France - Allemagne : Paul Pogba, ou l'homme des grandes compètes internationales par excellence
FOOTBALL Le milieu de terrain de l’équipe de France n’est jamais aussi fort que quand sonne l’heure d’une grosse compète d’un mois avec les Bleus
- Parfois inconstant en club, Paul Pogba sait se transformer en machine de guerre avec l’équipe de France quand arrivent les grandes compètes internationales.
- Le Mondial en Russie l’aura notamment vu prendre de plus en plus de poids dans les vestiaires.
- A l’heure d’affronter l’Allemagne pour le début de l’Euro, le Mancunien semble parti pour reprendre ses bonnes vieilles habitudes.
De notre envoyé spécial à Munich,
A des milliers de kilomètres de Clairefontaine, tranquillement installés sur leur île-continent loin du tumulte de l’Euro 2021, les Australiens n’avaient probablement pas vu venir la cartouche de Paul Pogba. Interrogé en conférence de presse sur le groupe de la mort dans lequel est tombée l’équipe de France, le milieu de Manchester semblait se délecter du combat à venir. « C’est l’Allemagne direct, c’est du lourd comme ont dit ! Y’a pas d’Australie, y’a pas de je ne sais pas quoi… C’est ça les grosses compètes ! », souriait-il en faisant référence au groupe plus abordable qui attendait les Bleus en Russie à l’époque.
Si aucuns joueurs français ne s’étaient plaints de commencer par un tel morceau de choix à l’apéro, on ne les avait pas non plus vus sauter au plafond comme l’a fait le Mancunien lors de son dernier passage en conf’. Il faut dire que la compète, la Pioche a ça dans le sang. Le constat ne vient pas de nous mais de Guy Stéphan, l’adjoint de Didier Deschamps, qui expliquait récemment dans le Figaro que Pogba n’était « jamais aussi bon que dans une grande compétition. »
Ça ne veut pas dire que les autres joueurs arrivent en tong à l’Euro ou en Coupe du monde, juste que Pogba a besoin de ressentir l’adrénaline des grands rendez-vous pour se sublimer. Quand, sur le temps long d’un championnat et d’une saison en club, le Français peut avoir tendance à s’éparpiller, sur un mois de compétition, l’ancien de la Juve enclenche le mode warrior.
« Paul a besoin de se sentir aimé pour être en confiance »
Le premier à avoir mis le doigt dessus n’est autre que José Mourinho, son ancien coach chez les Red Devils. Au lendemain de la Coupe du monde 2018, alors que le Français traversait une période de moins bien, le Portugais étalait sa théorie devant la presse : « Le format de Coupe du monde est ce qui correspond le mieux à un joueur comme Paul. Pourquoi ? Parce qu’il est dans une bulle pendant un mois, il ne peut penser qu’au football. Il est en permanence avec son équipe, complètement isolé du reste du monde. Durant la saison, vous pouvez avoir un gros match, puis un petit qui arrive juste derrière et qui vous fait perdre un peu de concentration. » Comme l’Australie, au hasard.
Difficile cependant de ne pas percevoir, en creux, comme un air de reproche dans la bouche du Mou. En gros, Pogba aurait besoin d’être enfermé à double tour pour donner le meilleur de lui-même. Pour son ancien formateur au Havre, ce n’est pas tant une question de cadre strict que de sentiment. « Pour le connaître un peu quand même, je peux vous dire que c’est quelqu’un qui est très porté sur le côté affectif, qui a besoin de se sentir aimé pour être en confiance, proche de ses partenaires et du staff. Or en équipe de France, il est avec ses potes, il est vraiment dans une bulle d’affection et c’est ce qui le rend très fort », décortique Michaël Lebaillif, le directeur de la préformation du Havre quand Pogboum est arrivé à l’âge de 14 ans.
« Paul est un original dans l’attitude mais c’est surtout un affectif qui a besoin d’être aimé », confirmait d’ailleurs Guy Stéphan au Figaro. C’est peut-être ça qui lui a manqué du côté de Manchester pour exploser comme il aurait dû. C’est en tout cas l’avis de Jean-Luc Arribart, le consultant made in Premier League sur Canal +. « A Manchester il a bien compris qu’il n’était pas le joueur que tout le monde attendait en premier lieu, analyse-t-il. Il sort d’une saison mitigée, il a été pas mal blessé et entre-temps Bruno Fernandes a pris une place prépondérante sur le terrain. Et comme l’équipe a très bien tourné sans lui, il a fallu qu’il refasse son trou ».
En Russie, un leader est né
Tout l’inverse de ce qu’il vit avec Didier Deschamps en équipe de France, notamment depuis le Mondial 2018 où, de l’aveu de Guy Stéphan, il y a eu un déclic. Installé sous sa tente en contemplant son armée victorieuse, le Breton couche ses pensées dans son carnet de Russie : « Nous sommes en finale, le groupe est habité par une force, une détermination énorme. Avant le match, Paul Pogba a pris la parole dans le vestiaire. Il est avec nous depuis 2013. En Russie, il s’affirme comme un des leaders, ce qu’il n’était pas au début. »
Comment oublier cet autre discours mythique, à quelques minutes du huitième de finale contre l’Argentine, symbole du rôle nouveau pris par le Mancunien au sein des Bleus. Allez, on se le repasse pour le plaisir.
« On veut voir des guerriers sur le terrain ce soir. Je veux pas rentrer, moi ce soir je rentre pas. On reste encore à l’hôtel, on va encore bouffer ces putains de pâtes sautées. Aujourd’hui on va finir contents. J’veux qu’on fasse la fête ce soir. J’veux que tout le monde, aujourd’hui, on soit morts sur le terrain. Des bonhommes et des guerriers, des champions. Aujourd’hui on va les tuer ces Argentins, Messi ou pas Messi, on s’en bat les couilles. On vient pour gagner cette putain de Coupe du monde. Faut passer par là, allez les gars ! »
Un leadership naturel, selon Michaël Lebaillif : « En jeune, on sentait bien que s’il était à l’aise dans un groupe, il pouvait vite dégager quelque chose de puissant. Je ne suis pas étonné qu’on se soit beaucoup appuyé sur lui à la Coupe du monde, c’est un joueur de compète, il est capable de transcender un groupe à lui tout seul ». C’est ce que nous a confirmé Presnel Kimpembe samedi quand on lui a posé la question : « Il a cette façon de faire qui est assez naturelle de… pas de gouverner, mais disons de s’adresser au groupe dans les moments-clés de la compétition ».
Sur le terrain, enfin, l’ancien Turinois jouit également d’une plus grande liberté que ce qu’il peut connaître dans le nord de l’Angleterre tout le reste de la saison. « Si vous le mettez dans un cadre trop réduit, il peut se frustrer et ne pas donner la plénitude de ce qu’il est capable de faire, réfléchit son formateur havrais. Lors de la dernière Coupe du monde on l’a bien vu, il participait énormément aux phases offensives des Bleus. C’est un joueur qui a besoin de liberté, de dévorer les espaces, il a cette forme de créativité et de qualité technique au-dessus de la moyenne qui peut faire très mal quand il est concentré à 1000 % ». Ce qui devrait être le cas dès mardi soir face à la Mannschaft, qui n’est ni Gijon, ni Valladolid, et ni l’Australie, on l’aura bien compris.