Coupe du monde 2022 : « Moi, je préfère le cricket », la ferveur du Mondial va-t-elle gagner Doha ?
FOOTBALL Après le temps des scandales, se pose désormais la question du potentiel de ferveur de ce Mondial 2022. Pour le moment, l’ambiance grimpe timidement, même si l’événement attire les curieux
- A deux jours du match d’ouverture entre le Qatar et l’Equateur, dimanche (17 heures) à Doha, la ferveur populaire peine à monter autour de cette Coupe du monde de football.
- Comme 20 Minutes a pu le constater depuis deux jours au Qatar, très peu de supporteurs de football mettent l’ambiance sur place.
- Seuls des Tunisiens, des Marocains… et des Indiens sont réellement présents en nombre à Doha, avant le lancement de l’événement.
De notre envoyé spécial à Doha,
On sait déjà que la Coupe du monde 2022 ne sera pas celle de l’écologie. Le smog de Doha et les gros pick-ups américains qui occupent les larges routes locales ne sont pas là pour le démentir. On sait aussi, depuis longtemps, que le Mondial au Qatar ne sera pas celui des droits des travailleurs. Avoir vu des ouvriers épuisés s’asperger d’eau pendant leur pause dej sous un cagnard que pas grand monde n’ose affronter en plein jour, ne nous fera pas dire le contraire.
Cette Coupe du monde des scandales - de notre point de vue occidental, car le monde arabe, l’Inde et l’Amérique latine l’attendent avec impatience - est au moins celle de l’hospitalité sans limites. Du taxi à l’hôtel, nos bagages passent des mains du chauffeur à celle du personnel de l’établissement, sans jamais toucher les nôtres (il ne faudrait surtout pas casser nos bras en porcelaine). La scène initiale de notre périple est symbolique d’une omniprésence. Dans le métro de Doha, il y a toujours quelqu’un pour vous dire où aller, où sortir, où rentrer.
Bref, cette Coupe du monde sera celle de choses et d’autres. Mais pourra-t-elle être celle de la bonne ambiance ? Après tout, c’est une promesse de Gianni Infantino : « le Qatar va nous offrir la plus belle Coupe du monde de tous les temps ». Un air de flûte déjà joué par le patron de la Fifa en 2018. Reconnaissons tout de même que l’émirat s’est donné le moyen de ses ambitions en investissant 220 milliards d’euros pour accueillir la compétition.
L’avantage du cheat-code « argent illimité » sponsorisé par les hydrocarbures, c’est que la question des infrastructures ne pose guère de souci. Avec son métro tout beau, tout propre, ses mille et un drapeaux sur la corniche de Doha, sa musique et ses jeux pyrotechniques, le Qatar a sans surprise tout misé sur l’ordre et le bling-bling. Mention spéciale pour la giga place consacrée au FIFA Fan Festival, dont les derniers préparatifs agitent les environs du parc Al-Bidda.
Le folklore footeux a du mal à s’installer
L’artificiel à des limites. Les animations attirent et attisent la curiosité des Qataris et des immigrés une fois la nuit tombée, mais ceux-ci ne semblent pas porter dans leur sang la culture du supportérisme. Les voies piétonnes sont peu densément peuplées et les regroupements de fans aussi rares que l’eau dans le désert voisin.
Les sens sont peu mis à contribution : pas de tambours, d’odeur de friture, et encore moins de fumigènes. « Vous savez, le Qatar et la grosse ambiance ce n’est pas vraiment compatible », sourit Camille, un jeune professeur expatrié depuis un an. Même certains volontaires, comme Zair, jeune afghan qui tient une boutique de babioles officielles sur la corniche, ne sont pas forcément très foot. « Je suis très content d’être ici. Mais moi mon truc, c’est plutôt le cricket. » Tellement cliché.
Les Tunisiens, les Marocains et les Indiens en force
Il faut donc s’en remettre aux autres, à commencer par les Indiens, venus en masse - ou déjà employés sur place - supporter l’Angleterre, l’Argentine, la France, le Brésil et le Portugal. Soupçonnés d’avoir été payés par le pays hôte, certains d’entre eux se sont plaints de ces conclusions « dégradantes ». Le PDG du Mondial, Nasser Al Khater, a lui dénoncé des accusations « sans fondement ».
En revanche, aucun doute possible à propos des fans tunisiens et marocains, les seuls à faire monter les décibels à peu près convenablement dans les environs. Mais de manière encore trop éparse pour pouvoir parler de ferveur. L’espoir de voir le spectacle grimper d’un cran n’est pas tout à fait mort. Mais le curseur se situe quelque part entre l’indulgence envers l’organisateur d’une fête qui ne commence jamais que le jour J, et l’inquiétude de voir des protagonistes habituels se faire désirer au Qatar.
Les Sud-Américains, qui nous avaient tenu en haleine avant le coup d’envoi de la grand-messe en Russie, sont pour le moment peu nombreux. Argentins et Mexicains viendront en nombre - ils font partie des plus gros détenteurs de tickets pour ce Mondial - mais pas en continu. Certains d’entre eux crécheront dans les pays voisins, et il faudra donc attendre les jours de matchs pour profiter de leurs talents de chauffeurs de salle.
Au pire, il restera les safaris dans le désert, à dos de dromadaire ou dans un 4x4, pour faire illusion. Et les sonos de bateaux amarrés dans la baie, jamais bien loin pour briser le calme ambiant. Il y aura, aussi, les concerts des Black Eyed Peas, d’Enrique Iglesias, de Maroon 5. Petit hic musical tout de même : Dua Lipa a refusé de chanter lors de la cérémonie d’ouverture. Comme quoi, l’argent n’achète pas tout. Enfin presque.