NBA Paris Game : Entre nostalgie et « fascination pour Jordan », la passion pour les Chicago Bulls a traversé le temps

BASKET Le match de NBA entre les Detroit Pistons et les Chicago Bulls, programmé ce jeudi (21 heures) à Paris Bercy, prouve à quel point la franchise historique de Michael Jordan reste populaire dans le monde entier, même 25 ans après son dernier sacre

Jérémy Laugier
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Michael Jordan et son coach historique Phil Jackson avaient profité de l'Open McDonald's de basket, en octobre 1997 à Paris Bercy, pour poser devant la Tour Eiffel.
Michael Jordan et son coach historique Phil Jackson avaient profité de l'Open McDonald's de basket, en octobre 1997 à Paris Bercy, pour poser devant la Tour Eiffel. — GABRIEL BOUYS / AFP
  • La NBA s’exporte cette semaine en France, à l’occasion du match de saison régulière entre les Detroit Pistons et les Chicago Bulls, disputé ce jeudi (21 heures) à Bercy.
  • Même 25 ans après son dernier titre NBA, et la fin de la dynastie Jordan-Jackson-Pippen, la franchise de Chicago reste une marque internationale inégalable.
  • La perspective de revoir les Bulls sur le parquet de Bercy fait notamment remonter le souvenir du mythique Open McDonald’s, sorte d’apogée de la Jordanmania en France en 1997.

Au Palais des sports Marcel-Cerdan (Levallois),

On peut rester sur 24 saisons sans titre, dont la moitié sans play-offs, avec une seule finale de conférence (en 2011), tout en conservant la plus grosse affluence de toute la NBA. Mais aussi en agitant la France, à l’occasion d’un NBA Paris Game ce jeudi (21 heures à Bercy) qui volerait presque la vedette à la Fashion Week dans la capitale. Les 14.700 billets pour cette affiche pourtant guère clinquante entre Detroit et Chicago, actuellement dernier et 10e de la conférence Est, sont ainsi partis en 30 minutes. L’explication à cette folle effervescence semble surtout tenir en deux initiales : et oui, MJ.

Commentateur phare du basket en France depuis 1985, et encore au micro de Canal+ ce jeudi, George Eddy explique : « Les Bulls représentent évidemment encore l’époque de Michael Jordan. C’était la meilleure équipe du monde dans les années 1990. Jordan a permis de populariser la NBA à travers le monde et il y a une part de nostalgie quand on parle des Bulls avec les fans français, car MJ reste très présent dans tous les esprits. » Responsable de la rubrique basket sur beIN Sports, Xavier Vaution poursuit : « C’est une franchise tellement historique qu’elle reste très suivie jusqu’en France. Quand on pense aux Bulls, il y a ce maillot, ce logo, cette musique. A beIN, on a Eric Micoud [ancien joueur pro devenu consultant] qui reste un énorme suiveur des Bulls et qui continue de dire "on" quand il parle de leurs matchs. »

« Trop gagner devenait presque chiant »

Ce lien viscéral avec la franchise de l’Illinois, Bertrand Landry (35 ans), responsable du compte Twitter français de référence consacré aux Bulls, l’a depuis 1996, année de cinquième titre pour la bande à Phil Jackson. « Enfant, j’ai commencé à m’intéresser au basket lorsque la Jordanmania était à son apogée, raconte-t-il. C’était une période marrante : je regardais les vidéos des matchs enregistrés sur Canal+ avec trois jours de retard, et j’étais tranquille : avant Internet, il n’y avait personne pour me spoiler. » Aujourd’hui, Bertrand Landry ne s’imagine plus rater le moindre match de son équipe favorite, qu’il regarde en direct en pleine nuit grâce au NBA League Pass, « avec une sieste avant et une sieste après ». En 27 saisons de supporteur, ce salarié à Disneyland Paris, qui a effectué une année dans le parc d’Orlando (Floride) afin de pouvoir assister à une quinzaine de matchs NBA des Bulls, est conscient d’avoir connu plus de bas que de hauts avec son équipe de cœur.



