Ligue 1 : Pourquoi l’OL a-t-il clairement besoin que son rachat par John Textor aboutisse ?

FOOTBALL L’investisseur américain devrait officiellement devenir ce jeudi le propriétaire du club lyonnais avec son groupe Eagle Football. « 20 Minutes » vous explique pourquoi cette issue est cruciale pour l’OL

Jérémy Laugier
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Le 21 juin, Jean-Michel Aulas présentait l'homme d'affaires américain John Textor comme le nouveau propriétaire de l'OL. Quasiment cinq mois plus tard, ce rachat du club est enfin sur le point d'être concret.
Le 21 juin, Jean-Michel Aulas présentait l'homme d'affaires américain John Textor comme le nouveau propriétaire de l'OL. Quasiment cinq mois plus tard, ce rachat du club est enfin sur le point d'être concret. — OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP
  • L’Olympique Lyonnais devrait officialiser ce jeudi son rachat par l’investisseur américain John Textor, aux côtés de son groupe Eagle Football.
  • Après deux reports, le 30 septembre et le 24 octobre, la transaction est très attendue du côté de l’OL, où le contexte est aussi compliqué sur le plan économique que sportif.
  • 20 Minutes revient sur les raisons qui rendent ce changement d’ère quasiment vital pour l’Olympique Lyonnais.

Enfin le D-Day pour l’ère américaine de l’Olympique Lyonnais ? C’est en tout cas ce jeudi que la vente du club doit se finaliser, comme l’ont programmée à la fois l’OL et le groupe Eagle Football de John Textor, lors d’un deuxième report de l’opération, le 24 octobre. Depuis la présentation de l’homme d’affaires américain devant la presse le 21 juin, cela semble être le sens de l’histoire de voir Jean-Michel Aulas passer la main, même s’il resterait pendant encore trois ans le président du club. Sauf que de nombreux contretemps ont accompagné ces cinq derniers mois, et un nouveau report, voire un échec de la transaction, n’est pas à exclure.

20 Minutes se demande à quel point il est crucial, si ce n’est même vital, de voir cette négociation aboutir ce jeudi, après un passage réussi de John Textor devant la DNCG mercredi, comme l’indique L’Equipe. Avec en toile de fond une question centrale : l’OL pourrait-il réellement renouer avec son destin glorieux des années 2000 (sept titres consécutifs en Ligue 1) sans bénéficier de l’argent frais et de l’élan incarnés par un nouvel investisseur ?

La poignée de mains publique du 21 juin entre John Textor et Jean-Michel Aulas va-t-elle aboutir pour de bon à un accord sur la vente du club, ce jeudi ?
La poignée de mains publique du 21 juin entre John Textor et Jean-Michel Aulas va-t-elle aboutir pour de bon à un accord sur la vente du club, ce jeudi ? - Laurent Cipriani/AP/SIPA

Une fragilité économique avec la construction du stade

Dès 2007, alors que l’OL s’élance vers ses derniers mois d’hégémonie sportive (champion de France en 2007 et doublé L1-Coupe de France en 2008), l’entrée en bourse du club devient officielle et le projet de Jean-Michel Aulas de construire son propre stade fait dans le même temps figure de tournant visionnaire dans le football français. Ce Parc OL de Décines (Rhône), qui a entraîné un investissement total de 410 millions d’euros pour le club ; n’était-il finalement pas un pari économique trop risqué ? D’après L’Equipe, l’OL compte ainsi aujourd’hui 300 M€ de dettes auprès de treize banques.

