Intermittent, entrepreneur, salarié à 35h par semaine... Les youtubeurs gagnent-ils vraiment de l'argent?
REVENUS Les youtubeurs ne sont pas tous logés à la même enseigne, la majorité d’entre eux ont des revenus très précaires…
- Florence Porcel, youtubeuse spécialisée dans la vulgarisation scientifique, a raconté sur Twitter sa difficile « vie de youtubeuse ».
- Près de 80 % des youtubeurs en France sont auto-entrepreneurs, avec des revenus très modestes.
- Le duo de youtubeurs Mc Fly et Carlito possèdent un statut un peu particulier dans la profession, ils sont salariés « à 35 heures par semaine ».
Norman, Squeezie, Cyprien… Certains youtubeurs gagnent beaucoup d’argent, et sont même devenus millionnaires. Ces stars du Net aux millions d’abonnés gagneraient, selon les estimations des Echos, entre 100.000 et 500.000 euros par an, de quoi susciter des vocations… Mais les youtubeurs ne sont pas tous logés à la même enseigne. Florence Porcel, youtubeuse spécialisée dans la vulgarisation scientifique, a récemment poussé un coup de gueule sur les réseaux sociaux.
Elle a raconté sur Twitter sa difficile « vie de youtubeuse » : la précarité du statut, l’épuisement du travail continue, les commentaires parfois agressifs… « Ces trois dernières années, j’ai travaillé 100 heures par semaine, sans week-end, sans jours fériés, sans vacances (…) Mon statut juridique est auteur. Je touche des cachets mais pas assez pour redevenir intermittent. Pas de droits au chômage, pas de congés payés, pas d’aide, rien », a expliqué la youtubeuse dans une série de tweets, avant d’annoncer qu’elle allait prendre des vacances.
Des auto-entrepreneurs aux revenus « très modestes »
Florence Porcel n’est pas la seule youtubeuse à avoir des revenus précaires, c’est le lot de beaucoup de freelances, d’indépendants et de startupers qui œuvrent sur le réseau social. « YouTube ne reverse qu’une petite partie de ses recettes publicitaires pour rétribuer ses créateurs. Près de 80 % des youtubeurs en France ont des revenus très modestes », explique Guillaume Doki-Thonon, co-fondateur de Reech, entreprise spécialisée dans le marketing d’influence, et auteur de l’étude sur « Les influenceurs et les marques en 2018 ».
« La très grande majorité sont à leur compte, ils sont auto-entrepreneurs en SAS, SARL ou Sagi. C’est une activité qui demande énormément de travail pour bien souvent très peu de retombées économiques », précise Guillaume Doki-Thonon. « J’ai rencontré la semaine dernière une youtubeuse qui faisait ça en parallèle de ses études, et elle me racontait qu’elle consacrait plus de 30 heures de travail par vidéo, contre une rétribution financière bien maigre ». Aux Etats-Unis, leur situation est encore plus précaire : 96,5 % des youtubeurs ne génèrent pas assez de revenus publicitaires pour en vivre correctement, et sont même en dessous du seuil de pauvreté, estime une étude récemment publiée par Bloomberg.
Les youtubeurs « salariés à 35h par semaine », « une exception »
« Seuls 20 % parviennent à vivre plus ou moins correctement de leur activité. La plupart sont adossés à des agents, à des régies publicitaires ou à des boîtes de production, comme Studio 71 géré par TF1 », ajoute le co-fondateur de Reech. Beaucoup de chaînes ont en effet intégré des collectifs de youtubeurs, « c’est très rentable pour elles, mais aussi pour les youtubeurs qui peuvent ainsi profiter des services des scénaristes, graphistes ou monteurs mis à leur disposition ».
Et il y a aussi des grosses boîtes comme Webedia (214,4 millions de chiffre d’affaires en 2016), qui a récemment racheté la régie publicitaire Mixicom, à laquelle sont affiliées des grandes stars du Net comme Mc Fly et Carlito. Le duo de youtubeurs, auteurs de vidéos humoristiques, possède un statut un peu particulier dans la profession, ils sont salariés à 35 heures par semaine. Les deux acolytes ont signé en 2017 un contrat de deux ans avec Webedia : ils gardent 90 % des rémunérations perçues grâce aux vues de leurs vidéos et 50 % de l’argent des contenus sponsorisés qu’ils touchent en plus de leur salaire. En échange, Webedia se charge de leur régie publicitaire et récupère le reste des recettes.
« Ce deal nous a permis de bénéficier de tous les atouts d’une grande entreprise (studio dans les locaux, monteur dédié à leurs vidéos, équipes marketing) et surtout de se débarrasser de toutes les tâches ingrates liées à l’entrepreneuriat pour se concentrer sur ce qui fait notre succès : notre créativité », expliquent Mc Fly et Carlito, de leurs vrais noms David Coscas et Raphaël Carlier. « Les youtubeurs salariés sont extrêmement rares. Ils font vraiment figure d’exception dans la profession », rappelle toutefois Guillaume Doki-Thonon.
Youtube souhaiterait mieux « les rétribuer »
Souvent critiquée pour ne pas rétribuer assez les créateurs de contenus, Youtube a décidé en juin dernier de mettre en place des abonnements payants aux chaînes disposant de plus de 100.000 abonnés. « Moyennant 4,99 dollars [soit environ 4 euros] par mois, les utilisateurs pourront avoir accès à des contenus exclusifs comme des émoticônes personnalisées, des vidéos supplémentaires ou des directs exclusifs sur la chaîne de leur vidéaste préféré », a expliqué l’entreprise qui veut aussi permettre aux youtubeurs de vendre leurs produits dérivés (t-shirts, coques de téléphones…)
Le problème, c’est que ce système d’abonnement, qui permettra d’assurer aux vidéastes un revenu plus stable que les revenus publicitaires, ne sera dans un premier temps accessible qu’aux youtubeurs de plus de 100.000 abonnés. YouTube « espère » pouvoir proposer cette option à un panel plus large de personnes « ces prochains mois »…