PSG-Manchester City : « Je lui en veux toujours », est-ce que cette histoire de 3-5-2 va poursuivre Laurent Blanc toute sa vie ?

FOOTBALL Les retrouvailles entre les deux équipes font remonter à la surface le souvenir du quart de finale retour 2016, marquée par un choix tactique discutable de l’ancien entraîneur parisien

Julien Laloye
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Laurent Blanc, lors du fameux matchs à City en 2016.
Laurent Blanc, lors du fameux matchs à City en 2016. — SIPANY/SIPA
  • Manchester City et le PSG se retrouvent cinq ans après un quart de finale qui avait vu les Citizens éliminer la bande de Laurent Blanc (2-2, 1-0).
  • L'entraîneur parisien de l'époque avait utilisé un schéma tactique inédit en 3-5-2 qui avait (en partie) provoqué son éviction dans les semaines suivantes.
  • Ce choix continue d'être reproché au Président cinq ans après, alors que l'élimination peut s'expliquer par d'autres raisons avec le recul.

Depuis le Qatar, où il gère la destinée d’Al-Rayyan dans l’anonymat le plus complet, Laurent Blanc trouvera sûrement le temps de se poser sur son canapé en poils d’Oryx d’Arabie devant PSG-City. Peut-être avec un petit cognac à la main, s’il a réussi à importer de l’alcool sous le nez de la douane locale, et une pointe d’amertume dans ses pensées vagabondes. « Mais pourquoi est-ce que j’ai tenté ce 3-5-2 foireux qui a ruiné ma carrière d’entraîneur au plus haut niveau alors que j’étais le roi de Paname ? »

On exagère un peu, puisque le golf y est aussi sûrement pour quelque chose dans ces nombreux entretiens qui n’ont jamais donné suite, mais souvenez-vous ce quart de finale retour 2016 (2-2 à l’aller au Parc). Souvenez-vous ces commentaires accablants, ces railleries médiatiques, ces quolibets immédiats, pour avoir osé déroger à son 4-3-3 de toute la vie, un Matuidi et au lit ? Le tour des popotes nous conduit directement à cette punchline de Geoffroy Garétier, notre confrère de Canal : « Si on parle de tactique, ce 3-5-2 est le plus grand fiasco de l’histoire du football français ». Rien que ça.

Nous-même, à 20 Minutes, avions publié à chaud un papier titré « Laurent Blanc, t’as vraiment mérité d’être viré » de la part de notre envoyé spécial à Londres, avant de le retoquer le lendemain, le temps que les esprits fassent un petit tour dans la glacière. Trop tard, le fameux 3-5-2 de Laurent Blanc était associé pour la vie à la débâcle de City. Cinq ans après, la justice a eu le temps de faire son travail. Confirme-t-elle en appel la radiation à vie de Lolo White d’un banc de touche qui compte ? 20 Minutes rappelle les faits.

Déjà, est-ce que c’était vraiment un 3-5-2 ?

C’est un détail dans l’argumentation, mais autant être précis. Paris a évolué ce soir-là au coup d’envoi dans une sorte de 3-4-3 hybride avec un Di Maria davantage au soutien duo Cavani-Ibra qu’en position de troisième relayeur comme au Real Madrid. On note la présence de Serge Aurier en stoppeur droit, qui fera beaucoup parler après coup (on y reviendra).



» Pourquoi Blanc a fait ce choix-là ?

Parce que Verratti est blessé, pour changer, et que Matuidi est suspendu, ainsi que David Luiz, que Blanc avait fait monter d’un cran l’année d’avant contre Chelsea un jour de vache maigre au milieu. Ne restent plus ce soir-là que Rabiot et Motta en milieux de formation sur le papier (et Stambouli, mais bon…).

« Les gens ne se rappellent pas pourquoi il avait changé de système ce jour-là, regrettait récemment l’ancien adjoint Jean-Louis Gasset dans L’Equipe. Sur 200 matchs, Laurent a dû coacher 199 matchs en 4-3-3 et on dit qu’il a changé de système pour ce match-là comme si une lubie lui était venue dans la nuit… C’est l’effectif qui faisait qu’on n’avait plus de milieux… »

» Est-ce qu’il ne l’avait jamais testé à l’entraînement ?

