Coupe du monde de rugby : L’ancienne star Gareth Thomas fait la chasse aux préjugés sur le VIH

Pionnier Le Gallois, premier rugbyman international à faire son coming-out en 2009, a révélé 10 ans plus tard sa séropositivité. Il sillonne les routes du Mondial, à Paris, Toulouse et maintenant Nice

Nicolas Stival
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Gareth Thomas à Toulouse le 15 septembre 2023,  devant le bus « Tackle HIV ».
Gareth Thomas à Toulouse le 15 septembre 2023, devant le bus « Tackle HIV ». — Nicolas Stival / 20 Minutes
  • Le bus « Tackle HIV » fait étape mercredi et jeudi au village rugby de Nice, après être passé par Paris puis Toulouse.
  • A son bord, l’ancien international gallois Gareth Thomas porte la bonne parole pour lutter contre les idées reçues sur le VIH, sources de discriminations.
  • « 20 Minutes » l’a rencontré lors de son passage à Toulouse, où il revenait pour la première fois depuis son départ du Stade Toulousain en 2007, à une époque difficile sur le plan personnel, puisqu’il gardait alors secrète son homosexualité.

A 49 ans, Gareth Thomas affiche exactement le même physique impressionnant et affûté que lorsqu’il pourfendait les défenses adverses sous le maillot du pays de Galles. Retraité depuis 2011, l’ancien trois-quarts polyvalent aux 40 essais en 100 sélections était devenu deux ans plus tôt le premier rugbyman international à faire son coming-out.

En 2019, l’ancien joueur du Stade Toulousain a révélé sa séropositivité. C’est pour démonter les clichés sur le sujet que le Gallois parcourt la France pendant cette Coupe du monde à bord d’un car siglé « Tackle HIV ». En VF : « Plaquons le VIH », une initiative menée en partenariat avec le laboratoire ViiV Healthcare et l’association française AIDES.

Gareth Thomas entre Yannick Jauzion et Benoît Baby lors de Stade Toulousain - Biarritz en championnat de France, le 28 mai 2005 au stade Ernest-Wallon.
Gareth Thomas entre Yannick Jauzion et Benoît Baby lors de Stade Toulousain - Biarritz en championnat de France, le 28 mai 2005 au stade Ernest-Wallon. - Eric Cabanis / AFP

« La science a évolué de manière impressionnante en quarante ans, mais les mentalités mettent beaucoup plus de temps à changer, souligne Camille Spire, présidente de AIDES. Or, quand on voit Gareth, la crainte du dépistage et de la maladie évolue un peu. » Après Paris et avant Nice, ce mercredi et jeudi, son immanquable car bleu a fait étape le week-end dernier sur la prairie des Filtres, berceau de l’ovalie toulousaine au début du XXe siècle, et lieu d’accueil du village rugby du Mondial, en bord de Garonne.

Un sondage comme déclencheur

« Tout est parti d’un sondage effectué au Royaume-Uni, selon lequel un tiers des personnes pratiquant un sport de contact ne voulait pas jouer si un adversaire était séropositif », explique « Alfie », un surnom qui date de sa carrière sportive, lorsque le joueur brillant tentait de cohabiter avec l’homme prisonnier de son secret, comme il le détaille dans son autobiographie Fier, sortie en 2015.

« Il y a encore beaucoup d’idées reçues, comme quoi le VIH ne toucherait que les hommes homosexuels ou bisexuels, ce qui est absolument faux. Beaucoup de gens à fort risque d’infections pensent qu’ils n’ont pas besoin d’être testés, parce qu’ils ne sont pas gays, ou parce que ce sont des femmes. Par ailleurs, les personnes qui vivent avec le virus, si elles suivent un traitement, ne peuvent pas le transmettre à un partenaire sexuel, contrairement à ce que croient généralement les gens. »

Concrètement, le car « Tackle VIH » contient de la documentation et des vidéos de sensibilisation, avec des casques de réalité virtuelle pour mieux s’imprégner des témoignages de personnes concernées. Aborder un thème aussi grave sur un lieu qui se veut avant tout festif peut paraître casse-gueule. Gareth Thomas en a conscience, mais pour lui, être présent pour témoigner sur les villages rugby de la Coupe du monde est déjà une victoire.

« On voit le bus de loin, ça intrigue »

« Si quelqu’un vient pour s’amuser, voir un match sur écran géant, en buvant une bière, il peut se dire que le sujet est trop sérieux, convient le vainqueur du Grand Chelem 2005. Mais le message est passé. Et peut-être que demain, il ira se renseigner sur Internet. Si les gens montent dans le bus, c’est superbe, s’ils ne montent pas et qu’ils en parlent entre eux, c’est très bien aussi. » « On le voit de loin, ça intrigue, c’est un produit d’appel », confirme Camille Spire.

Une présence d’autant plus indispensable que les problématiques liées à la séropositivité et au Sida ont quasiment disparu de l’actualité, balayées par une tempête mondiale baptisée Covid. « Il y a beaucoup plus de méconnaissance aujourd’hui que dans les années 1990, juge la présidente de AIDES. Cela va conduire des gens soit à prendre des risques, soit à discriminer. Une étude française indique que 25 % des salariés n’aimeraient pas travailler avec des personnes séropositives. »

Le 15 septembre 2019, Gareth Thomas avait réussi un énorme défi: finir le triathlon de Tenby, au pays de Galles.
Le 15 septembre 2019, Gareth Thomas avait réussi un énorme défi: finir le triathlon de Tenby, au pays de Galles. - Dimitris Legakis / Rex/ Sipa

Convaincu de l’utilité de son combat, Gareth Thomas enchaîne les interventions médiatiques avec affabilité. Bien loin du mal-être qu’il traînait souvent du côté d’Ernest-Wallon lorsqu’il jouait en Rouge et Noir, de 2004 à 2007. Dans son autobiographie, il raconte notamment avoir a été tout près de se suicider en 2006, d’abord dans la piscine de sa résidence toulousaine, puis depuis le sommet d’une falaise galloise.

Premier retour à Toulouse depuis seize ans

« C’est la première fois que je reviens à Toulouse, confie-t-il, tranquillement assis sur un banc en bord de Garonne. J’ai gardé des souvenirs de bonheur mais aussi de moments très difficiles, parce que j’étais loin de chez moi et que j’avais des problèmes avec ma sexualité. Avec la barrière de la langue, je ne pouvais me confier à personne. »

16 ans plus tard, tout a changé. « C’est le bon moment pour revenir, en étant une personne différente, heureuse. J’ai rencontré mes anciens coéquipiers Trevor Brennan, Vincent Clerc, Xavier Garbajosa, Fabien Pelous mais aussi Guy Novès. Je souhaitais lui expliquer pourquoi j’étais parti. J’ai voulu lui écrire un message, une lettre, mais il m’a toujours dit que si on avait quelque chose à se dire, c’était face à face. C’est ce que j’ai fait et on s’est pris dans les bras. » A bord de son car qui sillonne les routes du Mondial de rugby, Gareth Thomas est un homme apaisé. Et fier.