Motchus, le « Motus » marseillais qui affole les réseaux sociaux et les politiques
JEUX La déclinaison marseillaise du célèbre jeu de télévision rencontre en quelques jours de création un engouement inédit auprès des twittos… et des politiques marseillais
- Deux Marseillais ont créé Motchus, la déclinaison marseillaise du célèbre jeu Motus.
- Lancé il y a quinze jours, le jeu cartonne sur Twitter.
« On me dit que même Rubirola a twitté et joué à Motchus ! C’est fou, on est en pleine crise des déchets à Marseille, et elle parle de Motchus ! » Dans son bureau, à la faculté des arts, des lettres, des langues et des sciences humaines d'Aix-en-Provence, Médéric Gasquet-Cyrus n’en revient pas. Même l’ancienne maire de Marseille, aujourd’hui première adjointe, a attrapé le virus de ce qui était à la base une « galéjade », devenu un véritable phénomène qui affole Twitter.
Il y a seulement quinze jours, l’enseignant-chercheur, connu notamment du grand public pour ses chroniques sur le parler marseillais sur France Bleu Provence, a eu une idée. Pourquoi ne pas créer une version marseillaise du célèbre jeu de télévision, connu pour ses boules noires et jaunes ? « J’ai vu d’abord passé sur Twitter Sutom, ce jeu en ligne qui reprenait Motus, raconte Médéric Gasquet-Cyrus. Un collègue m’a ensuite dit qu’il avait rentré un mot marseillais et que ça ne marchait pas ! Ce n’était pas dans le dictionnaire du jeu. »
Un jeu conçu en une journée
Nous sommes le 19 janvier. Il est 19h13. Médéric Gasquet-Cyrus, alias@MedericGC, très actif dans la twittosphère marseillaise, décide de contacter en message privé un autre twitto très actif de cette même twittosphère, Ze Bobs, alias@ze_armavi. « Y’a pas moyen d’ajouter à Sutom des mots marseillais ? », demande le linguiste.
Médéric Gasquet-Cyrus n’a jamais rencontré de sa vie Denis Beaubiat, professeur de mathématiques au lycée Diderot de Marseille le jour, codeur fou la nuit, à l’origine notamment d’un outil indiquant en temps réel si la L2, la rocade marseillaise, est embouteillée. Mais tous deux, visiblement, aiment bien rire, et l’idée de créer ce « Motchus » les séduit. Denis Beaubiat commence dans l’heure à décrypter le fonctionnement du jeu, le créateur du Sutom ayant accepté qu’il adapte le code, ouvert à tous, à leur projet « tarpin » drôle.
Des mots de six à neuf lettres
Vers 20 heures, Médéric Gasquet-Cyrus envoie à Denis Beaubiat une liste de 500 mots marseillais, de six à neuf lettres. « Je n'ai pas pris des mots trop connus, comme sardinade, qui est rentré dans la langue française courante, ni des mots trop rares, comme porteris, qui désigne les porteuses qui travaillaient autrefois sur les marchés de Marseille », détaille le chercheur.
A 21 heures naît la première version test de Motchus, dont le nom intègre ce petit son si caractéristique de l’accent marseillais « Le français, ce n’est pas que celui qu’on trouve dans le dictionnaire, argue Médéric Gasquet-Cyrus. Des mots comme dégun ou peuchère sont totalement intégrés dans la langue, aujourd’hui. Alors pourquoi on ne trouverait pas ces mots marseillais dans le dictionnaire de Motus ? »
Faire connaître la langue
Le lendemain, le jeu est en ligne. Les internautes ont six coups pour trouver le mot du jour. Et depuis, c’est le « cartchon » sur Twitter. Nombreux sont ceux qui, à l’image de Michèle Rubirola, partagent quotidiennement leur score, sous forme de petite mosaïque colorée. « On a enregistré ce jeudi plus de 5.200 connexions sur notre site, se réjouit Médéric Gasquet-Cyrus. Et on constate même un pic de connexion entre minuit et une heure du matin, quand on met le nouveau mot en ligne ! On a vraiment des accros à Motchus. » Le linguiste raconte, dans un sourire, qu’il reçoit quotidiennement des messages de joueurs lui suppliant d’avoir des indices, ou pestant face à la difficulté du mot, de l’internaute lambda à ses collègues, en passant par le directeur de l’université d’Aix-Marseille, Eric Berton… et sa propre mère.
A ce jour, Médéric Gasquet-Cyrus a étoffé sa liste, aujourd’hui de 731 mots, soit plus de deux ans de jeu possible. Depuis peu, avec l’aide de Denis Beaubiat, la définition du mot de la veille apparaît en bas de page, afin de permettre à tout le monde d’étoffer sa connaissance de la langue marseillaise. « Ce qui me plaît, c’est de permettre de rendre tout ceci accessible », s’amuse le chercheur.
Ce mercredi ainsi, Motchus avait mis à l’honneur le mot « filade ». « Ça veut dire bagarre, détaille Médéric Gasquet-Cyrus. Ça vient de filer, qui désigne quand il y a des coups. Comme dans le Mia d’IAM : "Je vais te filer derrière les cyprès." » L’enseignant-chercheur a par ailleurs décidé d’adapter les mots en fonction du jour de la semaine la semaine : les plus difficiles pour le week-end, les plus faciles pour le lundi matin… « Ce Motchus, c’est une connerie que je prends au sérieux ! », s’amuse-t-il. Méfi !