« En 1998, après le sixième titre en huit ans et la retraite de Jordan, je me suis dit que trop gagner devenait presque chiant, et je m’en veux d’avoir pensé ça, se marre celui qui sera évidemment à Bercy ce jeudi. Avec la retraite de Jordan, je voulais voir ce qui pouvait se mettre en place, mais j’étais dégoûté car nos matchs n’étaient plus jamais sur Canal+. Heureusement, le lien se gardait grâce aux jeux vidéo, même s’ils étaient nuls là aussi à cette époque. » La passion de Bertrand Landry a réussi à résister aux années Corey Benjamin et Eddy Curry, puis à celles de Kris Dunn et Luke Kornet. Pas une mince affaire, même si la parenthèse enchantée du tandem Derrick Rose-Joakim Noah a un temps redonné des espoirs de sacre, surtout avec cette finale de conférence contre Miami (1-4) en 2011.

La Chine ne rêvait que des Bulls et de Jordan dès 1987

Au hasard d’une assiette légère (pizza, frites, hot-dog, donut), mercredi au self improvisé du Palais des sports Marcel-Cerdan de Levallois, où Bulls puis Pistons s’entraînaient, on a eu la chance de tomber sur Sam Smith. Et oui, LE Sam Smith quasi starifié dans la fameuse série Netflix The Last Dance, consacrée à Michael Jordan en 2020. Autant vous dire qu’à 74 ans, l’ancien journaliste du Chicago Tribune, et auteur du best-seller The Jordan Rules, a eu un paquet d’occases de mesurer la popularité du taureau rouge dans le monde. « Même si les Bulls ne sont plus une équipe qui peut prétendre au titre, ils gardent le logo et la marque les plus reconnaissables sur le plan international, là où les Lakers et les Celtics restent essentiellement connus aux Etats-Unis, malgré tous leurs titres », note l’actuel rédacteur pour le site bulls.com.

Comme il le rappelle, les Bulls comptent dans le paysage du basket international après leur dynastie, mais aussi avant. Car en 1987, lorsque le patron de la Ligue américaine David Stern s’est rendu en Chine pour tenter de signer un contrat TV, « là-bas, ils ne connaissaient rien du basket et de la NBA, mais ils parlaient déjà de ce taureau rouge et de Michael Jordan », nous assure Sam Smith. Rebelote concernant la popularité de la NBA hors USA via MJ en 1990, avec son premier show en France, dans le petit gymnase Géo-André (Paris XVIe) en fusion, avec ses 2.000 fans entassés, et ses 8.000 autres déçus à l’extérieur.



Jordan cible ultime des paparazzi en 1997 à Paris

Oui oui, dès 1990, soit avant le premier titre NBA d’His Airness en 1991, ainsi que la fabuleuse Dream Team des JO 1992 de Barcelone. Et puis il y a cet Open McDonald’s en octobre 1997 à Bercy, point culminant de la starisation du numéro 23 en Europe, alors qualifié de « Dieu » dans la presse française. Sam Smith se souvient parfaitement de l’ambiance autour des deux victoires des Bulls contre le PSG Racing (89-82) et l’Olympiakos (104-78) : « Les gens étaient surexcités par absolument tous les gestes de Jordan : ils le voyaient comme un acrobate. Il avait l’attention de toute la salle, tout le temps. » Alors pivot du PSG Racing durant ce tournoi, Eric Struelens partage ce constat.