« C’était selon moi une très bonne décision, évoque Vincent Chaudel, cofondateur de l’Observatoire du sport business. Mais comme on l’a aussi vu avec Arsenal, qui a baissé en performances sportives sur la fin de l’ère Wenger en construisant l’Emirates Stadium, au lieu d’investir dans le sportif, on investit surtout dans la pierre. Cette période a inversé la dynamique lyonnaise car l’OL a peut-être changé trop de choses en même temps : le modèle de management avec l’arrivée sur le banc de Claude Puel avec des fonctions élargies, le recrutement avec une prise de risque importante sur Yoann Gourcuff, et donc le modèle économique avec la construction du stade. Quand vous changez autant de choses, vous êtes à la merci du moindre grain de sable. »

Le Parc OL, ici lors d'un match de Ligue 1 entre Lyon et Strasbourg la saison passée, peut accueillir environ 59.000 spectateurs.
Le Parc OL, ici lors d'un match de Ligue 1 entre Lyon et Strasbourg la saison passée, peut accueillir environ 59.000 spectateurs. - Adil Benayache/SIPA

L’un des grains de sable sur le chemin de l’OL a justement concerné ce nouveau stade, seulement disponible en janvier 2016, bien longtemps après les projections réalisées par Jean-Michel Aulas, surtout en raison des multiples recours de riverains. « On avait prévu de construire le stade en 2010, au moment où on était en Ligue des champions, rappelait ainsi JMA en 2014 à Lyon Capitale. Et là, on paie des sommes considérables en frais de procédure pour répondre aux 80 procès faits par une minorité de gens qui n’ont aucune notion de ce que ça coûte : plus de 10 millions d’euros. »

L’économiste du sport Vincent Chaudel confirme : « Ce nouveau stade a été livré avec quelques années de retard, et c’est une période où l’OL aurait eu besoin des 20-30 millions d'euros par an que le stade aurait pu lui rapporter. Et surtout, il ne donne pas aujourd’hui sa pleine mesure dans l’économie du club puisqu’il n’est pas utilisé dans un mode Ligue des champions ».

Les campagnes européennes s’éloignent

Le drame conjoncturel lyonnais est facilement ciblé et tient dans une stat : l’OL a loupé 7 des 11 dernières qualifications en Ligue des champions. L’anomalie sportive est indéniable puisque Lyon est resté le deuxième budget du championnat durant toute cette période. De même, il est assez insensé que le demi-finaliste 2020 de la plus prestigieuse compétition européenne ait depuis regardé à la télévision toutes les campagnes de C1. Il risque fort d’en faire de même la saison prochaine, au vu de sa poussive 8e place actuelle en Ligue 1, à 10 points du podium. Alors que son dernier titre remonte à plus de dix ans (la Coupe de France 2012, son déclassement sportif est clair en France.

Et l’absence de Ligue des champions prive systématiquement l’OL d’un pactole d’au moins 50 millions d’euros, entre la prime fixe de participation, celle relative à son historique UEFA et la part des droits télévisés, plus 2,8 millions d’euros pour chaque succès dans la compétition… Et ce sans évoquer des recettes billetterie, qui pourraient atteindre les 4 millions d’euros pour une affiche au Parc OL. Ancien président du Losc et du RC Lens, Luc Dayan décrypte l’impasse dans laquelle se trouve le club lyonnais au vu de ses difficultés à retrouver l’Europe.

Jean-Michel Aulas ne s’en est jamais caché : dans ses budgets prévisionnels, l’OL devait faire la Ligue des champions au moins deux années sur trois. Le truc qui ne pouvait pas être prévu par les dirigeants lyonnais en lançant leur projet de propre stade, c’était l’arrivée du Qatar au PSG. Avant cela, l’OL était presque toujours premier ou deuxième [9 fois de 2000 à 2012]. Le rachat du PSG a mécaniquement bloqué une place en C1. Lyon, qui s’est retrouvé contraint de rembourser une partie de l’immobilier de son projet, n’a alors pas pu consacrer cet argent à sa masse salariale. Des clubs comme Monaco, Lille et d’autres sont donc devenus des concurrents costauds pour le podium. Et quand vous ne touchez pas de l’UEFA ces 50 millions d’euros que vous aviez prévus, il vous faut bien les sortir par un autre biais : en vendant vos meilleurs joueurs comme le fait tout le football français à part le PSG. »

