West Ham-OL : Très marqué par la guerre en Ukraine qu’il a dû fuir, Mateus Tetê est « prêt à voler sur le terrain »

RENAISSANCE La recrue brésilienne de l’OL, qui vient d’inscrire son premier but contre Angers (3-2) dimanche, est « soulagé de pouvoir revivre de sa passion », alors que se présente ce jeudi (21 heures) le quart de finale aller de Ligue Europa à West Ham

Jérémy Laugier
— 
Mateus Tetê, ici félicité par Malo Gusto, n'a attendu que deux minutes et trois ballons pour signer le but de la victoire lyonnaise, dimanche contre Angers (3-2).
Mateus Tetê, ici félicité par Malo Gusto, n'a attendu que deux minutes et trois ballons pour signer le but de la victoire lyonnaise, dimanche contre Angers (3-2). — OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP
  • L’OL va affronter West Ham, ce jeudi (21 heures) au stade olympique de Londres, en quart de finale aller de Ligue Europa.
  • Les Lyonnais viennent d’enregistrer le renfort la semaine passée de Mateus Tetê, ailier brésilien appartenant au Shakhtar Donetsk et ayant dû fuir la guerre en Ukraine.
  • Buteur dès sa première apparition, dimanche contre Angers (3-2), le prometteur gaucher de 22 ans annonce déjà « vouloir marquer l’histoire de l’OL ».

De notre envoyé spécial à Londres,

Dès son troisième ballon touché, deux minutes après son entrée en jeu, Mateus Tetê a montré dimanche contre Angers (3-2) un aperçu du « pied gauche magique » que loue Claudio Caçapa. L’adjoint de Peter Bosz, qui avait déjà pu entraîner son jeune compatriote dans la sélection U15 du Brésil, est bien placé pour savoir à quel point ce renfort printanier est tombé du ciel pour un OL loin du compte en Ligue 1 (9e). Qualifié pour le quart de finale aller de Ligue Europa, ce jeudi (21 heures) à West Ham, l’ailier de 22 ans compte bien une nouvelle fois dynamiter l’attaque lyonnaise en fin de rencontre.


On en oublierait presque déjà qu’on a face à nous un joueur dont le dernier match remontait au 11 décembre (à Oleksandria) car la 18e journée du championnat ukrainien, programmée le 26 février, n’aura jamais lieu. Un joueur qui n’avait pas connu le moindre entraînement collectif durant cinq semaines, avant de débarquer à Lyon le 31 mars, aux côtés de son agent et de l’ancien attaquant du Mans Tulio de Melo, qui a participé à sa venue. Et surtout un jeune homme ayant dû quitter au pied levé le Shakhtar Donetsk (basé à Kiev en raison de la guerre du Donbass de 2014), où il évoluait depuis 2019, en raison de l’invasion de l’Ukraine.

En tout, 26 Brésiliens (joueurs et proches) ont quitté Kiev pour rejoindre leur pays

« C’est une situation compliquée, mais à partir du moment où je suis arrivé à Lyon, ma tête est à 100 % tournée vers le football, a indiqué l’intéressé dans un entretien à OL Play. C’est ce que j’aime faire plus que tout. » Ses compatriotes du Shakhtar, ainsi que ceux du Dynamo, regroupés à l’hôtel Opéra de Kiev, ont posté le 24 février sur les réseaux sociaux une vidéo pour réclamer de l’aide aux autorités brésiliennes, afin de rejoindre leur pays. La Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels (FIFPRO), indique à 20 Minutes avoir aidé en tout 26 Brésiliens (les joueurs et leur famille) à y parvenir en quelques jours, par le biais d’un train pour rejoindre Lviv, puis d’un autre pour se rendre en Roumanie, avant des vols jusqu’à Sao Paulo.

