Vendée Globe : Sam Davies savoure sa « victoire » autour du monde pour les enfants d’Initiatives Cœur

VOILE Compétitrice, la Britannique a joué contre-nature en prenant un second départ après son abandon pour mener à bien sa mission sur Initiatives Cœur

William Pereira
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Sam Davies à son arrivée aux Sables
Sam Davies à son arrivée aux Sables — Jean-Louis Carli / Alea
  • Samantha Davies a terminé le Vendée Globe non classée à la fin février, après s'être arrêtée plusieurs jours pour réparer son bateau en Afrique du Sud.
  • La Britannique a tout de même tenu à boucler son tour du monde afin de récolter un maximum de dons pour le Mécénat chirurgie cardiaque.
  • Grâce à sa persévérance, 102 enfant ont pu être sauvés pendant son périple.

Retour sur terre et vœu exaucé pour Samantha Davies, qui rêvait d’un confinement à la maison sous le coup de la lassitude en pleine remontée de l’Atlantique dans son tour du monde en solitaire avec escale. Dix jours après son arrivée, la skippeuse sur Initiatives Cœur profite d’un repos bien mérité pour finir de se remettre de sa blessure aux côtes contractée à la suite d’une collision avec un ofni au 27e jour du Vendée Globe​, à l’entrée des mers du Sud, début décembre « C’était comme de conduire une voiture à 35 km/h dans un mur, raconte-t-elle avec le détachement des marins habitués aux caprices de l’océan. La violence de la collision était impressionnante. J’ai volé, tout dans le bateau a volé. J’étais en train de préparer à manger donc mon bol a volé. Mon dîner est complètement parti sur le plafond, le sol et les murs. »

Accident qui lui aura coûté bien plus que la déco de son bateau puisque la Britannique a été forcée d’abandonner en faisant escale au Cap, en Afrique du Sud. Sur le coup, la pilule passe mal. 4e du Vendée en 2008-2009, Sam Davies avait déjà quitté prématurément la course en 2012-2013 et l’enchaînement de désillusions lui donne envie de tout plaquer. « Sam m’appelle et la première chose qu’elle me dit c’est "j’arrête la voile !" » raconte à Voiles et Voilers son compagnon Romain Attanasio, 14e de la course. Il aura bien fallu 48 heures, le temps de rejoindre le sud de l’Afrique du Sud, pour s’enlever cette idée de la tête et se décider à repartir dès que possible hors course même si dans les faits, un scénario alternatif était déjà inscrit dans son carnet de route en cas d’abandon. Davies :

« Ça fait quatre ans que je prépare un tour du monde et avec l’équipe on avait bien évoqué ce sujet. J’avais fait comprendre que je voulais à tout prix réussir à boucler ce tour du monde, même hors course. On avait même un mât prêt à envoyer en Australie s’il le fallait au cas où je démâtais là-bas. Ça faisait partie des fondamentaux du projet. »

Un mal pour un bien

Le projet, justement, était de mettre en avant Initiatives Cœur pendant la durée du Vendée Globe afin de récolter un maximum de dons pour le Mécénat chirurgie cardiaque et sauver un maximum d’enfants souffrant de malformations du cœur. Une noble cause qui méritait bien de redonner une seconde vie au bateau, surtout quand on en connaît le résultat : au total, 102 enfants ont été sauvés par une opération pendant le périple de la skippeuse. « Même si je ne suis pas classée, je compte ce tour du monde comme une victoire. De réussir à lever autant d’argent pour sauver les enfants c’est vraiment génial. Quelque part, l’abandon c’était encore mieux pour Initiatives Cœur vu que ça a allongé de beaucoup de jours mon temps de course. »

Cette quête humanitaire a également permis à Sam Davies de trouver du sens ailleurs que dans la compétition. Un coup de boost salutaire au moment de réparer le bateau avec son équipage pour repartir d’Afrique du Sud le 14 décembre, neuf jours après s’être désistée. La team Initiatives Cœur a d’ailleurs été bien inspirée de ne pas trop traîner sur le chantier à l’heure où les restrictions liées au variant local du Covid commençaient à poindre. « Un membre de mon équipe qui était resté au Cap pour aider Arkéa [le bateau de Sébastien Simon, également contraint à l’abandon] a failli rester bloqué en Afrique du Sud parce qu’ils fermaient les frontières. À un ou deux jour près il a pu quitter le pays en avion mais il a dû faire plusieurs escales pour rejoindre la France. »

Nouveau départ, nouvel objectif

C’est bien en bateau et sans escale supplémentaire que la Britannique a repris sa route vers les Sables d’Olonne. Contrairement à sa machine, ses côtes sont alors toujours en vrac et le nouveau départ se veut prudent. De toute façon, il n’y avait plus la place pour se mettre en mode compétition. Les plus rapides étaient déjà loin devant et l’arrière de la flotte ne faisait pas le poids avec son bateau, le combat n’eut pas été équitable.

« Je voulais seulement rattraper au plus vite les derniers pour ne pas naviguer seule, car on est plus en sécurité quand on est à proximité des autres concurrents. J’ai navigué propre mais je n’étais pas en mode compétition. J’étais super contente d’avoir une bonne raison de continuer. Ce n’était pas juste moi qui décidais de finir le tour du monde coûte que coûte. Moi j’avais ce projet, cet objectif de sauver les enfants, qui pouvait continuer hors course. »

Le 26 février et après 110 jours de course dont une interminable remontée de l’Atlantique malgré toute la bonne volonté du monde, Sam Davies a fini par arriver à bon port. Elle a ensuite remonté le chenal accompagnée de Junior, un petit garçon ivoirien opéré du cœur à Nantes pendant sa course. La navigatrice et le garçonnet, vêtu d’un gilet de sauvetage orange et de bottes rouges, ont longuement salué le public, venu acclamer l’arrivée du bateau sous un soleil éclatant.

Sam Davies
Sam Davies - Anne Beaugé / Initiatives Coeur

« C’est super d’être confrontée au fruit de notre mission », se réjouit aujourd’hui la skippeuse, qui compte prendre sur son temps de repos pour rendre visite à d’autres enfants. Après quoi il sera l’heure de reprendre la mer. « La prochaine grande course c’est la transat Jacques Vabre, en novembre. J’espère qu’à la fin du printemps on commencera à naviguer et à s’entraîner pour être au taquet à l’automne. » Et y jouer cette fois, si possible, la gagne. Pour joindre l’agréable à l’utile.