Fusion Stade Français-Racing: «C'est un véritable séisme» pour Thomas Lombard
INTERVIEW Le consultant Canal+ et ancien joueur des deux clubs ne comprend pas...
Lui non plus ne savait rien. Pourtant ancien joueur du Racing et du Stade Français ainsi que consultant pour Canal +, Thomas Lombard est tombé de la commode en apprenant la fusion. Pour l’ancien centre international, ce rapprochement est un « véritable séisme » qui risque de signifier la mort d’un des deux clubs.
Comment réagissez-vous après l’annonce de la fusion entre le Stade Français et le Racing 92 ?
C’est une énorme surprise, un véritable séisme. Déjà, je félicite les deux présidents qui ont réussi à garder une information de cette envergure secrète aussi longtemps. Généralement ce sont des trucs qui fuitent dans la presse qu’on le veuille ou non. C’est un choc de voir deux mastodontes du sport français – car ça va au-delà du simple paysage du rugby – qui décident comme ça de fusionner. C’est quelque chose qui interpelle. Ce sont là deux des plus grosses fortunes du rugby français. Et puis ce qui est notable, c’est que cette fusion semble s’être décidée en concertation. D’habitude dans ce genre de cas, quand il y a fusion, c’est que l’une ou l’autre des deux parties est en grande difficulté sportive ou financière. Or là ce n’est pas le cas. Une fois qu’on a dit ça, ça pose aussi tout un tas de questions.
Et les joueurs dans tout ça ?
Visiblement ils n’ont même pas été informés au préalable. Ça risque de beaucoup faire parler. Et puis on sait pertinemment que quand on parle de fusion, on englobe aussi le terme absorption. Si on regarde l’histoire des dernières fusions dans le rugby en France, fusions qui concernent d’ailleurs ces deux clubs, on se rend compte qu’à chaque fois il y a un club qui a mangé l’autre. Quand le Stade Français a fusionné avec le CASG, qu’est-ce qui s’est passé à terme ? Le CASG a disparu. Quand le Racing a fusionné avec l’US Métro, l’US Métro a disparu. Que va-t-il se passer cette fois ? Surtout qu’on parle là de deux clubs qui ont une histoire colossale. On parle de valeurs, on parle de patrimoine, on parle d’héritage, et s’il y en a un des deux qui disparaît et qu’il devient simplement bon à ranger dans le coin des souvenirs, ça risque de ne pas plaire à tout le monde.
D’autant que le calendrier de l’annonce, en plein milieu de la saison, semble surprenant…
Oui. Imaginons un seul instant que la qualification pour l’Europe (plus pour le Racing que pour le Stade Français vu le classement actuel des deux équipes) se joue lors du derby entre les deux équipes qui aura lieu dans quelques semaines. Euh… en termes d’éthique sportive, comment on fait ? Si le Stade Français gagne il prive le Racing d’une place en coupe d’Europe, mais il se prive aussi lui-même avec cette fusion. C’est très ennuyeux. Derrière, il y a aussi le débat juridique. Aujourd’hui, un club existe grâce à son numéro d’affiliation ; numéro qui est détenu par les associations. Est-ce que les associations du Racing et du Stade Français ont été concertées ? Sont-elles d’accord pour envisager cette fusion ? Je n’ai pas la réponse mais je crois savoir qu’ils ne sont pas tout à fait heureux de cette annonce.
Jusqu’ici, les réactions des supporters semblent plutôt négatives. Ça ne vous surprend pas ?
Non, tout le monde est vent debout parce qu’ils n’ont pas été concertés, ils apprennent ça par voie de presse ou par communiqué…
Certaines associations de supporters parlent d’un rugby-business qui se moque de l’histoire des clubs…
Mais c’est tout à fait ça. De toute façon aujourd’hui c’est un problème sociétal. De plus en plus d’entités fusionnent ou se font absorber, que ce soit dans le monde des médias, de l’industrie, etc. Partout on construit de grands groupes et cette histoire de fusion est dans la même logique. Or ce n’est pas forcément dans ces valeurs-là que le rugby se retrouve aujourd’hui. Ce n’est en tout cas pas comme ça qu’il communique.