Ultra-trail : IRM en série, capteur de glycémie... Des coureurs de l’Ut4M soutenus par la science
SANTE L’Ultra tour des 4 Massifs (de 20 à 172 km), qui se déroule de jeudi à dimanche autour de Grenoble, a lancé en 2018 une étude très complète afin d’en savoir plus sur les conséquences d’un tel trail sur les organismes des coureurs
- L’Ut4M (ultra tour des 4 Massifs) va se dérouler de jeudi à dimanche autour de Grenoble, avec au total 12 épreuves attirant 5.200 passionnés de trail.
- L’une des spécificités de cette épreuve est de se pencher précisément, depuis 2018, sur les conséquences de pareils trails (de 20 à 172 km selon la formule choisie) sur la santé des coureurs.
- Cette année, 40 participants effectuent ainsi trois IRM à Grenoble, avant et après la course, tout en portant un capteur de glycémie durant toute la semaine.
Vercors, Taillefer, Belledonne et Chartreuse. Ces quatre massifs entourant Grenoble seront autant d’étapes, de jeudi à dimanche, pour boucler les 172 km (11.330 m de dénivelé positif) de l’Ultra tour des 4 Massifs dans sa version Challenge. Après deux ans d’absence, l’Ut4M est de retour avec 5.200 inscrits sur 12 épreuves, mais aussi avec une étonnante initiative. Pour la première fois au monde, les équipes du laboratoire Grandeur nature Ut4M déploient d’importants moyens afin d’étudier la santé articulaire des coureurs et la régulation de leur glycémie lors d’un trail.
Ce projet est né en 2018, dans le cadre d’un partenariat avec le laboratoire HP2 de l’université Grenoble Alpes (Inserm) et l’unité sports pathologies du CHU Grenoble Alpes. 550 participants ont répondu depuis trois ans à un questionnaire de la plateforme de recherche et d’innovation autour du trail, tant sur leur pratique que leurs habitudes nutritionnelles et leur santé, que ce soit avant d’entamer une portion de 20 km ou de tenter le redoutable Xtrem et ses 172 bornes enchaînées.
L’ultra pas si éreintant pour les organismes ?
« Les objectifs de cette étude sont d’améliorer le bien-être des traileurs et leurs performances, de prévenir les blessures et certains problèmes de santé, et de diminuer le pourcentage d’abandons », résume Samuel Vergès, docteur en physiologie et directeur de recherche au laboratoire HP2 de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Avec l’aide de 80 volontaires, celui-ci a pu mener, il y a trois ans, une étude précise concernant la fatigue musculaire des participants, en fonction des distances de courses choisies.
« On a pu se rendre compte que les coureurs du format ultra [172 km] n’étaient pas quatre fois plus fatigués que ceux ayant choisi un 40 km, indique-t-il. Ils savent réguler leur tempo et leur fatigue se révèle finalement plus cérébrale que musculaire au bout d’une si longue épreuve. » Un constat qui a capté l’attention de Sébastien Accarier, organisateur de cette course qu’il a fondée en 2013 autour de Grenoble : « Découvrir que les temps de récupération peuvent être plus longs pour des coureurs ayant opté pour un format "court" que pour des ultra-traileurs m’a vraiment surpris. Ça s’explique par le fait qu’ils visent davantage des performances de chrono ».
« Je suis curieux d’en apprendre davantage sur moi-même »
À l’aide d’un nouveau panel de 40 coureurs, à la fois sur 40 et sur 172 km, l’organisation de l’Ut4M va remettre ça sur cette édition. « Des études aussi complètes sont rares dans le monde, estime Sébastien Accarier. On a l’avantage d’être proches de structures médicales, car beaucoup de courses de trail ont lieu au fin fond des montagnes. Là, les coureurs se mobilisent, ils ont envie de nous aider tout en essayant de mieux comprendre leurs axes de progression potentiels ».
C’est le cas du Grenoblois François Devaux (35 ans), qui va participer vendredi à son premier Xtrem (172 km d’une traite), après avoir déjà bouclé le Challenge de l’Ut4M (la même distance en quatre jours). « Participer à ce programme ajoute une utilité à mes défis débiles, sourit cet ultra-traileur. Je suis curieux d’en apprendre davantage sur moi-même grâce à ce regard scientifique. »
« Peut-être vais-je découvrir des incidences sur mon genou… »
Grâce à l’Ut4M, il a effectué une IRM de son genou droit il y a deux semaines, et va en enchaîner deux autres, d’abord dans les deux heures qui suivent l’arrivée de l’Xtrem, puis un mois plus tard. « Je cours dans l’illusion d’une pratique saine et non dommageable pour mon corps, confie cet architecte en systèmes informatiques. J’essaie d’avoir une foulée soignée mais peut-être vais-je découvrir des incidences sur mon genou… »
Les études 2021 ne s’arrêtent pas à l’impact du trail sur la santé articulaire des coureurs : François Devaux porte un capteur de glycémie depuis lundi, pour constater sa régulation durant l’Ut4M. « Là aussi, je vais savoir si je fonctionne de la bonne manière sur un ultra, ou si je me mets dans le rouge au niveau de l’alimentation », poursuit l’intéressé, suivi médicalement comme un athlète professionnel, pour la première fois de sa vie. Samuel Vergès confirme :
Ce sont des opportunités de recherches assez uniques pour ces coureurs amateurs. Le trail est une discipline qui se démocratise et qui est désormais un vrai enjeu de santé publique. Il n’est plus vu comme un sport de l’extrême. »
Pour le chercheur de l’Inserm, il n’est pas évident que le trail, avec ses dénivelés conséquents et ses sentiers caillouteux voire chaotiques, soit plus délicat pour les organismes qu’un marathon urbain : « Allonger sa foulée sur du goudron peut être tout aussi traumatisant ».
Un constat clair s’impose néanmoins avec cette nouvelle étude lancée par l’Ut4M, à écouter Samuel Vergès : « On prend beaucoup moins de risques pour sa santé en faisant du trail qu’en restant dans son canapé accompagné de cigarettes et de bières ». Désolé de casser l’ambiance, amis lecteurs.