France - Australie : « Je savais que j’allais y arriver », assure l’ovni Thibaud Flament
INTERVIEW Encore inconnu voici deux ans, Thibaud Flament a joué et gagné neuf des 10 matchs du XV de France la saison dernière. Le 2e ligne toulousain sera titulaire ce samedi contre l’Australie
- Thibaud Flament sera associé à Cameron Woki ce samedi en 2e ligne, lors du premier test-match de novembre du XV de France, face à l’Australie à Saint-Denis.
- Le Toulousain de 25 ans fêtera sa dixième sélection, un an tout juste après la première. A ce jour, il n’a connu que la victoire en Bleu.
- Le Parisien, qui a grandi en Belgique avant de jouer en Angleterre et en Argentine, a toujours cru en sa bonne étoile, malgré un parcours très, très loin des sentiers battus.
En octobre 2020, le globe-trotter Thibaud Flament débarquait au Stade Toulousain avec un gros point d’interrogation au-dessus du casque qui coiffe ses 2,03 m. Le natif de Paris a grandi en Belgique avant de filer en Angleterre et de découvrir le haut niveau chez les Wasps, après un aller-retour en Argentine. Un an et un doublé Top 14 – Coupe d’Europe plus tard, l’avant polyvalent découvrait le XV de France.
Ce samedi, le joueur de 25 ans, toujours invaincu en Bleu, défiera l’Australie à Saint-Denis, pour le premier volet du triptyque de novembre, avant l’Afrique du Sud et le Japon. A Marcoussis, 20 Minutes a rencontré le longiligne Flament (115 kg quand même), alors que le forfait du Montpelliérain Paul Willemse et l’officialisation de la titularisation du Toulousain en 2e ligne n’étaient pas encore tombés.
Avant le deuxième test-match au Japon (succès 15-20) début juillet, vous affirmiez à l’AFP que le record de victoires d’affilée du XV de France (10) était « un truc de journalistes ». Maintenant que vous pouvez le battre, est-ce toujours le cas ?
(Rires) Ce n’est pas notre principal levier de motivation. Ce qui nous intéresse, c’est de gagner des matchs. On se concentre sur la série de rencontres qui arrive, à commencer par l’Australie, pas sur le record. A vrai dire, on n’en a quasiment pas parlé entre nous.
L’Australie, c’est un grand nom du rugby, mais ce n’est plus l’équipe que ça a été…
C’est une formation très forte, qui se situe au premier échelon du rugby mondial. Elle tient beaucoup le ballon donc on s’attend à beaucoup défendre. Elle est aussi très puissante, avec beaucoup de caractère, et a la faculté de revenir dans les matchs. Les Australiens savent se sortir de situations compliquées, ils sont capables de fulgurance.
Vous jouerez dans la foulée à Marseille contre l’Afrique du Sud. Ressentez-vous de l’excitation à l’idée d’affronter le champion du monde en titre, que vous n’avez pas encore rencontré ?
On est concentrés sur l’Australie mais dans un deuxième temps, l’Afrique du Sud sera une équipe intéressante à jouer. C’est pratiquement ce qui se fait de mieux dans le rugby mondial, avec un paquet d’avants très puissant. Les Springboks mettent aussi beaucoup de pression avec leur jeu au pied, ils jouent pas mal avec la dépossession. Oui, on est vraiment excités à l’idée de les jouer.
En début de semaine, vous étiez onze Toulousains sur les 42 joueurs rassemblés à Marcoussis. N’y a-t-il pas un risque de constituer un clan ?
Pas vraiment. Le groupe des 42 est assez jeune et s’entend très bien. Tout le monde se mélange à table. Oui, il y a des affinités parce qu’on se voit davantage, mais pas vraiment de clans. On est tous sur la même longueur d’onde.
Vous comptez neuf victoires en neuf sélections. Avez-vous parlé de cette réussite avec des coéquipiers qui ont connu des périodes moins fastes ?
