RC Lens-OL : Pourquoi Lucas Paqueta, virtuose « sensible », manque-t-il encore de régularité ?
FOOTBALL Brillant contre l’OGC Nice (2-0) la semaine dernière, le milieu offensif brésilien Lucas Paqueta a auparavant traversé trois mois difficiles sous le maillot lyonnais en Ligue 1
- Auteur de 8 buts et 4 passes décisives cette saison avec l’OL, Lucas Paqueta sera une nouvelle fois la principale arme offensive lyonnaise, ce samedi (17 heures) à Lens.
- Si le Brésilien a crevé l’écran, la semaine passée, dans un succès référence contre l’OGC Nice (2-0), il a aussi traversé trois mois compliqués, à l’image de tout l’OL.
- Cette irrégularité peut s’expliquer par la fatigue accumulée avec la Seleçao, ses changements de poste multipliés, mais aussi les départs de Juninho et Bruno Guimaraes, dont il était très proche.
L’attaquant niçois Evann Guessand n’osera peut-être plus tenter de se muer en défenseur s’il recroise la route de Lucas Paqueta. Le petit pont étourdissant de facilité et de créativité du milieu offensif lyonnais, samedi contre le Gym (2-0), a autant enflammé le Parc OL que les réseaux sociaux. Au point de vite valoir à l’ancien joueur de l’AC Milan un texto de la part de Mauricio Barbieri, son dernier coach dans le championnat brésilien.
« Je lui ai dit qu’il n’avait pas fait exprès de réussir ce geste, que c’était un accident, et on s’est marré là-dessus, sourit celui qui a dirigé l’actuel meilleur joueur lyonnais en 2018 à Flamengo. En vrai, c’est un dribble typique de Lucas Paqueta, un dribble qu’on qualifie "d’irrévérencieux" au Brésil. Il ne veut parfois pas faire les choses simplement sur le terrain car ça l’amuse de réaliser une action qui colle si bien à sa personnalité. C’est juste un gamin heureux, et constater que ça rendait fous les supporteurs sur le coup, ça l’a rendu encore plus heureux de son geste merveilleux. C’est grâce à ce genre de petit pont que Paqueta se sent bien dans son jeu. »
« Il veut jouer tout le temps, même quand il n’est pas à 100 % »
C’est simple, les supporteurs de l’Olympique Lyonnais n’avaient pas été dans un tel état d’euphorie au stade depuis quatre mois. A l’époque, ils avaient eu droit à autre récital de Lucas Paqueta (8 buts et 4 passes décisives cette saison) contre l’AS Monaco (2-0), signé moins de 48 heures après sa participation à un choc contre l’Uruguay avec la Seleçao. « Il veut jouer tout le temps, même quand il n’est pas à 100 % physiquement, indique Mauricio Barbieri. Je me souviens qu’après l’une de ses premières sélections avec le Brésil aux Etats-Unis (5-0 contre le Salvador en septembre 2018), il avait tenu à jouer avec nous un match de Coupe du Brésil important le jour suivant. C’est possible que la fatigue cumulée sur tous ces voyages et matchs avec la Seleçao explique certains moments de creux. »
Car s’il s’est montré brillant face à Nice, mais aussi décisif contre le PSG (1-1) un mois plus tôt, le joueur de 24 ans a par contre été bien plus neutre à de nombreuses reprises, après un début de saison canon. Outre la dimension physique liée à ses 17 matchs disputés avec la Seleçao depuis juin 2021, la question de son poste sur le terrain peut être soulevée pour évoquer ses méformes. Car comme par hasard, c’est son retour à un poste de pur meneur de jeu, dans un 4-2-3-1, qui lui a permis de rayonner contre l’OGC Nice.