En arrivant le 1er mars à l'aéroport de Sao Paulo, le joueur brésilien du Shakhtar Dodo, coéquipier de Tetê ayant lui aussi dû fuir la guerre en Ukraine, est ravi de retrouver ses proches.
En arrivant le 1er mars à l'aéroport de Sao Paulo, le joueur brésilien du Shakhtar Dodo, coéquipier de Tetê ayant lui aussi dû fuir la guerre en Ukraine, est ravi de retrouver ses proches. - Andre Penner/AP/SIPA

Pendant ce temps-là, Mateus Tetê, qui ne comptait pas rentrer au Brésil, avait déjà filé de Kiev par ses propres moyens. « Dès le premier jour du conflit, avec son agent Pablo Bueno et ses proches qui vivaient à Kiev, ils ont été très réactifs en se disant qu’ils ne pourraient pas s’échapper par avion, explique Isabelle Dias, traductrice et intendante de l’OL depuis plus de 20 ans. Ils sont donc allés faire le plein d’essence et ils sont partis en voitures en direction de la frontière polonaise. » D’après Franck Henouda, agent français basé à Porto Alegre à l’origine de cette connexion si spéciale entre le Shakhtar et le Brésil, « ils ont mis 22 heures à parcourir 5 km tant les routes étaient bouchées pour quitter le pays ».

L’épouse de Tetê est ukrainienne

Proche de tous les joueurs brésiliens passés par l’OL depuis une vingtaine d’années, Isabelle Dias reconnaît « y aller à tâtons » sur le sujet avec Mateus Tetê tant elle le sent « très touché » par l’invasion russe en Ukraine. Car davantage que la plupart des joueurs brésiliens débarquant au Shakhtar depuis plus de 20 ans, le prometteur gaucher a noué « des liens forts » au cours de sa première expérience loin de l’Amérique du Sud. A commencer par la rencontre de son épouse, qui est ukrainienne.

« J’ai dû faire venir une trentaine de Brésiliens en 20 ans au Shakhtar, et c’est la première fois que l’un d’entre eux se marie avec une Ukrainienne, raconte Franck Henouda. C’est certain que ce n’est pas une destination qu’il va oublier comme ça. Sa belle-famille y vit, c’est son deuxième chez lui maintenant. » Si bien que durant ses cinq semaines à s’entretenir physiquement, tout en résidant dans un hôtel de Varsovie avec ses proches, Mateus Tetê avait l’esprit tourné vers l’Ukraine.

Mateus Tetê, ici lors d'un match de Ligue des champions entre le Shakhtar Donetsk et Sheriff Tiraspol, en décembre à Kiev
Mateus Tetê, ici lors d'un match de Ligue des champions entre le Shakhtar Donetsk et Sheriff Tiraspol, en décembre à Kiev - Efrem Lukatsky/AP/SIPA

« Un modèle absolu de professionnalisme »

« Il est très altruiste donc il a beaucoup aidé les réfugiés en préparant de nombreux paniers alimentaires pour eux quand il était en Pologne, précise Isabelle Dias. Il tient maintenant à faire venir à Lyon la gouvernante qu’il avait à Kiev, ainsi que plusieurs autres personnes ukrainiennes. » Franck Henouda, qui habite dans la même rue que la famille de Tetê à Porto Alegre, ne tarit pas d’éloges sur la recrue lyonnaise.

Rares sont les Brésiliens qui sont des modèles absolus de professionnalisme comme lui. Sa personnalité et son éducation me font penser à Fernandinho, Fred et Alex Teixeira. Il a l’habitude de toujours faire un entraînement supplémentaire après sa séance avec son club. »

« Il annonce vouloir marquer l’histoire de l’OL »

Sous contrat jusqu’en juin 2023 avec le Shakhtar, le joueur n’est pour le moment lyonnais que jusqu’à la fin de la saison, dans le cadre du dispositif exceptionnel mis en place par la FIFA. « Je le sens à la fois soulagé de pouvoir revivre de sa passion et très mesuré, même dans sa joie après son but dimanche, souligne Isabelle Dias. Il l’a répété : ce n’est que le début de son rêve, une nouvelle vie commence pour lui et il annonce vouloir marquer l’histoire de l’OL. » Ce vœu pieux passera à n’en pas douter par une aventure plus longue que les deux mois qui lui restent cette saison.

Franck Henouda, qui a conseillé à l’agent de Tetê de privilégier l’OL « et son cadre extraordinaire pour les joueurs brésiliens » plutôt que l’AC Milan et d’autres grands clubs européens intéressés, n’a guère de doutes sur le fait qu’il prolonge à Lyon, mais aussi qu’il brille en Ligue 1 : « Il sort d’un mois très stressant et sa vie, c’est le football. Il a tellement les crocs qu’on va le voir s’épanouir et même voler sur le terrain ». Après le but de la victoire après deux minutes de jeu contre Angers, que peut-il bien nous réserver lors du rendez-vous européen crucial pour l’OL, ce jeudi au stade olympique de Londres ?