Je me souviens en avoir parlé avec Gaël Fickou. Il me semble que c’était après la victoire contre la Nouvelle-Zélande (40-25, le 20 novembre 2021). Il m’avait dit : « C’est dingue, ça fait un petit moment qu’on est là, on est passés par des moments difficiles et toi, depuis que tu es arrivé, ça se passe bien. Profite, c’est super ! » Je suis conscient de cela, comme je suis conscient des efforts que l’on fait à l’entraînement. On bosse dur.
Vous avez fêté votre première sélection le 6 novembre 2021 contre l’Argentine (29-20). Quel regard portez-vous sur l’année qui s’est écoulée ?
Je suis très satisfait. J’ai continué à prendre beaucoup de plaisir. Je pense avoir mûri, j’ai aussi joué un peu plus avec Toulouse, j’ai appris plein de choses. Je ne peux pas citer un truc en particulier, mais j’ai accumulé du vécu, de l’expérience.
Avant d’affronter l’Australie ce samedi, vous comptez trois titularisations et six entrées en jeu. Quel est votre statut en Bleu ?
C’est aux coachs de répondre. Pour l’instant, j’ai été plus finisseur que titulaire. Bien sûr, on veut tous commencer les matchs mais la concurrence est saine. Et cela ne change pas grand-chose dans ma préparation. Je me concentre sur mon rôle, que je débute une rencontre ou que j’entre en jeu.
Vous êtes polyvalent, 2e ou 3e ligne aile. C’est un avantage, mais n’est-ce pas aussi le meilleur moyen de se retrouver plus souvent remplaçant, pour couvrir plusieurs postes ?
Le fait de pouvoir jouer en 4, 5, 6 ou 7, j’adore ça. Oui, il y a toujours la question : « Est-ce que le joueur polyvalent, ce n’est pas le couteau suisse qui démarre sur le banc ? » Mais je construis ma panoplie de joueur et ça en fait partie. Encore une fois, j’adore cette polyvalence.
Vous avez 25 ans, mais au très haut niveau, vous restez un jeune joueur. Dans quels secteurs prioritaires devez-vous progresser ?
Il y a toujours ce paradoxe entre mon âge et mon vécu en tant que joueur professionnel. Je travaille sur la responsabilité des annonces en touche. J’ai commencé à le faire à Toulouse, j’essaie de le faire aussi en équipe de France. C’est un bon axe de progression, comme le jeu sans ballon, sur lequel je bosse aussi. Et puis, je dois prendre encore plus d’expérience.
Du fait de votre trajectoire, vous avez fait partie des « ovnis » chers à Fabien Galthié. En vous retournant, comment analysez-vous cette progression accélérée ?
Tout est allé super vite. Mais déjà quand j’étais à l’université (de Loughborough, en Angleterre, où Flament a étudié le commerce jusqu’en 2019), je savais que je voulais être rugbyman professionnel et que j’allais y arriver. Je sentais que ça allait bien se passer. Je ne doutais pas. C’était une question de temps. J’ai pu saisir les opportunités quand il fallait.
Vous avez raté les trois premières journées du Top 14 à cause d’une entorse de la cheville. Est-ce que le fait de ne pas se blesser à l’approche de la Coupe du monde trotte dans la tête des joueurs ?
Forcément. Après, il n’y a pas 36 solutions. Ce n’est pas en étant en demi-teinte que ça va le faire. Il faut s’envoyer à fond, se préparer du mieux possible, bien récupérer. C’est le protocole classique, mais c’est ce qui fonctionne le mieux.
Pour terminer, comment avez-vous vécu le placement en redressement judiciaire des Wasps, votre ancien club, officialisé mi-octobre ?
Ça m’a fait mal au cœur. C’est un club auquel j’étais très attaché, même si j’en suis parti au bout d’un an. Il m’a permis d’accéder au haut niveau, de beaucoup progresser. J’y ai vécu de super moments et je m’y suis fait de super potes. Voir tous ces potes qui, du jour au lendemain, n’ont plus de contrat, plus de salaire, pas de chômage, qui sont à la rue et doivent trouver du travail… Ils sont un peu désespérés. Ils cherchent, à droite et à gauche. Certains ne vont peut-être pas retrouver de club, d’autres vont sûrement aller en deuxième division, d’autres encore en France. Tout le monde va se disperser.