JO de Paris 2024 : « On a déjà fait du triathlon dans des eaux plus souillées que la Seine », estime Alexis Hanquinquant
Interview Sextuple champion du monde de paratriathlon, Alexis Hanquinquant n’appréhende pas de nager dans la Seine lors des Jeux paralympiques
- Chaque jeudi, « 20 Minutes » reçoit un athlète qui rêve de podium aux JO 2024 dans son émission Twitch LCTC. Cette semaine, il s’agit d’Alexis Hanquinquant.
- Après s’être broyé la jambe, le Normand s’est lancé dans le triathlon et a, très vite, été performant.
- Malgré la polémique autour de la qualité de l’eau de la Seine, il estime que les triathlètes ont déjà nagé dans des pires conditions.
Six titres de champion de France, six titres de champion d’Europe, six titres de champion du monde, un titre de champion paralympique, chevalier de la Légion d’honneur… Vous en voulez encore ? En triathlon, et même ailleurs, puisqu’il a été, à 24 ans champion de France de full-contact, Alexis Hanquinquant a tout gagné. Pourtant, à 37 ans, le Normand continue de courir et se prépare pour disputer les Jeux, à domicile, dans quelques mois, où il tentera de conserver son titre acquis à Tokyo.
Alexis Hanquinquant s’est lancé très tard dans le triathlon, en 2015, cinq ans après avoir eu la jambe broyée sur un chantier. Très fort très rapidement, il s’est imposé comme l’une des visages du sport français, qu’il a représenté à New York il y a quelques jours. Pour la première fois, même si ce n’était pas conseillé par ses coachs, il s’est lancé dans un marathon, qu’il a fini en un peu plus de trois heures quarante. Le tout, sans préparation spécifique.
Comment est-ce possible de boucler un marathon sans préparation, avec un bon temps en plus de ça ?
Je suis parti à New York sans préparation, juste avec deux petites courses dans les jambes histoire de savoir si je savais encore courir après mes deux semaines de vacances. Courir un marathon avec une prothèse, c’est un peu compliqué, car les impacts répétés de la course à pied ont tendance à faire un peu de dégâts au niveau du moignon. C’est pour ça que j’étais partie dans l’idée de faire un semi, et peut-être d’arrêter pour préserver ma peau. Mais, en m’arrêtant trois quatre fois durant la course, j’ai vu que ça tenait bien, donc je me suis dit autant finir.
Pourquoi avez-vous choisi de faire du triathlon, après vous être fait amputer de la jambe ?
Quand tu viens de subir une amputation, t’as tendance à baisser les bras. Moi, justement, j’ai voulu faire tout l’inverse, j’ai voulu me prouver à moi et aux gens, qu’un bout de jambe en moins, ce n’était pas grave, que j’allais rebondir. Pour rebondir, il fallait un gros challenge, avec un sport à la hauteur de mon ambition, et le triathlon est devenu une évidence. C’est un sport qui demande beaucoup d’exigence et de polyvalence. J’étais persuadé que ce sport était fait pour moi.
Même au niveau natation ?
C’est vrai que c’est le gros point d’interrogation quand on se lance dans ce sport-là. Je me suis très vite inscrit dans un club de triathlon, j’ai nagé avec eux, et puis au bout de deux trois semaines, j’ai basculé de ligne pour nager avec les meilleurs. Mais c’est la discipline qui m’a demandé le plus d’investissement et le plus de travail. Je partais pourtant d’un niveau pas exceptionnel du tout, même si j’ai une fibre aquatique. Techniquement, je suis loin d’être le meilleur nageur, mais comme on n’est pas noté sur l’aspect technique…
De manière globale, vous avez été quand même très bon très vite…
Les titres de champion du monde ou d’Europe n’étaient pas réellement un objectif. Moi, ce que je voulais, c’était disputer les Jeux paralympiques de Tokyo. J’avais mis la barre assez haut à ce niveau, mais pression sur le reste des courses internationales. Je n’avais pas idée de mon niveau, de la concurrence, mais j’ai cru très vite en mes chances de qualifications pour ces Jeux-là, qui étaient cinq ans après mes débuts, donc j’avais le temps.