Il est clair que tout le monde voulait voir Jordan. Perso, ce match est dans le Top 3 des meilleurs souvenirs de ma carrière, même s’il manquait Scottie Pippen et LE phénomène Dennis Rodman. On avait la chance d’avoir une immense médiatisation autour de nous ce soir-là. Je voulais donc me montrer devant les Bulls, voir si un jour j’aurais la possibilité, pourquoi pas, de jouer en NBA. »

La réponse sera malheureusement négative pour notre intérieur belge, alors âgé de 27 ans, et présent bien malgré lui sur quelques highlights renversantes de Jordan, auteur de 28 points dans un match finalement accroché (89-82). En a-t-il profité pour prendre un selfie (avant même la naissance du mot) avec MJ, en plein hôtel InterContinental de Paris IXe, où toutes les équipes résidaient ? « Non, on l’a très peu vu et ce n’était pas mon genre de l’ennuyer pour une photo, lâche Eric Struelens. J’ai eu bien plus de contacts avec Steve Kerr et Luc Longley dans le hall de l’hôtel. Quand on sortait par la porte principale, il y avait toujours du monde qui restait là en espérant le voir, et des paparazzi à l’affût. Mais Jordan avait sa sortie dérobée, et la police ne le lâchait pas. »


Le pivot belge Eric Struelens a eu la chance de se confronter à Michael Jordan lors de l'Open McDonalds, le 17 octobre 1997 à Bercy.
Le pivot belge Eric Struelens a eu la chance de se confronter à Michael Jordan lors de l'Open McDonalds, le 17 octobre 1997 à Bercy. - GABRIEL BOUYS / AFP

4.000 euros de cigares cubains achetés en plein centre

Y compris pour l’une des rares sorties de la star des Bulls cette semaine-là, afin d’acheter pour 18.000 francs (4.000 euros)… de cigares. Mais pourquoi cette bizarrerie au juste, alors qu’il s’est par ailleurs enfermé dans sa chambre d’hôtel pendant quatre jours ? Le fin mot de l’histoire est évidemment pour Sam Smith : « Il voulait absolument acheter des cigares cubains car il y avait un embargo contre Cuba chez nous, donc il ne pouvait pas en acheter aux Etats-Unis. Il a donc tenu à faire le plein. N’importe qui se serait vu confisquer tous ses cigares à l’aéroport, mais pas Michael Jordan. De même, il n’a jamais reçu la moindre amende à Chicago alors qu’il collectionnait les excès de vitesse. »

D’étonnants passe-droits qui ont aussi bâti la légende de sa majesté à Chicago, et ainsi permis à sa franchise de rester à tout jamais à part. « Les Bulls sont toujours extrêmement populaires dans le monde entier, a constaté DeMar DeRozan, ailier de l’équipe en 2023 et atout principal de ce groupe irrégulier bataillant pour se qualifier en play-offs. Tout a commencé avec Michael, et désormais on a l’honneur de boucler la boucle en revenant à Paris pour un match. » Et ce en présence de plusieurs centaines de fans américains venus de Chicago « spécialement pour le match et non pas pour visiter la ville » (selon Sam Smith).


Autour de DeMar DeRozan, les Bulls ont à nouveau posé devant la Tour Eiffel cette semaine, un peu plus de 25 ans après qui vous savez.
Autour de DeMar DeRozan, les Bulls ont à nouveau posé devant la Tour Eiffel cette semaine, un peu plus de 25 ans après qui vous savez. - NBAE Getty Image

Les programmateurs ne s’arrachent plus les Bulls

Pourtant, si beIN Sports et Canal+ (en clair) vont mettre le paquet pour retransmettre cette affiche jeudi, les Bulls n’ont plus forcément les faveurs des programmateurs en France durant le reste de l’année. « Nous devons être dans la culture de l’instant, et comme les Bulls ne sont pas terribles aujourd’hui, personne ne court après leur programmation absolue à la télévision », précise Xavier Vaution. Une logique implacable, qui tranche avec la passion déraisonnée emportant tant de fans à travers le monde.

« Aujourd’hui, il reste cette fascination pour les Bulls en raison de Michael Jordan, qui est comme un personnage de mythologie, résume Sam Smith. Il y a chez certains fans un côté "restons proches de l’équipe pour laquelle Jordan a joué". Et peu importe où se déplacent les Bulls aux Etats-Unis, on voit des maillots de l’équipe portés un peu partout dans la salle. » Et nul doute que cette fascination pour le numéro 23 réussira l’exploit de durer encore plus longtemps que l’embargo américain contre Cuba.