Législatives 2022 : Twitter, le réseau incontournable pour les politiques et leur stratégie de communication ?
COMMUNICATION Dimanche, Manuel Valls a fermé la porte de sa vie politique après sa défaite aux législatives, supprimant au passage son compte Twitter, outil précieux dans sa quête d'influence
- Manuel Valls a quitté la vie politique française, abandonnant tout espoir de nouveau mandat après sa défaite aux législatives et coupant court à ses échanges passionnés en ligne.
- Sans compte Twitter, un politique peut-il exister et avoir de l’influence ?
- « L’interaction sur Twitter fait totalement partie de la stratégie d’influence des politiques. Chaque candidat devient son propre média grâce aux réseaux sociaux », analyse l’experte en réseaux sociaux, Emmanuelle Patry.
« A tchao, bonsoir ». Il aurait pu tweeter ainsi dimanche à l’annonce de sa défaite au premier tour des législatives dans la 5e circonscription des Français de l’étranger. Manuel Valls a choisi un message bien plus poignant, suivi d’un geste des plus révélateurs : il a fermé son compte Twitter, quelques minutes après avoir posté un court texte d’adieu. « Je prends acte des résultats (…) Si la dissidence et la division ont semé la confusion, je ne peux pas ignorer mon score et le fait que ma candidature n’a pas convaincu ». Avant d’ajouter : « Il m’appartient lucidement d’en tirer les conséquences. La vie est suffisamment belle pour tourner tranquillement les pages ».
Provocateur et capricieux ? « Je pense que cet au revoir très théâtral a été mûrement réfléchi, soupèse Emmanuelle Patry, fondatrice de Social Media Lab et spécialiste des réseaux sociaux. Il y a un côté mise en scène c’est sûr, mais Manuel Valls est en difficulté sur le front politique depuis plusieurs années et c’est sa façon à lui de tirer un trait. Sa décision n’est pas étonnante ». La forme du message non plus quand on connaît le personnage et la relation amour/haine qu’il a entretenue pendant des années avec Twitter.
Twitter, the place to be ?
Le réseau social apparaît d’ailleurs comme un incontournable moyen de communication pour les candidats d’aujourd’hui. Mais dans quelle mesure l’influence des politiques passe-t-elle par ce média-là ? « Twitter est un réseau ouvert, d’influence où on peut communiquer avec l’ensemble des citoyens et également avec la presse. Il a pris beaucoup de place dans le paysage politique, il est très utilisé par les journalistes et les institutions, mais aussi par les personnes qui sont engagées politiquement, ou qui a minima s’informent sur l’actualité, analyse Emmanuelle Patry, également spécialisée dans l’analyse et la stratégie des réseaux sociaux. La communauté des gens présents et actifs sur Twitter s’est beaucoup étendue. »
Longtemps réputé comme un microcosme où régnait l’entresoi, « Twitter a un public d’utilisateurs bien plus diversifié, même s’il est toujours le lieu privilégié des échanges pour les jeunes urbains, ajoute Emmanuelle Patry. Comme il est principalement basé sur le texte et totalement ouvert, il est facile de créer de la viralité rapidement. La forme de Twitter facilite le gain d’influence pour les politiques ».
Pourquoi Twitter et les politiques, ça matche aussi bien ?
Aujourd’hui, pour figurer sur la scène politique nationale, avoir un compte Twitter, si possible certifié, est essentiel. Mais pas que, précise l’experte des réseaux sociaux. « Si un politique a un compte sans être actif, hormis éviter les faux comptes et les usurpateurs, ça ne sert pas à grand-chose. D’ailleurs aujourd’hui, les politiques professionnels ont bien souvent une équipe dédiée qui gère leurs différents profils. Cette présence fait totalement partie de leur stratégie d’influence, de leur manière de communiquer. Chaque candidat devient son propre média grâce aux réseaux sociaux. »
En lâchant le terme d'« agora », Emmanuelle Patry résume bien le rôle de Twitter dans la stratégie de communication des politiques aujourd’hui : « l’espace public en ligne où chacun peut exprimer librement ses idées », notamment ceux qui rêvent d’un poste de pouvoir dans la hiérarchie médiatique. Pour Manuel Valls, son retrait de Twitter est une allégorie de sa mise en pause, temporaire ou définitive, nul ne le sait, de la vie politique.
Et comme lors des échanges musclés entre journalistes de sport et clubs ou entraîneurs, Twitter est aussi le théâtre de ping-pong polémique entre les politiques et le monde des médias. « Il y a quelques années, se souvient Emmanuelle Patry, les journalistes du Lab d’Europe 1 jouaient ce rôle de poil à gratter en 140 signes avec des figures politiques de la scène nationale française ».
What’s next ?
Twitter a aussi permis à Manuel Valls, d’après Emmanuelle Patry, de mettre fin au « harcèlement en ligne, un phénomène qu’il a dû particulièrement subir ces derniers jours durant cette campagne des législatives. Il est difficile de se rendre compte du nombre de messages haineux et diffamatoires reçus, mais, Valérie Pécresse peut en témoigner, c’est un mauvais côté de Twitter, avec lequel il est sain d’en finir ».
Dans un dernier sursaut d’ego dans lequel son départ de Twitter a fait quasiment plus de bruit que sa défaite pas si inattendue aux législatives, l’ancien Premier ministre a rejoint le cercle très fermé des politiques ayant quitté Twitter. Parmi les plus célèbres, on peut citer Patrick Balkany ou Jérôme Cahuzac, deux figures politiques nationales qui n’ont plus vraiment leur nom dans les JT, si ce n’est à la rubrique justice. Sans possibilité de retour en arrière ?
Un jour, peut-être ?
Si Manuel Valls devait un jour revenir sur la scène politique nationale (oui, oui il ne serait pas le premier à dire « non » puis « pourquoi pas ? » et « OK, vous avez besoin de moi, j’arrive » !), pourrait-il le faire sans réactiver son compte Twitter ? Pour Emmanuelle Patry, « ça paraît improbable aujourd’hui. C’est vraiment un espace d’expression politique incontournable ». Comme elle le rappelle, seul Donald Trump, « contre sa volonté évidemment », est actif mais ne possède plus de compte Twitter.
Elle rappelle d’ailleurs que la Maison Blanche ne s’est jamais cachée, qu’un tweet pouvait remplacer un communiqué de presse et ce, depuis plusieurs années : « on sait que les Etats-Unis sont souvent en avance sur l’Europe sur ces sujets-là. Je pense que ce phénomène peut désormais s’appliquer à la France ». So, « Adieu Twitter » is the new « J’assume pleinement la responsabilité de cet échec et j’en tire les conclusions en me retirant de la vie politique » du 21 avril 2002, 20 ans après Lionel Jospin, dans un tweet sur smartphone plutôt que devant micros et caméras. Jusqu’au retour de l’ex-Premier ministre sur le devant de la scène ?
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