Avez-vous envisagé de concourir avec les valides ?
Moi, je suis triathlète avant d’être paratriathlète. Je suis dans un club valide, ma différence, c’est juste que je fais du triathlon avec une lame, sinon, je ne suis pas handicapé, et je suis capable d’aller plus vite que la plupart. De temps en temps, je m’inscris sur des courses régionales avec les valides, j’ai participé au triathlon de Fréjus ou de Deauville, et c’est important pour moi car ça me permet de sortir de la spirale paratriathlon et me jauger face aux meilleurs triathlètes régionaux et redorer l’image du paratriathlon. Beaucoup pensent que c’est facile de gagner en paratriathlon, mais quand j’ai gagné le triathlon de Deauville l’année dernière, ça permet de situer le niveau d’Alexis Hanquinquant. Et, finalement, ce n’est pas si facile de gagner en paratriathlon.
Vous avez participé au test event de Paris, qui s’est résumé à un duathlon (course et cyclisme) du fait de la mauvaise qualité de l’eau…
On avait déjà connu ça à Tokyo, avec l’annulation de la natation lors du test event. Je vis ça comme une injustice. Basculer sur un duathlon, ça rebascule les cartes, car les athlètes qui sont défavorisés à la nage, sont généralement mieux en course ou à vélo. Donc ils ne deviennent plus des outsiders, mais des potentiels futurs vainqueurs. Ce test event, je l’avais fait aussi pour me projeter pour l’année prochaine, avoir des vraies notions de course, et je ne peux en tirer aucune conclusion.
Existe-t-il un risque que ce scénario se reproduise l’année prochaine ?
On en a fait beaucoup sur la qualité de l’eau de la Seine, mais il y a quelque temps, on a déjà fait des courses de triathlon dans des eaux beaucoup plus sales, beaucoup plus souillées que la Seine, et ça n’a jamais fait jaser personne. La pression autour de la qualité de la Seine est énorme, tout comme sur les épaules de Paris 2024. Sur ce test event, ils n’ont pas voulu prendre de risque, mais l’année prochaine, le bassin de rétention sera prêt en cas d’orage, et on a la capacité aussi de décaler la course d’un jour le cas échéant.
Vous avez l’ambition d’être porte-drapeau lors de la cérémonie d’ouverture…
C’est sûr que j’ai l’ambition de représenter mon pays et d’être « capitaine » de l’équipe paralympique. Ça serait un énorme honneur, et je pense faire partie des athlètes qui ont le plus d’expérience parmi la délégation paralympique française. Si je peux apporter ma philosophie, de rassurer les plus jeunes, de motiver les plus aguerris, de transcender les un peu plus vieux comme moi… Il faudra quelqu’un de très emblématique, peu importe si c’est moi ou pas, pour motiver les troupes et aller chercher plein de médailles.
Est-ce que ces Jeux paralympiques vont permettre une meilleure inclusion des personnes en situation de handicap, notamment dans les clubs, qui ne sont, pour le moment, que 1,4 % à se dire para-accueillants ?
C’est la première fois que les Jeux paralympiques ont lieu en France, et c’est un coup de projecteur incroyable. On a vraiment moyen de réveiller tout le monde sur ce qu’est la différence. On parle de handicap, moi je parle de différence. Tout le monde est différent les uns des autres. Il y a trop de méconnaissance sur ce qu’est une prothèse de jambe, sur la situation des chiens guide… Et c’est cette méconnaissance qui fait « peur ». J’espère que la société française mettra un gros coup de prothèse aux fesses à la suite des JOP et que ce chantier de l’inclusion se mette en marche tout seul. Que le parasport soit de plus en plus représenté, pour que ça donne de plus en plus envie à des gens en situation de handicap de le faire ou aux clubs d’accueillir les gens, car le sport est fait pour réunir les gens. Le chemin est en marche.