force ».
Un adepte du « marquage préventif »
« On parle parfois de désorganisation organisée. C’est un jeu où le système tactique et les postes ne veulent plus dire grand-chose. A chaque fois qu’un joueur libère un espace pour attaquer la ligne, un autre doit compenser. Manchester City le fait très bien par exemple », explique Luigi Renna, spécialiste de la tactique et auteur de l’ouvrage Football et projet de jeu.
Souvent inspiré par la méthode de Pep Guardiola, Bruno Genesio est aussi devenu un adepte du « marquage préventif », qui consiste à anticiper la perte de balle pour contrer très vite et très haut l’adversaire. Obnubilé par une tactique appelée « jeu de positions » ou « jeu d’opportunités », Genesio fait répéter des séquences collectives à ses joueurs à l’entraînement.
« Quand ça se dérègle avec lui, c’est violent »
« C’est un schéma exigeant, qui demande du temps pour être assimilé et accepté par les joueurs, poursuit Renna. Peut-être qu’à Lyon, il n’avait pas eu le temps de mettre ses idées en place. Le contexte n’était pas le même qu’à Rennes ». L’équipe doit alors être capable de varier son rythme de jeu, ralentissant parfois la possession au risque de sembler timide pour mieux accélérer et casser les lignes. Mais quand elle se projette, l’équipe rennaise le fait en nombre, comme on peut le constater sur la capture d’écran ci-dessus, avec six joueurs dangereux.
Un instantané révélateur de la dimension spectaculaire qui habite un groupe de Bruno Genesio, mais aussi de la crédibilité tactique qu’il est en train d’acquérir pleinement avec son deuxième poste à la tête d’un club d’élite européen. « Il est clair que Genesio tire actuellement des choses collectives bien plus poussées qu’à Lyon, reconnaît Vincent, notre supporteur lyonnais. Mais j’incite les Rennais à ne pas trop se réjouir car quand ça se dérègle avec lui, c’est violent. D’ailleurs, ils n’ont pas été éliminés en Coupe de France chez le 20e de Ligue 2 [à Nancy en 16es de finale] alors qu’ils ont tarté le PSG et l’OL ? C’est so Genesio ça… »