Trail : Baptiste Chassagne rêve de remporter la SaintéLyon, « course de cœur » de ce Lyonnais supporteur de l'ASSE
Hors-terrain Le plus stéphanois des traileurs lyonnais va participer pour la deuxième fois, dans la nuit du 3 au 4 décembre, à la doyenne des courses nature en France (78 km et 2.050 m de dénivelé positif)
- Un jeudi sur deux, dans sa rubrique « Hors-terrain », 20 Minutes explore de nouveaux espaces d’expression du sport, inattendus, insolites, astucieux ou en plein essor.
- Cette semaine, nous nous consacrons à la SaintéLyon, la doyenne des courses à pied nature, dont la 68e édition va se disputer dans la nuit du 3 au 4 décembre entre Saint-Etienne et Lyon.
- Extrêmement attaché aux deux villes, le traileur Baptiste Chassagne (29 ans) raconte ce que représente à ses yeux cette épreuve mythique de 78 km, qu’il espère remporter pour la première fois la semaine prochaine.
Le rêve éveillé de Baptiste Chassagne va-t-il se réaliser pour de bon, dans la nuit du 3 au 4 décembre ? Ce traileur lyonnais de 29 ans assure « penser chaque jour » à la SaintéLyon, terrible course nocturne de 78 km (2.050 m de dénivelé positif) partant de Saint-Etienne à 23h30 pour rejoindre Lyon, le plus souvent dans des conditions dantesques. « Le truc qui me fascine, c’est de voir qu’il s’agit de la 68e édition, souligne-t-il. Ça a un sens énorme d’être la doyenne des courses nature en France, comme Liège-Bastogne-Liège l’est en cyclisme. » Difficile de trouver meilleur symbole que Baptiste Chassagne pour incarner la forte identité de la SaintéLyon.
Celui-ci est né à Lyon et il y vit encore aujourd’hui. Le tout en se rendant très souvent à Saint-Etienne, ville dont ses parents et grands-parents sont originaires. Il est d’ailleurs la preuve qu’on peut avoir passé toute son enfance à Lyon… et supporteur l’ASSE. « Je sais que j’ai une tendance bipolaire car j’adore les deux villes, sourit Baptiste Chassagne. La véritable opposition, c’est entre l’OL et l’ASSE. Mon père m’a emmené à l’âge de 3 ans dans le Kop Nord de Geoffroy-Guichard, donc ça a vite développé en moi un univers magique autour du peuple vert. J’ai été abonné chez les Magic Fans pendant quasiment 20 ans. »
La découverte du trail via son professeur d’auto-école
Pour ponctuer le tout, c’est la découverte de la SaintéLyon qui l’a incité à se diriger vers le trail running, durant ses études en sciences politiques. Et ce par le biais de discussions avec Emmanuel Meyssat, son professeur d’auto-école à Vaugneray (Rhône) durant l’hiver 2015, et vice-champion de France de trail en quête d’un premier sacre sur la SaintéLyon (il remportera les éditions 2016 et 2017). « A l’époque, je ne faisais que du football en club, et dès qu’il m’a parlé de la SaintéLyon, ça m’a donné envie de courir en pleine nature, se souvient Baptiste Chassagne. Ça a clairement planté une petite graine en moi. » De « hobby » jusqu’en 2017, sa démarche devient « semi-professionnelle » en 2018, lorsqu’il rejoint le Team Sidas-Matryx.
Sans surprise, le plus stéphanois des Lyonnais s’est donc retrouvé avant cela parmi les 17.000 participants de la SaintéLyon en 2017, en relais. En 2018, il franchit un cap en remportant la SaintExpress (formule de « seulement » 44 km), avant de s’attaquer à son Graal en 2019. Sur le podium jusqu’à 400 m de l’arrivée, il finit l’épreuve quatrième pour sa première participation, en 6h04, à seulement dix minutes du vainqueur Cédric Fleureton. Proche de réaliser son rêve dès son premier essai, Baptiste Chassagne doit ensuite prendre son mal en patience, entre l’annulation de 2020 pour cause de Covid-19, puis une fracture de fatigue l’empêchant de prendre le départ l’an passé.
Depuis le début de ma carrière de traileur, il y a toujours eu en fil rouge la SaintéLyon. Je me suis retrouvé pris dans la féerie de cette course hypra populaire, et je me suis promis de la courir jusqu’à ce que je la gagne un jour. Je me sens chanceux d’avoir une course de cœur. J’en suis hyper proche mais elle se refuse un peu à moi.
