Garanties sans alcool, ces nouvelles boissons ne veulent pas rendre la fête moins folle

like a VIRGIN Au Paon qui boit, une cave parisienne consacrée aux boissons sans alcool peu sucrées, les clients apprennent à découvrir de nouvelles saveurs pour adopter la tendance « flexi-drinker »

Claire Frayssinet
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Le Paon qui boit à Paris est une cave ne proposant que des boissons pour adultes sans alcool.
Le Paon qui boit à Paris est une cave ne proposant que des boissons pour adultes sans alcool. — Laure Ledoux
  • A Paris, une cave se positionne sur les boissons pour adultes sans alcool. Un marché qui progresse et qui intéresse désormais les alcooliers pour conquérir de nouveaux clients.
  • Gin, vin, rhum, bière ou pastis, de nombreux alcools ont désormais leur version désalcoolisée
  • Le secteur des boissons gastronomiques, contenant des extraits de plantes et de fruits, est aussi une alternative pour celles et ceux qui veulent accompagner leur repas d’une bonne bouteille sans risque d’ivresse.

Lorsqu’on passe la porte du Paon qui boit, tout ici ressemble à une cave : des bouteilles de vin sont disposées au fond de la boutique, des bières s’empilent sur des étagères et ce qui ressemble à du rhum cubain trône sur le comptoir. Pourtant, vous ne trouverez pas une goutte d’alcool dans cette cave d’un nouveau genre ouverte en avril 2022 dans le 19e arrondissement de Paris. Car le Paon qui boit se revendique comme la première cave de boissons sans alcool de la capitale. C’est Augustin Laborde, juriste de formation, qui a lancé le concept après avoir lui-même arrêté de boire de l’alcool pendant le confinement.

Il raconte, « comme toutes les personnes qui cherchent des alternatives, j’ai remarqué qu’on en trouve assez peu, que ce soit au restaurant ou dans les supermarchés. Difficile de sortir du soda, très sucré et pas très original. En en parlant autour de moi, je me suis rendu compte que beaucoup de gens voulaient ralentir leur consommation d’alcool, sans pour autant arrêter complètement ». De ce constat naît un concept : le Paon qui boit. Augustin ajoute : « je voulais un nom dont les gens se souviennent, qui interpelle, avec un petit imaginaire derrière pour les enfants. En plus, le paon perd ses plumes chaque année et, pour qu’elles repoussent, il doit boire constamment de l’eau. J’imaginais que si un paon prenait l’apéro, il ne boirait pas d’alcool pour faire repousser ses plumes ! »

La Suze en version désalcoolisée

Maud Catté, issue du monde de la communication et de l’événementiel, le rejoint au début du projet. Au départ, 250 références sont identifiées en fonction de leurs goûts et cahier des charges (sans alcool, sans sucre ajouté, idéalement bio, etc.) Désormais ce sont plutôt les fabricants qui les démarchent et 450 références sont disponibles. « On espère d’ailleurs ouvrir une deuxième boutique à Paris cette année », ajoute Augustin. Car, si le marché des boissons sans alcool pour adultes est encore embryonnaire, la courbe de croissance est exponentielle. D’ailleurs, signe qui ne trompe pas, de grands alcooliers comme Pernod Ricard ou Kronenbourg proposent désormais la Suze ou leurs bières en version désalcoolisée.

Au Paon qui boit, les profils de clients de la cave sont variés, il y a les femmes enceintes et les personnes qui ne boivent pas d’alcool pour des raisons religieuses, mais il y a surtout des « flexi-drinker », qui comme les flexitariens avec la viande, ne renoncent pas totalement à l’alcool mais souhaitent réduire leur consommation tout en gardant l’habitude de l’apéro ou de la bouteille à table. Tous ne sont pas attirés pas des imitations comme le vin sans alcool, ils peuvent aussi être à la recherche de nouvelles saveurs avec des boissons peu sucrées.

