Tennis : « Nous avons deux ans d’amour à lui montrer »… Novak Djokovic, toujours roi de cœur en Australie
Ferveur Malgré son expulsion du pays l’an dernier, Novak Djokovic peut compter sur une base de fans inconditionnels pour l’encourager dans sa quête d’un 10e Open d’Australie
- Un an après son expulsion d’Australie car il n’était pas vacciné, Novak Djokovic a remporté le tournoi d’Adelaïde dimanche, et parfaitement préparé le premier Grand Chelem de la saison, dès lundi prochain à Melbourne.
- Souvent présenté comme le moins populaire du « Big 3 » qu’il constituait avec Federer et Nadal, le Serbe peut compter sur une très importante base de fans sur l’île-continent.
- Pour certains, l’engouement que suscite le roi de l’Open d’Australie, en quête d’un 10e titre, est même supérieur à celui d’avant le triste épisode de janvier 2022.
Le court central d’Adelaïde a parfois pris des allures de petit Marakana - le principal stade de Belgrade - au cours de la semaine écoulée, lorsque Novak Djokovic est venu y rosser l’un après l’autre ses adversaires. Jusqu’à la finale ce dimanche contre l’Américain Sebastian Korda, où l’appui d’un public de toutes générations agitant drapeaux serbes et messages d’encouragement a clairement aidé l’ancien (et futur ?) numéro 1 mondial à sauver une balle de match. Puis à vaincre son adversaire américain (6-7 [8], 7-6 [3], 6-4) et sa nervosité, qui l’avait poussé à s’énerver contre son clan familial à la fin du premier set.
« Le soutien que j’ai reçu au cours des dix derniers jours est quelque chose que je n’ai pas connu très souvent dans ma vie », a-t-il d’ailleurs lâché à une foule en liesse, après avoir glissé ce 92e titre ATP dans sa lourde besace. En espérant sans l’avouer que la magie opérera jusqu’à la finale de l’Open d’Australie (16-29 janvier) à Melbourne, où Djoko visera un 10e titre, et un 22e Majeur, qui lui permettrait de rattraper Rafael Nadal.
L’Espagnol avait braconné l’an dernier sur les terres du Serbe, en « profitant » de l’expulsion de ce dernier, non-vacciné contre le Covid, au terme d’un long feuilleton sportivo-politico-judiciaire. Depuis, le gouvernement de Canberra a changé, et l’interdiction de territoire de trois ans qui frappait le joueur a été levée. « L’accueil est plus chaleureux qu’avant car nous avons deux ans d’amour à lui montrer », assène Elaine, une Australienne membre de la « Nolefam », structure informelle constituée de supporteurs issus de tous les continents.
Nous voulons lui prouver que l’Australie l’aime toujours. Les fans du monde entier ont été profondément blessés de voir ce qu’il a vécu l’année dernière. « Nolefam » est une vraie famille, et ensemble, nous avons souffert avec lui. Le voir revenir nous apporte une grande joie. Des foules de gens font la queue pendant des heures pour l’apercevoir, l’encourager, lui témoigner de l’amour. »
Une « Nolefam » très active sur les réseaux sociaux
Pour la première fois, Elaine, originaire de Waroona en Australie occidentale, a assisté en « live » à Adelaïde aux matchs de son favori, dont elle salue, comme tous les fans ultimes de Djoko la sincérité et le respect. Elle a pu y rencontrer pour de vrai une autre membre de la « Nolefam », très active sur les réseaux sociaux : Julie, professeur de français originaire des Deux-Sèvres mais installée depuis 13 ans à Londres. Supportrice du Serbe depuis 2006, la trentenaire le suit sur le circuit, et profite d’un congé sabbatique pour l’encourager dans son périple australien.
