JO de Paris 2024 : Pour Vincent Matheron, les Jeux « c’est comme les X Games, mais avec cinq anneaux »

Interview Après une première expérience à Tokyo en 2021, le skateur Vincent Matheron a hâte d’être aux JO de Paris, en 2024, pour représenter la France, mais surtout Marseille

Propos recueillis par Nicolas Camus et William Pereira
Vincent Matheron lors des JO de Tokyo en 2021
Vincent Matheron lors des JO de Tokyo en 2021 — Kim Price/Cal Sport Media/Sipa U/SIPA
  • Chaque jeudi, « 20 Minutes » reçoit un athlète qui rêve de podium en 2024 dans son émission Twitch LCTC. Cette semaine, Vincent Matheron est notre invité.
  • Septième lors des JO de Tokyo, le skateur français de 24 ans devrait encore être de la partie lors des Jeux de Paris en 2024.
  • Pour celui qui connaît bien le légendaire Tony Hawk, et qui a été blessé plusieurs fois, les (grosses) chutes font partie intégrante du skate.

Il y a ceux qui ont grandi en jouant au jeu vidéo Tony Hawk’s Pro Skater. Et puis, il y a ceux qui ont franchi la frontière du jeu et sont devenus potes avec la légende Tony Hawk en personne. C’est le cas de Vincent Matheron (24 ans), actuellement à Dubai pour participer aux championnats du monde de skateboard. Le début, pour lui et tous les adeptes de la planche à roulettes, des qualifications pour les Jeux olympiques de Paris en 2024.

Après une première expérience olympique à Tokyo, le Marseillais, revenu sur ses terres après un exil de trois ans aux Etats-Unis, espère bien être de la partie sur le bowl de la place de la Concorde. En évitant, évidemment, les blessures, le lot quotidien des skateurs. Il nous a expliqué tout ça lorsque nous l’avons reçu dans notre émission Twitch, Les croisés, tu connais, jeudi 26 janvier.

« Les croisés, tu connais », justement, vous connaissez bien…

Oui, je me suis fait les croisés quand j’avais 17 ans. C’est un peu jeune pour une telle blessure, mais ça fait partie du skate. Surtout, on revient mieux, et deux fois plus fort. Je suis allé au Cers (Centre européen de rééducation du sportif) de Capbreton, j’ai fait de la rééducation, du renforcement musculaire et, à 17 ans, ça allait. J’étais en rééducation avec Tom Pagès [pilote de freestyle motocross], ça m’a bien motivé.

Et avant les derniers JO de Tokyo, vous avez été victime aussi d'une autre grosse blessure...

Un an avant les Jeux, je me suis fait la cheville : triple fracture malléolaire. Je me suis fait opérer et j’ai eu beaucoup de matos à l’intérieur. Même pendant les Jeux, j’en avais encore. J’ai réussi à enlever 12 vis, trois broches et deux plaques après les JO, mais j’ai encore cinq vis que je garderai à vie.

Comment arrivez-vous à passer outre la peur, après être revenu d’une aussi grosse blessure ?

Les blessures, t’es obligé de passer par là dans le skate. Après, j’essaie de ne pas y penser au moment où je drop. Les chutes peuvent arriver à tout moment et on est presque obligé de se péter un truc pour skater. C’est comme si un boxeur disait qu’il ne voulait pas se péter le nez, ce n’est pas possible. Danny Way [qui a notamment sauté d’un hélicoptère pour descendre une rampe] avait même dit que si on ne s’était pas pété tous les os de notre corps, on n’était pas un vrai skateur. Après, avec l’âge, t’apprends à tomber. Tu grandis avec les blessures.


Et ça ne vous a pas empêché de faire carrière, même si vous n’aimez pas qu’on utilise ce terme ?

Quand on skate, on skatera toute sa vie, donc ce n’est pas trop une carrière. Ce n’est que du plaisir.

Aux JO de Tokyo, même si vous n’avez pas eu de médaille, vous finissez premier Européen. Mais, mieux, vous avez calé le signe Jul. Est-ce que ça vaut toutes les médailles du monde ?

C’est vrai, je l’ai fait (rires). Malheureusement, il ne l’a pas vu. Du coup, je le referai à Paris. C’était pour représenter la maison. Quand je suis loin de chez moi, c’est ce qui me fait penser à la maison. Marseille, c’est le soleil, la mer, le bowl du Prado, Jul, les anciens comme la FF ou IAM, Zinédine [Zidane]… Bref, c’est la maison, quoi.

