Coupe du monde féminine de rugby: Marion, demi de mêlée, aka «Barbie, la blonde qui aime le rose»
TÉMOIGNAGES Être une femme et jouer au rugby, l’enfer sur terre? Marion nous parle féminité, féminisme et commotions…
«Un jour, on pourra mettre un cul à ceux qui ouvrent un peu trop leur bouche». Inutile de sortir la carte vulgarité. Encore moins de songer à l’option sexualité. On parle percussion, on parle placage. On parle rugby. A ses homologues masculins qui la charrient un peu trop, la joueuse répond avec leur langage. Non, avec le sien en fait. Celui d’une prof d’EPS de 26 ans qui passe ses samedis à disputer des matchs en Fédéral 1 pour le club de Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne) et ses dimanches à arbitrer des hommes.
«Ah mais c’est vous l’arbitre?». Râles. Sourires en coin. Ajoutez à sa condition, son mètre 59, ses 54 kg et sa blondeur, Marion a toutes les chances de perdre des points de crédibilité. Sauf si elle prouve qu’elle maîtrise aussi bien son sujet que les autres. Là, c’est le déluge de compliments. «Vous êtes une excellente arbitre, entend-elle après une bonne prestation, juste parce que je porte du vernis sur les doigts qui tiennent mon sifflet.» Et son rouge à ongles, elle y tient. «Sur le terrain, je suis autant hargneuse que peut l’être un garçon. Hors des stades, je mets de la crème et du vernis.» Et même, elle en joue un peu. «J’ai encore plus besoin de montrer que je suis une femme depuis que je passe mes journées en jogging. Mes coéquipières m’appelle Barbie, la blonde qui aime le rose.»
«Je ne suis pas féministe non plus»
Revendiquer sa féminité de joueuse avec quelques gouttes de peinture au bout des doigts, Marion y croit. Pour faire la différence, pour attirer un autre public au stade aussi. Quitte à passer par des affiches plus glamour que sportives. «Faut pas tomber dans le discours de la femme objet mais je ne vais pas mettre le holà. Au moins, ça fait venir les gens.» La «concession» se mérite. Même si la joueuse déplore que dans «rugby féminin», on ne retienne que «féminin».
Ou que des observateurs pourtant avisés (joueurs de rugby de haut niveau), comparent les mêlées de femmes à du «handisport». «La remarque a fait rire mon conjoint, pas moi. Je trouve ça horrible, pour le handisport comme pour nous. Un jour, on mettra un cul sur le terrain à ceux qui ouvrent un peu trop leur bouche.» Sans les crampons, les remarques lui «passent au-dessus. Je ne vais pas hurler à chaque fois qu’un macho fait une remarque, je ne suis pas féministe non plus.»
«A la Coupe du monde, ils vont voir qu’on est nombreuses»
Quand ses parents lui expliquent craindre la violence des impacts, elle leur rappelle qu’elle a eu bien plus de blessures dans son passé de basketteuse que dans son quotidien de rugbywoman. Quand une amie lui demande si elle est homosexuelle parce qu’elle fait «un sport de garçon», elle ne prend même pas la peine de mentionner qu’elle est en couple, avec un homme.
Bien plus important, l’équipe de France qui a gagné le Grand Chelem pendant que «nos garçons avaient un peu de mal». Encore plus préoccupant, la fédération française de rugby qui «est en train de tuer à petit feu le rugby féminin». «On est peu c’est une réalité, mais ils ont mis dans nos poules des filles qui n’avaient jamais joué à 15». Avec la Coupe du monde, «ils vont voir qu’on est nombreuses. Même ma mère m’a demandée d’aller voir un match du mondial.» Avec ou sans vernis.