Bayern Munich-PSG : C’est quoi le secret de Kylian Mbappé pour ne jamais se rater quand on l’attend ?
football L’attaquant du PSG et de l’équipe de France se distingue depuis tout jeune par une capacité bluffante à répondre présent dans les grands rendez-vous
- Le PSG se déplace sur la pelouse du Bayern Munich mercredi soir en 8e de finale retour de Ligue des champions avec un but à remonter après sa défaite à la maison à l’aller (0-1).
- Blessé et sur le banc au coup d’envoi de la première manche, Kylian Mbappé est cette fois en pleine possession de ses moyens, et ça change tout pour les Parisiens, plus que jamais dépendants de leur numéro 7.
- Car Mbappé, en plus d’être un joueur qui ne se rate jamais dans les grands rendez-vous, semble en train de développer depuis son retour de la Coupe du monde un leadership qui embarque tous ses équipiers derrière lui.
L’hiver n’est – presque, soyons magnanimes – jamais une période à mettre un supporteur du PSG dehors. Le numéro est rodé : la fébrilité qui s’installe d’abord sournoisement début janvier, suivie de la blessure de Neymar en février pour de longues semaines, avant le point d’orgue, si possible dramatique, d’une élimination en 8e de finale de la Ligue des champions au mois de mars. Pour l’instant, c’est business as usual côté parisien en ce début de d’année 2023. Sauf qu’il flotte dans l’air cette sensation que, cette fois, le troisième volet du tryptique n’est pas une fatalité. La raison tient en très exactement six lettres : K-Y-L-I-A-N, aka l’homme qui ne se plantait jamais dans les grands matchs.
« Il répond toujours présent, on sait qu’on peut compter sur lui », a résumé Marco Verratti mardi lors de la conférence de presse d’avant-match. Certes, Mbappé ne vient pas de débarquer, ça fait un moment qu’il est dans les parages et marque quelques buts, sans pouvoir non plus éviter à son club de douloureuses sorties de route. Mais depuis le retour de la Coupe du monde, le bonhomme dégage un truc nouveau, une aura, un leadership, appelez ça comme vous voulez, qui semble capable de tout emporter sur son passage, avec ses coéquipiers sur le porte-bagages. Doublé à sa capacité à répondre présent pile quand on l’attend, c’est comme s’il avait, à 24 ans, atteint le niveau Super Saiyan.
Prédisposition et réflection
« Il arrive dans une phase de pleine maturité, ça se sent, estime son formateur à l’Institut national du football (INF) Jean-Claude Lafargue. Au Qatar, il a franchi un palier dans cette confiance en lui. A tous les niveaux. Vous ne vous engagez pas, comme il l’a fait, à vouloir être le leader de votre équipe, à vouloir emmener les autres, si vous n’êtes pas prêt. Ça ne s’invente pas. Quand on en arrive à ce stade-là, c’est qu’on sait qu’on en est capable. »
Gérer la pression, se montrer décisif malgré les attentes, Kylian Mbappé sait faire. Ou plutôt, il a appris à le faire, à partir d’aptitudes supérieures à la moyenne, nous explique l’un de ceux qui ont contribué à le façonner, entre ses 12 et ses 14 ans :
Il n’était pas toujours présent pendant les matchs, mais c’est parce qu’il observait. En revanche, à chaque fois qu’il avait le ballon ou qu’il se déplaçait il y avait quelque chose au bout. Certains joueurs sont très agités, surtout à cet âge-là, ils courent partout, avec beaucoup de déchets. Lui c’était l’inverse. Et là on se dit "ah tiens, lui il a quelque chose". Il avait ce terrain favorable, ensuite c’est sa réflexion qui a fait la différence. »
Quand on repère un gamin comme ça, le rôle de l’éducateur est primordial. Il doit amener le joueur en herbe à se questionner, à l’impliquer dans son propre développement. C’est à cet âge qu’ils deviennent capables de raisonner sur leur potentiel et le « jeu football », avec tous ses aléas. On peut dire que Mbappé a bien reçu le message. « En plus, Kylian recherche toujours la perfection, il est né comme ça », appuie son formateur.
C’est grâce à ces fondations que l’attaquant du PSG et de l’équipe de France a développé cette aptitude bluffante à ne jamais passer au travers. Dès ses premiers pas avec l’équipe première de Monaco, en 2015-2016, il devient le plus jeune buteur de l’histoire du club en Ligue 1, avant de redescendre avec les U19 pour jouer le dernier carré de la Coupe Gambardella. Résultat, un but en demie et deux en finale pour aider les copains à ramener le trophée.
La saison suivante, sa première avec le statut pro, il marque en huitième, en quart et en demi-finale de Ligue des champions, face à des mastodontes comme Manchester City, Dortmund et la Juventus. Pas impressionné pour un sou. « Les avant-matchs étaient très simples, il jouait à la PlayStation, mangeait ses petites pâtes au saumon, décontracté, racontait son partenaire de l’époque Djibril Sidibé à L’Equipe, lors du dernier Mondial. Il ne s’enfermait pas, ne se mettait pas de pression, peu importe l’adversaire. Il n’y avait pas de peur et pourtant c’était nouveau pour lui. »
Le coup d’après
Mais quel est le secret pour en arriver à ce niveau de certitudes ? Parce que si c’était aussi simple, on ne pourrait pas compter les joueurs comme ça sur les doigts d’une main. « Ces joueurs ont acquis une grande confiance en ce qu’ils sont capables de faire, pose Jean-Claude Lafargue. Et ils sont modestes, quelque part. C’est-à-dire qu’ils acceptent que, parfois, ça ne marche pas, mais ils s’en servent pour se réajuster et être plus performant la fois d’après. Ils ne perdent pas de vue qu’ils sont, à tout moment, capables de réaliser le meilleur, dans les conditions difficiles. »
Trois exemples nous viennent à l’esprit, là, comme ça, pour étayer la théorie :
- Demi-finale aller de la Ligue des champions 2017, il rate une grosse occasion face à Gigi Buffon. « Il ne l’avait pas frappée assez fort celle-là, se souvient très bien son formateur. Parce qu’il était tout jeune encore. Ce qu’il avait mis avant et qui marchait, il a vu que ça ne passait plus face à de grands gardiens comme ça. » Il marquera au retour, malgré l’élimination de l’ASM.
