VIDEO. FC Nantes-Strasbourg: «Ça a fait parfois des trucs inaudibles au micro!», avoue Yannick Bigaud

INTERVIEW Le speaker du FC Nantes va arrêter, ce samedi soir, lors de Nantes-Strasbourg, ce qu'il aime le plus, après 40 années de service...

David Phelippeau
Yannick Bigaud, le speaker de la Beaujoire jusqu'à la fin de la saison.
Yannick Bigaud, le speaker de la Beaujoire jusqu'à la fin de la saison. — D.P. / 20 minutes
  • Yannick Bigaud (67 ans) est speaker du FC Nantes depuis 1978.
  • Ce samedi soir, lors de Nantes-Strasbourg, il va tout arrêter après 40 ans de service.
  • Il revient sur quarante années passées au micro à Saupin et à la Beaujoire.

Micro coupé pour Yannick Bigaud.  Le speaker (bénévole) du FCN va arrêter sa carrière, ce samedi soir, lors de Nantes-Strasbourg (21 h), l’ultime rencontre de sa 40e saison. En quatre décennies, le conseiller départemental et maire de Guéméné-Penfao, âgé de 67 ans, n’a « loupé que quelques matchs en raison d’une extinction de voix ou de vacances à l’étranger ».

En 40 ans, ce speaker - que certains trouvent agaçant et trop bavard et d’autres, enjoué et agréable - n’a « jamais voulu faire ce job pour une autre équipe que le FCN », son club de cœur. Un entretien (réalisé fin avril) plutôt spontané et jalonné d’éclats de rire et de réponses parfois politiques, il faut l’avouer.

Vous avez débuté à Saupin lors de la saison 1977-1978. Quels souvenirs gardez-vous ?

Saupin, ça marque. Les équipements n’étaient pas les mêmes. J’ai des souvenirs des colonnes d’enceinte avec un décalage entre le son et ma parole. Je devais parler sans m’écouter. C’était épique. Je devais monter sur un escabeau pour mettre des disques sur la platine car il n’y avait rien de fourni. J’avais des micros fixes qui ne marchaient pas très bien. J’avais été obligé de ramener mon matériel.

Le moment qui vous a le plus marqué en 40 ans ?

Les matchs de Coupes d’Europe. C’était une découverte, une autre dimension, une autre ambiance. Un engouement à tout point de vue. Je retiens la Juventus de Turin à Nantes [1996], un grand match, un grand moment. On se retrouve avec des joueurs fabuleux face à soi. C’était un truc énorme.

Nantes-Juventus en 1996, à la Beaujoire ou Makélélé face à Deschamps.
Nantes-Juventus en 1996, à la Beaujoire ou Makélélé face à Deschamps. - FRANK PERRY / AFP

Et sur un plan personnel ?

A Munich [match de Ligue des champions entre le Bayern et Nantes en 2002], je me retrouve dans le stade olympique. On me présente mon alter ego. On discute. Il me propose de présenter mon équipe. Je me retrouve au milieu du stade olympique avec le micro. Ça reste un moment extraordinaire. Inoubliable. J’ai d’ailleurs ramené le maillot de Lizarazu qui jouait au Bayern.

Le plus beau but du FCN ?

C’est Nantes-PSG [1995] avec le but incroyable de Loko. Franchement, cette combinaison de passes aériennes, il faut avoir vu ça une fois.

Au micro, ça donne quoi des buts comme ça ?

On se lâche totalement. A cette époque-là, j’avais mon cri qui tue sur tous les buts. Il y a tellement de tension, j’ai tellement de pression - presque autant que les joueurs - que je lâche tout. Et ça fait un truc quasiment inaudible.

Le but qui vous a procuré le plus d’émotions au micro ?

Celui du titre de Vahirua en 2001 et celui du maintien de Diallo en 2005. Celui de Marama, c’était fabuleux. Il y avait eu une marée humaine. C’était sans doute le plus fort, même si c’était le 8e titre… Mais, ça marquait la fin d’une époque car après, on avait passé la main à Lyon.