Alors que l’indice de cette compo iconoclaste a fuité la veille du match, les supporters parisiens se rassurent en se disant que le staff a fait le boulot à l’entraînement pour mettre les joueurs en condition de match. Une thèse démontée par Zlatan dès le coup de sifflet : « Nous avons mis en place une tactique que nous n’avions jamais testée. […] Nous avons mieux joué lorsque nous avons retrouvé notre tactique habituelle. »

Laurent Blanc a beau tenter d’éteindre l’incendie deux jours après – « En compétition, ils ne l’ont jamais testé, mais Ils l’ont travaillé dimanche matin [à l’arrêt, avec explications du coach à la clé]. J’étais convaincu que ce système pouvait nous rendre plus solides défensivement » –, le récit d’une improvisation qui tourne mal s’est imposé partout.

» Combien de temps il a duré ? 43 minutes

Blanc toujours : « On a changé de système à la 44e minute, et on était toujours à 0-0 ». Motta lâché par sa roue de secours, le staff envoie Lucas au feu et repasse dans la configuration habituelle du PSG de l’époque avec Marquinhos en sentinelle. Pour une amélioration proche du néant. Deux buts refusés justement, et une impuissance de plus en plus grande jusqu’à la frappe sublime de De Bruyne. Paris se fait donc éliminer en 4-3-3 et attendra quatre ans avant de revoir les quarts de finale de C1, avec les drames que l’on sait

Petit coup de fil à Geoffroy Garétier pour le fun. Des regrets d’avoir sorti pareille formule à l’antenne ? « Vous savez comment ça marche, sourit-il, parfois vous avez l’envie de faire une punchline au moins autant que de décrypter les choses en profondeur ». Il se rétracte en partie : « Aujourd’hui je dirais que Laurent s’est planté, mais pour d’autres raisons ». Sur Le 3-5-2, bien sûr, « parce que Blanc et son immuable 4-3-3 n’était pas un entraîneur qui incarnait la souplesse tactique comme un Klopp ou un Guardiola, qui inculquent à leurs joueurs plusieurs systèmes pour en changer ren cours de match ». Mais surtout, sur le cas Aurier.

L’affaire du Périscope rappelle des souvenirs à tout le monde ? Le latéral ivoirien qui se paie ses équipiers et son coach sur les rézo – « il est guez » – avant d’être suspendu puis absous par Nasser Al-Khelaïfi en personne, présent en tribunes à Poissy pour sa reprise en CFA. « Un crime conte le vestiaire qu’on n’a pas condamné jusqu’au bout, regrette Jérôme, un fan parisien de longue date. Soit on le sanctionnait financièrement, soit sportivement, mais là on le réintègre après un mois sans jouer pour le match le plus important de la saison tout en désavouant le coach ? »

Laurent Blanc et Serge Aurier au Camp des Loges, en 2016.
Laurent Blanc et Serge Aurier au Camp des Loges, en 2016. - FRANCK FIFE / AFP

L’affaire Aurier, bien plus plombante que le 3-5-2

Car ce bon Serge Aurier est titularisé dès le match aller contre City, au cours duquel il peine évidemment à exister. Sa prestation explique en partie le match nul concédé par le PSG, alors que la qualif aurait dû être pliée en une demi-heure si Zlatan n’avait pas décidé de saborder un penalty et un face-à-face tout cuit. Le Suédois aurait d’ailleurs pu ou dû être désigné grand coupable de l’élimination et guillotiné place de grève, mais voilà, le 3-5-2 a tout balayé dans les mémoires.

Jouer en 3-5-2 à City, ça ne me paraît pas une aberration au départ, se souvient Jérôme. Mais le match commence, et on se rend compte que les joueurs n’ont pas assez travaillé ce dispositif parce qu’on prend la marée. A l’époque, on n’aime ou on n’aime pas, mais il y a une patte Laurent Blanc, un leu léché, des redoublements de passes, et là tout se délite. Je lui en veux toujours parce que je me suis dit que Blanc avait voulu tenter ce coup pour pouvoir dire "toute la gloire est pour moi" en cas de qualification ».

Un coup foireux, donc, avec un Aurier encore plus cataclysmique qu’à l’aller. D’abord une mauvaise passe qui envoie Aguero seul au but (il ratera le penalty), et une autre qui entraînera la blessure de Motta, donc le retour au dispositif habituel. Blanc avait-il le choix, après la scène du grand pardon jouée par NAK ? « Il ne doit jamais le faire jouer même s’il est sous pression parce qu’il sent qu’un truc lui échappe », juge Garétier, qui fait le rapprochement avec le 4-5-1 sorti du chapeau par Laurent Blanc contre l’Espagne à l’Euro 2012. Un renoncement à ses principes le jour J et un manque d’autorité qui ont condamné définitivement l’ancien sélectionneur dans les esprits. A commencer par le sien ? Ça se joue sur un canapé à Doha, et on n’en saura rien.