Vous vous êtes justement réinstallé à Marseille dans la perspective des Jeux olympiques en 2024…

J’ai fait trois ans aux Etats-Unis, je pense que j’ai fait mon temps là-bas. Il fallait que je revienne à la maison. Je m’entraîne tous les jours au bowl de Marseille. C’est là où j’ai grandi et j’ai tout appris. C’est un bowl légendaire, tous les plus grands skateurs de bowl y sont passés. Toutes les anciennes compèt se déroulaient là-bas. Et, même trente ans après, tu peux toujours trouver des lignes que personne n’a faites. C’est une « une vague infinie », comme le dit Jean-Pierre Collinet, qui a créé ce bowl de Marseille. Ce retour aux sources, il n’y a rien de mieux pour préparer Paris 2024.



A Paris, pour les JO 2024, le bowl sera place de la Concorde. Mais il ne restera pas…

C’est un peu dommage. A Tokyo, ils l’ont laissé. Ce bowl, il était vraiment incroyable, très bien fait, grand, espacé. Il y avait plein de lignes différentes. Dommage, il n’y avait pas assez de temps pour skater. C’était très rapide, à cause du Covid-19. Une semaine, et puis voilà.

Après avoir participé aux Jeux, est-ce que vous vous sentez athlète olympique ?

Non, je n’ai pas senti quelque chose de particulier. J’ai toujours été skateur, donc je ne vous pas ce que ça changerait avec les Jeux. J’ai commencé le skate à 4 ans pour le plaisir, avec ma famille. J’ai fait comme si c’était une compète comme les X Games, mais avec cinq anneaux, où je représentais le pays. Moi, j’essaie de montrer qu’on n’est pas des athlètes, mais des skateurs et de montrer le bon côté de ce sport au grand public. Je pense que tous les autres skateurs font ça aussi.

Quel va être le graal ? Les JO 2024 à Paris, à la maison, ou les JO 2028 à Los Angeles, « La Mecque » du skate ?

Pour moi, skateur français, c'est Paris 2024. Surtout, cent ans après les derniers JO d’été en France, ça va faire quelque chose de bien. Après, à Los Angeles, ça va être extraordinaire aussi. C’est de là-bas que vient le skate, il y a une vraie culture surf-skate, et il y aura beaucoup plus de skateurs qui assisteront à l’épreuve. Mais, moi, je préfère la France aux Etats-Unis.



Vous parliez de surf, vous en faites aussi…

Ça fait partie du skate aussi. Quand je suis là-bas, le matin, on va surfer, et l’après-midi, on va surfer. Je ne suis pas le seul à faire ça. Entre les deux disciplines, il n’y a pas beaucoup de choses qui se ressemblent, au-delà de l’équilibre. Le surf, c’est vraiment très dur, dans le fait de ramer, trouver le bon spot. Il y a beaucoup d’observation, loin de ce que l’on peut trouver dans le skate.

Ça ressemble à quoi, un entraînement de skateur ?

Avec le skate qui évolue de plus en plus, les entraînements, c’est surtout apprendre à bien se réceptionner ou être le mieux préparé à recevoir un choc pour éviter la blessure et pouvoir skater le plus et le plus longtemps possible. Pour éviter les blessures, on fait un peu de prépa physique. Et moi, avec toutes les blessures que j’ai eues, je suis obligé d’en faire pour me maintenir en forme, sinon tout part et je ne peux plus skater. Et si je ne peux plus skater, je ne suis pas content. Du coup, je fais beaucoup de kiné, deux à trois fois par semaine, je vais un peu à la salle et, à Marseille, je me balade à vélo.

Comment se passe le système de création de figures ?

Dans la nuit, on peut penser à certaines figures, ou même quand on joue aux jeux vidéo comme Skate 3 ou Tony Hawk’s Pro Skater. Avec des jeux comme ça, tu penses à des tricks différents. L’idée vient aussi en regardant d’anciennes vidéos de skate. Ça peut te motiver et de donner de nouvelles idées pour la suite.

Il paraît que vous avez vos entrées chez Tony Hawk, justement…

C’est vrai que j’y suis souvent, parce qu’il a un bowl dans son jardin et une rampe à lui dans un hangar. Je suis très ami avec son fils et on skate souvent ensemble. A plus de 50 ans [54], il skate encore bien, même s’il vient de se blesser au fémur. J’aimerais être comme lui à son âge. Pendant le Covid-19, on allait skater sur sa rampe, il donnait de nouvelles idées de tricks. Franchement, c’est l’un des gars les plus humbles que j’ai jamais rencontrés. Riley, son fils aîné [30 ans], est aussi fort que lui, même s’il a un style complètement différent, car il fait beaucoup de street.