Marama Vahirua.
Marama Vahirua. - FRANK PERRY / AFP

Le plus grand joueur ?

Henri Michel [décédé le 24 avril]. Un artiste. Un type d’une élégance, d’une beauté à voir. Avec Jean-Marc Guillou, c’était le seul joueur capable de remonter le terrain balle au pied sans la regarder. Des contrôles fabuleux. On a eu des très grands joueurs à Nantes, mais lui, c’était fou. Il aurait dû faire une carrière plus importante encore. Un type super.

A vous entendre, c’était mieux avant non ?

C’est différent maintenant. C’est plus business, avec des joueurs qu’on achète et qu’on revend. J’ai eu la chance de connaître le foot avec les centres de formation, avec Suaudeau et Denoueix, puis, à un degré moindre, Amisse. Il y avait une culture. J’allais voir les entraînements de Suaudeau, c’était presque plus intéressant qu’un match. Le voir mettre en place ses ateliers, inventer toujours de nouvelles choses…

L’homme qui vous a le plus marqué ?

Le plus grand c’est Suaudeau. A tout point de vue, un grand bonhomme. C’était un génie. Il avait un foutu caractère. Ce n’était pas l’ami des journalistes car il avait parfois des réparties cinglantes. Philippe Daguillon [décédé en mars] m’a aussi marqué. J’ai vu des joueurs qui sortaient sur civière, repartir en marchant peu de temps après… Il remettait en place les entorses. C’était un magicien. C’était un ostéo de grande qualité. Combien de joueurs lui doivent d’avoir poursuivi leur carrière ? On ne se rend pas compte de ça.

Le coach Suaudeau, celui du FCN sous l'ère Scherrer.
Le coach Suaudeau, celui du FCN sous l'ère Scherrer. - EVRARD JS/SIPA

Le président qui vous a le plus marqué ?

Le président Louis Fonteneau [1969-1986]. Les joueurs étaient ses enfants. Nantes était une famille. Ce président était très grand et très humain.

Votre plus grosse bourde au micro ?

Lors d’un match à Saupin, ça chahutait dans la tribune visiteur de Brest. On me dit qu’il faut faire quelque chose. Alors, là, je dis : "Amis supporters, faites preuve de sportivité svp ! Il faut se calmer. C’est du sport." Ça ne change rien. Donc, je dis : "Bon puisque nos amis brestois ne font pas preuve d’intelligence, je demande à ceux qui sont à côté d’eux de leur expliquer différemment". Là, il y a 20 ou 30 gars qui sont descendus de la tribune et qui se sont mis à distribuer des baffes ! J’ai pris la dimension de ce qu’il ne fallait pas dire avec un micro ce jour-là.

Il se dit que vous êtes à l’origine de la première ola en France ?

Oui, c’est vrai. Roger Praud [père de Pascal Praud], correspondant de presse, m’avait accompagné à la Coupe du monde au Mexique. On suivait les Bleus. Les olas se faisaient beaucoup là-bas. Roger m’a donné l’idée un soir de le faire à la Beaujoire. Le stade était plein. J’ai alors dit : "Il paraît que le public de la Beaujoire n’est pas capable de faire une ola comme on a vu au Mondial ? !" Il y a eu un départ difficile puis ça a bien tourné.

Est-ce vrai que vous avez porté une tenue verte au début des années 2000 ?

Oui, je l’ai portée un moment par superstition. Je l’ai toujours. C’était un blazer avec des cols à manger de la tarte… (rires)

Avez-vous eu peur un jour ?

Nantes-Toulouse, en 2016. J’ai eu peur qu’il y ait des blessés lorsque des supporters ont voulu aller dans la loge de Kita. D’ailleurs, je suis désolé parfois d’entendre les insultes sur le président Kita. Ça m’a toujours fait de la peine.

Quel est le joueur le plus sympa rencontré en 40 ans ?