Les secrets de la fabrication du vin sans alcool

Quelles sont les « copies » de boissons alcoolisées les plus bluffantes ? Pour Augustin, « la boisson à l’anis pour le pastis, fabriquée à Marseille, fonctionne très bien car elle est faite avec de l’extrait pur de plante. Les bières et le rhum aussi sont de bonnes alternatives. En revanche, pour certains alcools, les goûts sont beaucoup plus compliqués à reproduire. C’est le cas par exemple du Whisky. Avec la Vodka c’est aussi mission impossible car une vodka sans alcool n’est rien d’autre que de l’eau… »

Si le milieu du vin regarde encore cette tendance avec méfiance, certains vignerons sont curieux. Et même s’ils ne se lancent pas dans ce nouveau marché, Augustin pense qu’ils pourraient y venir dans les cinq ans. En tout cas, la très grande majorité des vins désalcoolisés est produite par des vignerons traditionnels qui utilisent leurs raisins ou leurs méthodes pour développer cette offre complémentaire.

Comment fabrique-t-on du vin sans alcool ? Il existe principalement deux propositions. Tout d’abord, on trouve des boissons à base de raisins de cépage non fermentés. Concrètement, ce n’est pas du vin mais ce n’est pas non plus du jus de raisin car on y trouve deux ou trois fois moins de sucre ainsi que d’autres ingrédients comme des plantes infusées. La seconde option se présente comme des vins sans alcool avec une fermentation et un vrai travail de vinification sauf que l’alcool est retiré a posteriori.

« Aider les restaurants à créer des cartes sans alcool »

« Plusieurs techniques existent pour désalcooliser un vin, explique Augustin, l’évaporation sous vide où l’on fait chauffer le vin à 30°, l’alcool s’évapore mais les arômes sont capturés et réinjectés. Ce qui explique que le nez soit si bluffant car on y retrouve tous les arômes du vin. Il y a aussi la désalcoolisation à froid et à chaud où l’éthanol se détache. Enfin, avec la méthode de l’osmose inverse, il s’agit d’injecter latéralement de l’eau pour que l’alcool se détache au fur et à mesure. Ces vins sans alcool sont fabriqués avec les cépages que l’on trouve traditionnellement en France comme le chardonnay, le merlot, le Syrah, le grenache… Mais ne nous y trompons pas, il ne faut pas s’attendre à ce que ces vins sans alcools aient exactement le même goût que les vrais vins. Par exemple, difficile d’obtenir un blanc très sec, le goût fruité aura tendance à prendre le dessus et on aura moins de longueur en bouche. »

Augustin et Maud souhaitent mettre l’accent sur ce qu’ils appellent les « boissons gastronomiques ». Elles sont souvent développées pour des chefs qui ne souhaitent pas servir de vins désalcoolisés dans leur restaurant pour ne pas trahir une de ses propriétés essentielles. Ces boissons, servies à table pour accompagner viande et poisson, sont riches de nombreux ingrédients comme le café, le cassis ou des macérations de plantes fraîches ou distillées.

« C’est très original, ça marche très bien avec les plats épicés ou le chocolat, ajoute Augustin. Des chefs connus tel Manon Fleury s’intéressent à ces alternatives sans alcool. D’ailleurs, au Paon qui boit, nous avons l’ambition d’aider les restaurants à créer des cartes sans alcool comme avec Benoît d’Onofrio, un sommelier qui a décidé de ne plus boire… d’alcool ! ». La preuve que le secteur gagne un public inattendu. Autre initiative qui montre l’engouement croissant pour ces boissons : le 8 mars, à l’occasion de la journée mondial pour le droit des femmes, Combat, le bar à cocktail branché du quartier de Belleville à Paris, proposera, en parallèle de sa carte habituelle, une sélection de cocktails sans alcool. L’ensemble de la recette sera versé à la Maison des femmes, une association qui œuvre pour l’insertion des femmes en situation de précarité.