- Finale de la Ligue des champions 2020, peut-être la seule fois où il est apparu impuissant individuellement dans un match de cette importance. Une inefficacité symbolisée par sa frappe de poussin dans les bras de Manuel Neuer juste avant la pause. La saison d’après, il claque un doublé à Munich en quarts.
- 8e de finale de l’Euro 2021, il rate le dernier tir au but face à la Suisse, précipitant l’élimination de la France. Souvenir effacé par ses deux penalties et son tir au but inscrit dans le cadre légèrement oppressant de la finale de la Coupe du monde en décembre dernier. Lafargue : « Ce n’est pas un hasard, ni de l’inconscience, c’est de l’intelligence. Il n’y retourne pas en croisant les doigts et en espérant que ça fonctionne. Tout ça a été analysé. Quand un joueur loupe, il y a une raison. Et ces joueurs-là ont dans leur ADN d’y remédier. »
Pour mieux comprendre comment fonctionne le cerveau de ces aliens, l’ancien directeur de l’INF (aujourd’hui à la Direction technique nationale) aime raconter cette anecdote sur Thierry Henry, de passage à Clairefontaine alors qu’il régnait sur l’Angleterre avec Arsenal pour échanger avec les jeunes pousses. L’un d’eux (le futur milieu de Rennes et de Porto Yacine Brahimi, pour ne pas le nommer), lui avait demandé s’il n’était jamais inquiet de rater et des conséquences que ça pouvait avoir. Le Gunner avait répondu qu’il ne se posait jamais cette question pendant un match, qu’il restait concentré sur ses qualités et ce qu’il se savait capable de réaliser. Tout en ayant en tête que, parfois, le gardien pouvait aussi gagner.
Mbappé est fait du même bois. « Le côté émotionnel ne joue pas sur lui. Il est au-dessus de tout ça. C’est quelqu’un qui a conscience de ses qualités, qui sont énormes », soutenait l’entraîneur adjoint des Bleus Guy Stéphan lors de la Coupe du monde. Cinq ans avant, alors qu’il venait de signer à Paris pour une somme colossale à même pas 19 ans, il affichait déjà une légèreté désarmante face aux attentes. Parce qu’il avait tout compris depuis longtemps. « Rien ne te garantit que si tu es bon, tu vas réussir. Parce qu’il te faut plus que ça. Il te faut un mental à toute épreuve », avait-il dit dans une interview au Monde. Comment, sinon, en être déjà à 12 buts en Coupe du monde, dont 8 lors des matchs à élimination directe (et 4 en finale, record all-time) ? Ou de montrer de telles stats face au top 10 européen en Ligue des champions ?
Le fonctionnement de ces joueurs hors normes interroge. Sont-ils sûrs de leurs forces grâce à leur mental ou ont-ils ce mental parce qu’ils sont plus forts techniquement et physiquement, qu’ils se sentent dominants ? La question fait sourire Jean-Claude Lafargue. « Ça marche dans les deux sens, dit-il après réflexion. La tête crée l’atmosphère, la confiance, ensuite les capacités se mettent en route. Et le fait qu’elles soient supérieures permet aussi d’avoir plus d’assurance. Ils sont persuadés de réussir. Ça ne veut pas dire qu’ils vont toujours le faire, mais tout ce qu’ils vont vivre, en bon ou en mauvais, sera un moyen d’accéder à la performance ultime, maximum. »
A 24 ans, Kylian Mbappé entre dans l’âge où il termine d’imbriquer toutes les pièces du puzzle. Une aubaine pour le PSG. « C’est un joueur avec une grande maturité et une maîtrise des événements », a insisté Christophe Galtier samedi dernier au sujet de celui qu’il a qualifié de « meilleur attaquant du monde ». L’intéressé, qui venait de laisser Cavani dans le rétro avec son 201e but sous le maillot parisien, brassard de capitaine au bras, se projetait déjà sur Munich avec un discours rassembleur : « L’objectif est clair, on veut aller là-bas pour se qualifier, on a beaucoup de confiance mais de l’humilité aussi, on affronte une grande équipe, mais on est le PSG, on jouera pour passer. »
Toujours important d’entendre ça avant la bataille. Le kid de Bondy est devenu un guide dont les performances, les mots et la simple présence peuvent transcender un groupe. Adversaire mercredi mais partenaire chez les Bleus, Kingsley Coman est bien placé pour en parler. « Le PSG est une équipe différente quand il est là, relevait le Bavarois dans une interview au CFC dimanche soir. Dans l’attitude, c’est comme en équipe de France, tu as plus de confiance, tu sais que tu as un joueur qui peut faire la différence, ça aide. »
Son entraîneur, Julian Nagelsmann, en a bien conscience aussi. Mardi, l’Allemand a estimé que l’absence de Neymar ne changeait « pas grand-chose ». « La présence de Mbappé, elle, change tout », s’est-il empressé d’ajouter. A bien des égards, personne ne dira le contraire.