France - Namibie : Dentiste contrarié, bientôt 40 ans… PJ Van Lill, symbole de la débrouille à la namibienne
Rugby L’ancien joueur de Bayonne, en Top 14, aujourd’hui en 9e division française, sera remplaçant ce jeudi face aux Bleus à Marseille, lors de la Coupe du monde
- Après deux raclées reçues contre l’Italie (52-8) puis la Nouvelle-Zélande (71-3), la Namibie se mesure ce jeudi (21 heures) à Marseille à un XV de France énervé.
- Doyen de la compétition à près de 40 ans, Pieter-Jan Van Lill commencera comme remplaçant chez les Welwitschias, plus petite équipe de cette poule A.
- Le 3e ou 2e ligne dispute sa 4e et dernière phase finale, alors qu’il est licencié à Capbreton-Hossegor, en Régionale 2.
La fameuse incertitude du sport ne concerne que très rarement le rugby. Et malgré la bouillie régurgitée par le XV de France face à l’Uruguay (27-12), on peut affirmer sans trop se mouiller que les Bleus vont infliger à la Namibie ce jeudi à Marseille sa 25e défaite en 25 matchs de Coupe du monde.
D’ailleurs, même le sélectionneur des Welwitschias (une plante endémique, pour les curieux) ne s’essaie pas au bluff : « Notre état d’esprit, c’est de nous préparer en vue du dernier match, de voir ce que les joueurs peuvent offrir et d’avoir la meilleure équipe possible à ce moment-là », a lâché mercredi le Sud-Africain Allister Coetzee, interrogé sur les rotations opérées dans son XV de départ après les roustes face à l’Italie (52-8) puis la Nouvelle-Zélande (71-3).
Mais avant cette « finale » contre l’Uruguay le 27 septembre à Lyon, il y a donc ce passage obligé et probablement difficile pour la 21e nation mondiale (seul le nouveau venu chilien, 22e, est plus mal classé par World Rugby dans cette compétition), qui réjouit au moins un Namibien : le 2e ou 3e ligne Pieter-Jan Van Lill. « Ce sera un honneur de jouer contre eux, anticipait l’ancien Bayonnais en zone mixte à Toulouse, après le match face aux All Blacks qu’il a commencé sur le banc, comme ce sera encore le cas ce jeudi. J’ai un ami qui joue pour la France, Paul [Willemse]. Malheureusement, il est blessé. »
Passé pro à 30 ans
PJ Van Lill lui, est en pleine forme malgré ses bientôt 40 ans (le 4 décembre), qui en font le doyen de cette phase finale de Coupe du monde, sa quatrième personnelle après 2011, 2015 et 2019. Autre particularité : celui qui n’a découvert le professionnalisme qu’à 30 ans, en débarquant à Dax, évolue aujourd’hui en Régionale 2. Autrement dit, la 9e division, du côté de l’entente Capbreton-Hossegor, où il est arrivé en 2022 en provenance de Valence-Romans.
Comme cadre de vie, on a vu pire que ce superbe coin de la côte landaise. Mais pour préparer un Mondial ? En plus des entraînements collectifs du soir, l’ancien joueur de Top 14, Pro D2 et Nationale s’est infligé des séances de muscu individuelles, option CrossFit. « Travailler tout seul, c’est parfois compliqué », admet le gaillard (1,92 cm, 115 kg) aux cheveux et à la barbe grisonnants. Mais se plaindre, ce n’est pas trop le genre de la maison. « J’ai beaucoup de respect pour les gens qui évoluent à ce niveau. Tu bosses la journée et tu t’entraînes le soir. C’est très compliqué. »
Pourtant, sa situation personnelle n’est pas simple non plus. Titulaire d’un diplôme de chirurgien-dentiste, spécialisé dans la dentisterie esthétique, obtenu en Afrique du Sud, Van Lill a exercé en cabinet à son retour en Namibie. Mais en France, pas d’équivalence possible sans concours. « Chaque année, un examen est organisé pour pourvoir les postes disponibles, expliquait-il fin août au quotidien Sud Ouest. En 2022, il n’y a pas eu d’examen, et en 2021 on était 600 pour 6 postes. J’ai eu la note requise à l’examen, mais je n’étais pas dans les six premiers. »
Bientôt la retraite sportive
Le Namibien compte bien persévérer après le Mondial, puisqu’il veut rester vivre du côté de Bayonne. « J’ai demandé la nationalité française. Ma famille est installée en France, mes enfants y sont nés. Je me sens Français, mes amis sont Français. On adore la culture, on est très contents ici. » C’est d’ailleurs pour sa fille de 7 ans et son garçon de 5 ans, que PJ Van Lill compte ranger les crampons après la Coupe du monde. « J’ai quelques propositions mais je veux être tranquille. Mes enfants veulent que j’arrête. Depuis qu’ils sont nés, je n’ai jamais passé le week-end avec eux. »
Avant la quille, il y a ce Mondial à terminer le mieux (ou le moins mal) possible. Car si l’histoire du quasi-quadragénaire revenu dans le monde amateur est de celle qu’un journaliste aime raconter, elle dit aussi beaucoup des difficultés du rugby namibien.
« Je crois que les gens ne réalisent pas les défis que les rugbymen de ce pays doivent relever, observait mercredi Allister Coetzee. Il y a moins de 1.000 licenciés. Les joueurs travaillent à temps plein. Certains ont dû quitter leur emploi pour disputer la Coupe du monde. D’autres font cinq heures de route pour venir s’entraîner et cinq heures de route pour rentrer chez eux. Lorsque les joueurs viennent ici, ce n’est pas toujours le résultat qui compte, mais le combat qu’ils mènent. Ils n’abandonnent jamais, ils continuent de se battre jusqu’à la fin. » Et parfois, jusqu’à leurs 40 ans.