Devant Mathieu Blanchard sur le Lavaredo
C’est pourquoi il compte « se réconcilier » avec elle la semaine prochaine, après s’être contenté en 2021 d’un rôle de bénévole sur un ravitaillement, de 5 à 10 heures du matin à Soucieu-en-Jarrest (Rhône). « On sait tous que Baptiste rêve de gagner sa course de cœur, confie Thomas Janichon, son manager au sein de la Team Sidas-Matryx. Il est aussi très proche des organisateurs, et il faut que tout cela lui permette d’avoir un supplément d’âme sur la SaintéLyon, et pas que ça l’inhibe. » Baptiste Chassagne sort en tout cas d’une grosse saison 2022, à l’image de sa quatrième place en mars sur la Transgrancanaria (126 km et 7.500 m de D +) en Espagne, tout comme en juin sur le Lavaredo (120 km et 5.800 m de D +) en Italie, devant Mathieu Blanchard (5e).
Enfin, il a obtenu en moins de 11 heures un autre Top 10 sur la CCC (100 km et 6.100 m de D +), l’une des courses majeures de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), en août à Chamonix. Le tout en finissant à chaque fois comme premier tricolore au classement. Des performances qui lui ont valu une première convocation en équipe de France de trail pour les championnats du monde, en novembre en Thaïlande.
« La nuit, on se sent plus animal »
Mais « cramé » par cette intense année 2022, Baptiste Chassagne a préféré décliner, pour se consacrer à cette nouvelle saison, qui débute donc à Saint-Etienne le 3 décembre, avec en ligne de mire les prochains Mondiaux en Autriche en juin 2023. Il revient sur la spécificité de la SaintéLyon, moins prestigieuse et redoutable a priori que ses trois plus gros défis de la saison précédente.
Il y a beaucoup de coureurs élite qui ne vont pas au bout de cette course. Ce sont souvent des gars de la montagne qui se disent que la SaintéLyon, c’est la campagne et c’est tout plat. La nuit, on se sent plus animal et plus vulnérable. Ce n’est pas le meilleur coureur qui gagne la SaintéLyon mais celui qui a une motivation de dingue, et qui gère le mieux la profonde solitude. Car si tu ne sais pas pourquoi tu es là, quand tu arrives à Sainte-Catherine après 4 heures à courir seul de nuit sous la neige, je comprends que tu bâches.
Sainte-Catherine ? Non, on ne parle pas de la mythique rue à bars, en bas des pentes de la Croix-Rousse (Lyon 1er), si prisée des étudiants (et même de Mick Jagger), mais d’un village des Monts du Lyonnais où une nuit de décembre rime souvent avec air glacial, verglas, voire neige pour ses éditions les plus extrêmes. Un terrain de jeu idéal pour notre habitué de ces sentiers, qui s’entraîne environ 20 heures par semaine, en parallèle de son activité professionnelle à la tête de l'agence de communication 40 BPM. Quelle est finalement la marge de progression du traileur de 29 ans, dont la « démarche de haut niveau » est récente ?
Un podium sur l’UTMB d’ici 2025 ?
« Baptiste ne court que depuis six ans, et on a du mal à saisir ses limites, explique Thomas Janichon. Il n’est pas passé par l’athlétisme. Ce n’est pas un talent brut mais un besogneux. » Et donc un coureur destiné à s’épanouir dans l’ultra-trail, à en croire sa saison 2022 et les propos de son manager : « Il tient des valeurs hautes de course très longtemps. Sur la CCC, il monte par exemple trois bosses de 1.000 m de dénivelé positif à la même vitesse après 80 km d’épreuve qu’au 20e km. » L’intéressé est en phase avec cette évolution de carrière vers l’ultra : « Mes qualités se révèlent sur les longues distances, quand la course devient une vraie partie d’échecs. Là, j’ai encore un cap à franchir pour passer de 14 heures d’effort à 20 heures. Mais je me fixe trois ans pour obtenir un podium sur l’UTMB [171 km]. »
Un life goal d’ultra-traileur incroyable, sans commune mesure avec la perspective de rallier en premier la Halle Tony-Garnier, le 4 décembre au petit matin. « La SaintéLyon est loin d’avoir l’aura de l’UTMB, mais la remporter serait vraiment une consécration pour moi, conclut Baptiste Chassagne. Gagner un UTMB change une vie, mais gagner une SaintéLyon, ça change la vie d’un Lyonnais… »