Coupe du monde de rugby : Le Japon a-t-il encore du gaz pour pousser le rêve un peu plus loin ?

RUGBY Qualifié pour la première fois pour les quarts et hissé au rang inédit de 7e mondial, le Japon se prépare à un match difficile contre les Springboks dimanche

Mathias Cena
— 
Les Brave Blossoms à l'entraînement à Tokyo, le 16 octobre 2019.
Les Brave Blossoms à l'entraînement à Tokyo, le 16 octobre 2019. — M.CENA / 20 MINUTES

De notre correspondant à Tokyo (Japon),

Une surprise pour le monde entier, et un saut dans l’inconnu pour le rugby japonais. Après leur brillante campagne de poules, jalonnée de victoires inattendues contre l’Irlande (19-12) puis l’Ecosse (28-21), les Brave Blossoms ont déjà réécrit leur histoire en assurant leur présence, pour la toute première fois, en quarts de finale de la Coupe du monde.

En plus d’une starification quasi instantanée pour ces hommes dont la majorité du public japonais ignorait les noms il y a encore un mois, l’équipe emmenée par le coach néo-zélandais Jamie Joseph a déjà imprimé sa marque dans le monde de l’ovalie en se hissant au septième rang mondial, là aussi une première. L’objectif des quarts, fixé avant la Coupe, étant désormais atteint, les Blossoms seront dimanche face à deux tâches extrêmement difficiles : battre les Springboks et résister à la tentation de se reposer sur leurs lauriers.

« On n’y va pas juste pour faire un bon match et perdre à la fin »

« On est désormais entrés dans l’histoire mais c’est ce qui nous attend ensuite qui est important », note le capitaine Michael Leitch, « visage » de l’équipe, qui ne peut maintenant officiellement plus sortir de l’hôtel pour boire un café tranquille sans être assailli par les fans. Atteindre les quarts, « ce n’est pas notre but. Gagner le prochain match, c’est ça l’objectif. Puis le suivant, et encore le suivant. On veut marquer encore plus l’histoire du Japon. »

Pour prendre du recul, le capitaine, arrivé de Nouvelle-Zélande à l’âge de 15 ans et depuis naturalisé japonais, avait prévu de rencontrer d’anciennes stars des All-Blacks pour discuter de leur expérience de winners. Il a aussi pu échanger avec le capitaine de l’équipe japonaise de football, qui à la Coupe du monde de 2002 avait également marqué l’histoire en dépassant le stade des poules. « Ce qu’il m’a dit, c’est qu’ils pensaient avoir atteint leurs objectifs, et ils ont fêté ça jusqu’au début de la semaine suivante ». Avant de se faire sèchement sortir par la Turquie.

Au soir de la victoire contre l’Ecosse, Leitch avait déjà prévenu d’un changement important de mentalité dans l’équipe pour aborder les quarts : 

« On n’y va pas juste pour faire un bon match et perdre à la fin. On sera là pour gagner. » Ce leitmotiv qui tombe désormais sous le sens n’était pas une évidence il y a quelques années. Eddie Jones, le coach qui a mené les Brave Blossoms à leur victoire surprise contre l’Afrique du Sud au Mondial 2015, s’était à l’époque battu contre « l’état d’esprit de l’équipe japonaise, qui était heureuse d’"essayer" et de perdre. S’ils étaient battus 50-25, tout le monde applaudissait et souriait parce que la défaite était acceptable. »

Les Brave Blossoms à l'entraînement à Tokyo mercredi

Une condition physique optimale

Quatre ans après le « miracle de Brighton », le dernier affrontement avec les Springboks, début septembre, n’avait pas vraiment tourné à l’avantage des Japonais, calmés 41-7. « C’était il y a cinq semaines, donc beaucoup de choses ont changé depuis », relativise le deuxième ligne Uwe Helu. « On a appris de ce match qu’attaquer individuellement est juste un gâchis d’énergie, face à leur puissance physique. Au final on n’a pas pu jouer pendant 80 minutes, et c’est pour ça qu’on s’est fait dépasser au score. Mais on est beaucoup plus en confiance maintenant, après nos quatre victoires en poule. »

Les Brave Blossoms à l'entraînement à Tokyo, le 17 octobre 2019.
Les Brave Blossoms à l'entraînement à Tokyo, le 17 octobre 2019. - Masahiro Sugimoto/AP/SIPA

Le mot d’ordre donc, sera de rester groupés, et « de ne pas dévier de notre plan de jeu », complète le demi de mêlée Kaito Shigeno. Face à la puissance sud-africaine, les Blossoms ont confiance en leur atout pour prendre l’adversaire de vitesse : une condition physique optimale, affûtée par 240 jours d’entraînements harassants sous la houlette de leur exigeant coach. « On n’arrête jamais de courir à l’entraînement. On a progressé sur le plan technique mais on a aussi tous ces kilomètres accumulés en réserve », pense l’arrière Ryohei Yamanaka.

L’Afrique du Sud, supérieure sur le papier, est malgré tout consciente du challenge qui l’attend, et son coach laissait échapper fin septembre que la possibilité de se retrouver sur la route du Japon « était un peu effrayante ». L’entraîneur des Ecossais, dernière victime des Blossoms dimanche dernier, prédit 80 minutes « difficiles pour l’Afrique du Sud. Ce sera un match très serré. »