Elle a noué une relation forte avec la star, dont elle a partagé l’entraînement lors d’un de ses séjours belgradois, et qui l’a publiquement saluée vendredi, après sa victoire sur le Canadien Denis Shapovalov. « Même Novak a été surpris, je pense. Je l’ai vu jouer dans beaucoup d’endroits, et en part en Serbie, je n’ai jamais entendu autant de chants qu’ici. C’est presque émouvant. Je pense aux deux Français qu’il a battus en début de semaine [Constant Lestienne puis Quentin Halys]. J’ai eu un peu de peine pour eux. Ils rentrent sur le court, ils voient des drapeaux partout… »
« Le public était pour lui mais tout s’est bien passé, il n’y a pas eu de débordement, relativise Halys. Il y avait une très bonne ambiance. Je trouve même que c’était plus impressionnant à l’Open d’Australie [les deux hommes s’étaient affrontés au premier tour en 2016]. »
Sur l’île-continent, l’enthousiasme des accros à Djoko transforme quasi systématiquement un terrain de tennis en stade de foot, avec oriflammes voire maillots de la sélection de football serbe en tribunes. « Novak compte des millions de fans à travers le monde et beaucoup d’entre eux sont Australiens, indique le journaliste Saša Ozmo, qui suit l’ambassadeur de son pays tout autour du globe pour la chaîne Sport Klub. La diaspora serbe est très importante dans le pays et elle se fait beaucoup entendre, même si tous ses fans australiens ne sont pas d’origine serbe. »
De nouveaux fans depuis son expulsion d’Australie
Elaine, qui ne revendique aucune ascendance slave, confirme : « Nous sommes un pays multiculturel, et cela se reflète dans le profil des supporteurs de Novak. Les gens voient des supporteurs agiter des drapeaux serbes et pensent que nous le sommes tous, mais beaucoup d’entre nous font cela pour montrer notre soutien à Novak, lui indiquer que c’est lui que l’on supporte et pas son adversaire. »
Pour la Franco-Britannique Julie, les mésaventures vécues par Djokovic l’an dernier lui ont même attiré de nouveaux alliés « et pas forcément des gens anti-vaccins ». « Celle que j’appelle ma '' maman britannique '' est très fan de Rafa [Nadal], elle n’aime pas Novak et ses crises de colère sur le court… Et bien, elle m’a dit qu’après tout ce qui lui était arrivé, elle le respectait beaucoup plus. Il est resté fidèle à ses principes, alors qu’il aurait pu tricher pour gagner plus. »
Pour en revenir à l’Australie, n’allez pas imaginer toutefois que Djokovic est un dieu pour tous les compatriotes de Rod Laver et Kylie Minogue. Le 11 décembre dernier, un sondage réalisé par Resolve Political Monitor, publié par le Sydney Morning Herald, indiquait que pour 41 % des Australiens, le Serbe ne devait pas être autorisé à séjourner et à jouer dans leur pays, contre 30 % d’un avis opposé et 29 % de personnes indifférentes. Un chiffre important, mais à rapprocher des 71 % d’anti-Djoko recensés par le même institut en janvier 2022, au cœur de la tempête.
Un péril vieux ?
Le Serbe a donc vu sa cote sensiblement s’améliorer dans le grand public, de Darwin à Canberra. Chez les fans de tennis à Adelaïde, le baromètre était au beau fixe, même si Julie se demande s’il en sera de même dans une semaine à Melbourne, où l’enseignante poussera bien sûr avec toute la « Nolefam » derrière son idole.
« Une trentenaire australienne m’a dit que tous ses amis étaient plutôt en colère contre ce que l’ancien gouvernement avait fait. En revanche, chez les 60 ans et plus, il y a davantage de gens qui pensent que Novak n’a pas respecté les règles. Si c’est comme à Wimbledon ou à l’US Open, avec des gens très âgés qui achètent des tickets, il se peut que l’accueil ne soit pas le même. En même temps, j’ai des amis qui viennent de Londres et de Dubaï spécialement pour soutenir Novak, donc je ne sais pas. J’ai hâte de voir son premier match. » Les drapeaux serbes n’ont pas fini de claquer dans le ciel australien.