« En 8, il peut bien mieux utiliser sa fantastique vision de jeu »
Peter Bosz sera-t-il malgré tout prêt à le repositionner à la pointe de l’attaque, ce samedi (17 heures) à Lens, en raison de la suspension de Moussa Dembélé, comme il l’a si (trop ?) souvent fait durant la longue blessure de ce dernier à l’automne ? Voire sur l’aile droite, où l’entraîneur lyonnais l’a également exilé. « Selon moi, sa meilleure position sur le terrain reste en milieu relayeur, en numéro 8, assure Mauricio Barbieri, actuel coach du Red Bull Bragantino (D1 brésilienne). C’est un très bon numéro 10, mais quand il peut venir de plus loin, qu’il a davantage le jeu face à lui, il peut bien mieux utiliser sa fantastique vision pour offrir des places clés à ses coéquipiers. Après, comme c’est un joueur intelligent et qu’il a tellement de talent, il peut s’adapter partout. »
Y compris dans un club qu’ont quitté coup sur coup son « papa » Juninho et son « frère » Bruno Guimaraes ? Difficile en effet de ne pas faire le lien entre les performances très irrégulières de Lucas Paqueta depuis trois mois, ainsi que certains agacements sur le terrain, et les départs précipités de ses deux compatriotes les plus chers à Lyon. « Oui, je pense que ces événements ont pu l’affecter, évoque Mauricio Barbieri. C’est un gars très sensible. Maintenant, il est devenu plus mature et il est conscient que de tels changements arrivent dans le football. »
« Quand on le voit aujourd’hui, on se dit que ce n’est plus le même joueur »
Pour sa première expérience européenne après Flamengo, Lucas Paqueta avait signé des premiers pas prometteurs, début 2019, avec l’AC Milan. Puis le départ dès l’été suivant de Leonardo, alors directeur sportif du club lombard ayant tout fait pour le recruter (38,4 millions d’euros de transfert), a coïncidé (là aussi) avec les difficultés du jeune milieu (1 but et 3 passes décisives pour 44 apparitions au total avec Milan).
« Je ne suis pas certain qu’il y ait un lien entre sa mauvaise passe en Italie et le départ de Leonardo, confie Enrico Curro, journaliste à La Repubblica installé à Milan. Paqueta a surtout été expulsé au pire moment [le 6 mai 2019 contre Bologne]. Ça l’a fait manquer les trois derniers matchs décisifs pour tenter d’accrocher une qualif en Ligue des champions. Ça a été un tournant car à partir de là, les dirigeants du club étaient moins patients avec lui. Ils ont estimé qu’il n’avait pas la personnalité suffisante pour s’imposer à Milan. Quand on le voit aujourd’hui, on se dit que ce n’est plus le même joueur qu’en Serie A. » Mauricio Barbieri rappelle quand même à quel point Leonardo puis Juninho ont pu être des figures clés pour l’intégration de Lucas Paqueta en Europe.
Paqueta a besoin de sentir la confiance de tout le club derrière lui, de ses coéquipiers aux supporteurs. Et cela est forcément décuplé quand il s’agit d’un dirigeant brésilien, qui connaît sa culture et qui peut comprendre, mieux que des Européens, comment il perçoit la vie et son métier de footballeur. »
« Ce maillot est précieux pour moi »
Dans ce sens, le récent tacle de Jean-Michel Aulas, « déçu » que son joueur phare n’ait pas envisagé privilégier le match du 1er février contre l’OM (2-1) à une nouvelle convocation avec la Seleçao, tombe mal. « Ce n’est pas une très bonne idée du président que de déballer ça devant la presse, juge Mauricio Barbieri. Il ne comprend sans doute pas ce qui est plus important que tout pour Paqueta, pas seulement en tant que joueur mais aussi en tant qu’homme. On grandit tous au Brésil en voyant la Seleçao comme le sommet absolu dans le foot. Et peu importe si la sélection était déjà qualifiée, il y a tellement de bons joueurs que Paqueta doit se battre pour garder sa place. Ça n’aurait pas été malin de sa part de décliner une convocation, ça aurait pu lui coûter cher en vue de la prochaine Coupe du monde. »
Après les feuilletons Juninho et Guimaraes, cet épisode pourrait-il inciter l’intéressé à pousser pour un départ en juin, à trois ans de la fin de son contrat ? Juste avant OL-PSG, le mois dernier, L’Equipe a fait part du fort intérêt parisien, évidemment symbolisé par Leonardo, de recruter Lucas Paqueta. Celui-ci s’est depuis fendu d’un message clair sur ses réseaux sociaux : « N’oubliez pas ce qu’on peut réaliser ensemble, ce maillot est précieux pour moi ! » Une déclaration d’amour ressemblant à celles régulièrement adressées par Bruno Guimaraes au public lyonnais, avant qu’il ne s’engage avec Newcastle, après seulement deux années à l’OL.