France-Uruguay : Mais qu’est-ce qui a cloché chez les Bleus pour sortir un match pareil ?

rugby Le XV de France s’est fait peur contre l’Uruguay, ennuyé par un manque de fluidité inhabituel en phases offensives et par une grande indiscipline

Nicolas Camus
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Les Bleus dans le doute lors du match entre la France et l'Uruguay, le 14 septembre 2023 à Lille.
Les Bleus dans le doute lors du match entre la France et l'Uruguay, le 14 septembre 2023 à Lille. — AFP
  • Le XV de France a difficilement battu l’Uruguay pour son deuxième match de poule de Coupe du monde, jeudi soir à Lille.
  • Les Bleus ont réussi à se faire peur lors de ce match, la faute notamment à un manque de cohérence globale dans leur plan de jeu et une grande indiscipline.
  • Les nombreux changements opérés dans l’équipe de départ par Fabien Galthié n’expliquent pas tout. « Il faut mettre les bons ingrédients, au bon endroit et au bon moment, et nous on a peut-être mélangé un peu tout », reconnaît le sélectionneur.

De notre envoyé spécial à Lille,

Le public lillois était un poil frustré à la fin du match. On a même entendu quelques sifflets descendre des tribunes au moment du tour d’honneur des Bleus, comme un peu avant quand Melvyn Jaminet avait décidé de prendre les points de 50 mètres plutôt que d’aller trouver une bonne touche, preuve parmi tant d’autres d’une rencontre disputée avec le frein à main. Les supporters ne s’étaient sans doute pas imaginé qu’ils assisteraient à un match aussi brouillon et aseptisé de la part du XV de France, six jours après le torrent d’émotions d’une ouverture en fanfare et face à un adversaire bien moins imposant.

Ce n’est pas nous qui allons les blâmer – surtout qu’ils ont été assez exceptionnels pendant toute la rencontre. Depuis le début de l’ère Galthié, on ne se souvient pas avoir vu cette équipe aussi empruntée, indisciplinée et sans idées. Alors forcément, on cherche des explications. Et si possible qui ne s’arrêtent pas à la « valeureuse Uruguay », tout ça tout ça. Certes, l’équipe sud-américaine a fait son match, agressive en conquête et sur le jeu au sol, portée par quelques inspirations admirables de ses lignes arrières. Mais même si les Bleus ont reconnu avoir été « surpris », ça n’aurait pas empêché une équipe de France à son niveau de faire respecter sa loi.

Alors quoi ? Le manque d’automatisme d’une équipe remaniée à 80 % par rapport au match précédent ? Théorie rejetée par Maxime Lucu, un de ceux qui a fait son match au poste de demi de mêlée. « Je ne pense pas que ce soit ça, ça fait plus de deux mois qu’on est dedans maintenant, objecte-t-il. On travaille tout le temps aux entraînements ensemble, on a testé ces associations en prépa. Parfois, c’est juste quand tu es à 5 mètres de la ligne il faut scorer, c’est tout. »

Le fait d’avoir aligné autant de joueurs davantage habitués à finir les rencontres a tout de même eu une conséquence fâcheuse. Elle est relevée par Sipili Falatea, dont la dureté des propos tranche avec ceux de ses coéquipiers. « Quand tu mets des mecs qui ne jouent pas beaucoup, chacun a envie de se montrer, et parfois en oubliant l’équipe, attaque le pilier, entré en seconde période. Il y a eu des moments où on aurait pu finir collectivement les coups mais où on s’est raté parce qu’on a essayé de faire des exploits. »

« On a peut-être mélangé un peu tout »

Le débrief a le mérite d’être franc. Il est vrai, comme le disait aussi Lucu, que les Bleus ont saboté de grosses occasions de marquer, notamment en fin de première période. Au moins deux ballons portés auraient dû rester un peu plus longtemps au chaud, et puis il y a ce jeu au pied mal venu d’Hastoy pour tenter d’envoyer Villière à l’essai, alors qu’il y avait un trois contre deux d’école à jouer à la main. A force de ne pas concrétiser, la tension s’est installée peu à peu, donnant encore plus de niaque aux Uruguayens au cas où ils en auraient eu besoin. Le résumé est signé Fabien Galthié :

Notre équipe était nerveuse, voulait absolument faire la différence, marquer vite, tout en étant très appliquée, et en face, il y avait une équipe qui combattait énormément au sol avec des joueurs très agressifs sur le porteur de balle, sur les plaquages. On s’est mis à douter. On appelle ça des matchs piège, c’en était vraiment un. Il faut mettre les bons ingrédients au bon endroit, au bon moment, et nous on a peut-être mélangé un peu tout. »
T'es pas dans le bon Anthony.
T'es pas dans le bon Anthony. - FRANCOIS GREUEZ/SIPA

Autre élément qui n’a pas aidé, l’indiscipline chronique dont se sont rendus coupables les Français, avec 15 pénalités concédées (contre seulement quatre face aux Blacks). « C’est énorme. C’est même inadmissible au niveau international », tonne le deuxième ligne Cameron Woki. « On est tombé dans le panneau, regrette de son côté Sekou Macalou. Eux n’attendaient que ça, ils voulaient casser le rythme, ils ont réussi. » Ajoutez à ça les 16 fautes uruguayennes, pour un total rarissime de 22 mêlées engagées, et vous obtenez un match qui n’a jamais pu s’emballer.

« C’était haché entre les pénalités, les touches, les en-avant, les mauls, les mêlées… On a eu du mal à mettre notre jeu en place, à trouver de la continuité, de la fluidité dans notre jeu d’attaque, observe Thibaud Flament. C’est un peu frustrant. » Le mot est revenu dans la bouche de tous les joueurs passés en zone mixte. Car au final, ils savent qu’ils ont raté une opportunité de se montrer. « On a eu l’impression qu’on n’arrivait pas à s’exprimer. C’est ça le gros regret », poursuit Paul Boudehent, dont on attendait monts et merveilles dans les franchissements et qui a passé son temps à se prendre des murs.

Il est tout de même assez étonnant d’avoir vu ce XV de France perdre totalement le fil après le quart de jeu. Le carton jaune de Romain Taofifenua (27e) n’explique pas tout. Cela faisait déjà quelques minutes que les Bleus avaient totalement abandonné l’idée d’utiliser leur supériorité dans le jeu au pied et la puissance physique, comme si les espaces allaient se créer comme par magie. Le dernier essai de Louis Bielle-Biarrey, au terme d’une action à cinq temps de jeu maîtrisés du début à la fin, nous a un peu réchauffé le cœur, sans réussir à effacer l’impression de confusion générale. En même temps, on peut dire merci aux Bleus. Si tout roulait, le temps serait sacrément long jusqu’à la fin de la phase de poule.