Vers un appauvrissement de l’effectif inéluctable

Les juteuses ventes cette année des milieux brésiliens Bruno Guimaraes et Lucas Paqueta illustrent parfaitement le propos de Luc Dayan. L’OL n’a ainsi pas hésité à vendre en 2022 les deux plus grosses valeurs marchandes de son effectif, quitte à se priver de ses deux meilleurs joueurs, malgré la dynamique sportive alors déjà inquiétante avec Peter Bosz. Tout comme un autre joueur phare avant lui, Memphis Depay, parti libre un an plus tôt, Lucas Paqueta n’a symboliquement pas été remplacé l’été dernier, après son départ vers West Ham en toute fin de mercato.

C’est simple, sur les deux dernières saisons, le Stade Rennais (actuel 3e de Ligue 1) a quasiment dépensé cinq fois plus d’argent que l’OL en indemnités de transferts (155 M€ contre 32 M€). Les mauvaises opérations économiques et sportives s’accumulent par ailleurs à Lyon, qui paie un certain nombre de mauvais choix de recrutement et de gestion de ses actifs. Houssem Aouar et Moussa Dembélé devraient ainsi quitter le club à la fin de leur contrat l’été prochain. Quant à l’apport de Romain Faivre, dernier gros investissement à l’échelle de cet OL (17 millions d’euros, bonus compris), il est jusque-là (très) décevant.

Lucas Paqueta avait rejoint West Ham, au bout du dernier mercato estival, pour 61,6 millions d'euros (bonus compris).
Lucas Paqueta avait rejoint West Ham, au bout du dernier mercato estival, pour 61,6 millions d'euros (bonus compris). - Simon Dael/Shutterstock/SIPA

Un avenir vraiment moins incertain ?

Ajoutez à ce sombre tableau le fiasco Mediapro et les conséquences du Covid-19, avec 36,5 millions d’euros de pertes annoncées en juin 2020 par OL Groupe, puis 50,6 M€ pour fin 2020, et vous comprendrez en partie pourquoi les actionnaires Pathé (19,36 %) et IDG Capital (19,85 %) souhaitent se retirer du capital lyonnais depuis mars dernier. Même l’extrême diversification du club (OL Féminin, OL Vallée, les concerts au Parc OL, la future OL Arena…) n’est donc pas un gage de redressement économique à moyen terme. « Tout ce que le président Aulas a mis en place a vocation à amortir le plus possible les contre-performances sportives potentielles, analyse Vincent Chaudel. Mais quand Lyon n’est sportivement pas là où il devrait être, ça impacte forcément son économie. Si l’OL avait participé aux trois dernières campagnes de Ligue des champions, il n’aurait peut-être pas besoin d’un investisseur aujourd’hui. »

Celui-ci devrait donc être John Textor, puisque au sein du club lyonnais, on se montrait encore confiant mercredi. A la fois propriétaire de Botafogo (Brésil), et actionnaire majoritaire à Crystal Palace (Angleterre) et Molenbeek (Belgique), l’homme d’affaires américain de 57 ans aurait en tout cas convaincu la DNCG. Et si jamais la transaction échoue pour de bon, quelles seraient les perspectives pour Lyon ? « L’OL a la particularité d’avoir des actionnaires qui ont les poches profondes, que ce soit Jean-Michel Aulas et sa holding familiale, Pathé et IDG Capital, insiste Luc Dayan. Si le club a besoin de payer des pertes afin de rester en vie, les actionnaires devront sortir de l’argent de leurs poches. On peut imaginer qu’à l’OL, ceux-ci ne vont pas abandonner le club comme ça a été le cas à Bordeaux. Puis à Pathé, IDG voire Holnest de trouver ensuite des gens pour leur racheter leurs parts. » Alors, aussi passionnant qu’un coup de tête de Jimmy Briand dans le temps additionnel du derby, ce possible closing time, non ?