Mickaël Landreau. Il a commencé tellement jeune à jouer en pro qu’un jour, il vient manger dans un restaurant dont j’étais le patron [le Papat’Show] et il me dit : "Viens voir Yannick il faut que je te montre quelque chose !" Je sors et là je vois une Golf sur le parking et il me dit que c’était sa voiture. J’ai compris qu’il venait d’avoir son permis et qu’il n’avait que 18 ans. Il était tellement installé en pro… Ça m’a surpris. Un super mec.

Mickaël Landreau en 2002.
Mickaël Landreau en 2002. - FRANK PERRY / AFP

Le joueur le moins sympa ?

J’ai eu une remarque un jour de Jean-Louis Garcia [coach actuel de Troyes et ancien joueur du FCN] car je l’avais confondu avec Jean-Louis Lima. J’ai appelé Garcia… Lima. Il m’avait dit de manière pas très sympathique : "J’espère que tu te souviendras de mon nom la prochaine fois !"

En 2011, vous aviez eu une remarque étonnante vis-à-vis des fans du PSG à la Beaujoire. Vous vous en souvenez ?

Oui, ils disaient "enculé" lors de l’annonce de chaque joueur nantais. Je leur ai dit au micro : "Visiblement, vous ne connaissez pas les noms des Nantais !" J’étais face à eux car à l’époque je me déplaçais. Tout le stade avait ri. J’avais fait la même chose un jour à Rennes lors de la présentation des Nantais…

Comment avez-vous géré votre vie de famille ?

Ma femme n’aime pas le foot. Moi, je passe mes week-ends à regarder ce sport. C’est ma passion, elle le sait. Elle sait que c’est mon truc. Elle viendra au dernier match car je ferai mes adieux. Il y a des gens qui aiment la chasse, la pêche, moi c’est le foot. Quand Nantes ne joue pas bien ou ne gagne pas, je suis mal. Je quitte le stade pas bien du tout. Je dors mal. Le lendemain, il ne faut pas m’emmerder. Je me fais des nœuds à l’estomac. C’est tellement une passion.

Pourquoi stopper maintenant ?

A un moment, il faut s’arrêter. 40 ans, c’est le bon moment. J’ai commencé lors des 35 ans du club. C’est bien de tourner la page. J’espère que je serai invité après, je ne sais pas encore (rires). Et comme je disais un jour au responsable de la com', si un jour le futur speaker ne peut pas venir, je serai là en tribune, s’il le faut.

Vous êtes maire de Guéméné-Penfao, ville de Loire-Atlantique très proche de l’Ille-et-Vilaine. Le derby contre Rennes doit être particulier pour vous, non ?

Je suis Nantais et pas Rennais. Dans ma ville, il y a sûrement 30 % de supporters rennais. Guéméné est à mi-chemin entre Nantes et Rennes. Ces dernières années [Rennes n’a plus perdu à la Beaujoire depuis 2006], le lendemain d’un match de Rennes à Nantes, quand je vais au café le dimanche matin, certaines personnes, ironiques, me lancent : "Alors, t’as passé une bonne soirée, Yannick ? !" Sur un but de Nantes contre Rennes, je crie plus fort sans doute. Et le public aussi.

Avez-vous une anecdote ?

Avant un Nantes-Bordeaux, on s’était fait tailler par Courbis, coach des Girondins. Il trouvait qu’on en faisait des caisses avec le jeu à la nantaise et il l’avait dit dans la presse. On doit gagner 3-0 ce soir-là et sur le 3e but, je finis mon intervention au micro en disant : "C’est ça Monsieur Courbis le jeu à la nantaise !" Ça a fait quelques lignes dans les journaux et notamment Sud Ouest. J’ai de la famille en Gironde qui m’avait demandé ce qu’il m’avait pris de dire ça. Rolland Courbis s’en foutait complètement…

Lors de cet entretien, vous nous avez parlé de votre cri inaudible [Ouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuhhhh… Le 2e but nantais est signé…]. Pourquoi ne le faites-vous plus depuis la saison dernière ?

Joker.