TFC-Strasbourg : Comment le promu toulousain est devenu « un club cool » et enthousiasmant
FOOTBALL Longtemps dans l’ombre du Stade Toulousain, le TFC, de retour en Ligue 1 cette saison, attire les foules et suscite la passion
- Le TFC reçoit Strasbourg ce dimanche (15 heures) dans un Stadium à nouveau très bien garni et débordant d’enthousiasme, preuve de l’engouement suscité par le promu.
- Après des années de vaches maigres, le club repris en 2020 par le fonds américain RedBird a retrouvé sa place dans sa ville, malgré l’ombre du Stade Toulousain, aujourd’hui partenaire bien plus que rival.
- Le directeur général du TFC, mais aussi son plus fidèle supporteur ainsi que le chef Michel Sarran, évoquent cette passion qui ne demandait qu’à s’exprimer.
Ce dimanche, c’est jour de matchs dans la Ville rose. Le TFC reçoit Strasbourg à 15 heures, alors que le Stade Toulousain accueille La Rochelle à 21h05. Sans surprise, Ernest-Wallon et ses 19.000 places feront encore le plein lors du choc entre les deux meilleures équipes du Top 14. Mais l’affluence au Stadium n’en pâtira pas, puisque plus de 20.000 spectateurs sont attendus pour un duel pourtant moins clinquant, entre le 10e et le 17e de Ligue 1.
C’est la neuvième fois d’affilée, L1 et L2 comprises, que cette barre sera dépassée à l’occasion d’un match des Violets. Du jamais vu pour le promu, qui affichait déjà la meilleure affluence moyenne la saison dernière à l’étage inférieur (12.510 spectateurs par match).
« Vu la taille de la ville [plus d’un million d’habitants dans l’agglomération], il y a de la place pour tout le monde », assène Didier Pitorre, 55 ans dont 50 passées dans les tribunes du Stadium. « Le Stade Toulousain pratique un sport d’initiés, le TFC un sport populaire, développe l’historien et collectionneur du « Tef’ », également supporteur Rouge et Noir, qui enchaînera foot et rugby ce dimanche. Les joueurs se donnent à fond, les matchs sont spectaculaires, ça ne triche pas. On surfe sur une dynamique qui rappelle Lens. »
Le chant occitan Se Canto ne suscite pas encore la même ferveur que les Corons de Bollaert. Mais l’ambiance de cimetière abandonné qui baignait l’île du Ramier les années précédant la relégation en 2020 a laissé place à une atmosphère colorée de carnaval, ambiancé par l’esthète néerlandais Branco van den Boomen et ses collègues.
Une renaissance après le plongeon dans l’indifférence
« Le Covid avait abrégé nos souffrances à 10 journées de la fin d’une saison catastrophique, rembobine Pitorre. Derrière, il y a ce changement de direction. Un vrai collectif est né et on n’est pas passé loin de la remontée immédiate avec les barrages [échec contre Nantes en mai 2021]. Puis ça s’est enchaîné. Le public a d’abord suivi par procuration une équipe qui reprenait des couleurs. Quand les restrictions sanitaires ont été levées, il a pu vraiment la découvrir. »
Marquée par l’aventure des Pitchouns du National à la L1 entre 2001 et 2003, deux qualifications européennes (2007 et 2009) et l’incroyable remontada signée Pascal Dupraz (2016), l’ère Olivier Sadran s’est terminée dans l’indifférence et la résignation pour laisser la place aux Américains de RedBird. Dans les bureaux, ce sont le président Damien Comolli et le directeur général Olivier Jaubert qui pilotent depuis l’été 2020 un vaisseau toulousain dont l’épopée passionne de plus en plus les foules.
« Le seul club de France à faire ça »
Plus besoin d’inonder d’invitations les clubs de la région pour tenter de cacher la misère, et atteindre péniblement une affluence moyenne de 14.232 spectateurs en 2019-2020. « Ce n’est intéressant pour personne, tranche Oliver Jaubert. Nous avons le deuxième plus bas taux d’invitations de L1 avec 5,4 % de moyenne. Le spectacle est de qualité, comme les expériences que l’on fait au Stadium. Donc on pense que ça mérite d’être acheté. »
Pas à n’importe quel prix toutefois : « Tout le monde peut venir. Les premiers prix d’abonnements renouvelés, c’est 7 euros par match. Sur des rencontres à l’unité, les places les moins chères doivent être à 15 euros. Contre le PSG [une affiche à guichets fermés avec 31.700 spectateurs], la moitié du Stadium était à moins de 30 euros. Nous sommes le seul club de France à faire ça. »
Le TFC affiche cette saison un total inédit de 13.300 abonnés et se félicite d’un public féminisé (18 % des abonnés), rajeuni et renouvelé. « 65 % des gens n’avaient jamais été abonnés auparavant », glisse Jaubert. Ce dimanche, le virage Brice-Taton, celui des infatigables ultras des Indians où bat le cœur de « l’aficion » violette, fera comme toujours le plein. Son vis-à-vis, le virage Christophe-Revault affichera complet aussi.
Avant la rencontre, le parvis regorgera d’animations autour du foot et de « food trucks » proposant « des produits locaux, pas cher et de qualité », dixit Jaubert qui dévoile le thème du jour : « la véritable saucisse de Toulouse de fabrication artisanale », comme un aimable pied de nez à Strasbourg et à sa charcutaille.
Des étrangers couleur locale
Parmi les enseignes se trouve depuis cet été Croq’Michel, de Michel Sarran. « On fait l’avant-match au Stadium, puis on sera à Ernest-Wallon », souligne le chef doublement étoilé. « Damien Comolli et Olivier Jaubert ont réussi à redonner une envie, une dynamique autour du TFC, poursuit l’ancien juré de Top Chef. On l’a vu la saison dernière pour l’accession en L1 et ça se confirme cette saison. Il y a une super ambiance. On sent l’envie de gagner, de faire partie d’un groupe. »
En six rencontres à la maison, les supporteurs n’ont assisté jusqu’à présent qu’à une défaite (excusable face à Paris, 0-3) et vu 21 buts (3,5 de moyenne par match), dont 11 pour leurs favoris. Si, magie de la data oblige, l’effectif est très cosmopolite (huit étrangers dans l’équipe de départ dimanche dernier contre Angers, 3-2), la grinta du Belge « Bibiche » Dejaegere ou des Néerlandais van den Boomen et Spierings vaut tous les passeports, au côté des prometteurs Français Rouault et Chaïbi.
« Si vous leur demandez, il n’y en a aucun qui veut vivre ailleurs, sourit Olivier Jaubert. Ils ne se prennent pas pour des gens inatteignables. Quasiment tous les jours, on voit sur Twitter une photo d’un de nos joueurs, que ce soit van den Boomen, Spierings ou Nicolaisen [défenseur central danois], avec un supporteur en ville. Quand Mikkel Desler [piston droit danois] quitte le Stadium, il traverse le parvis à vélo et s’arrête pour les fans. Ce sens du contact, c’est leur culture et c’est la nôtre. »
« Les joueurs ont un peu un esprit rugby », juge Sofiane Guitoune, bien placé pour comparer en tant que trois-quarts centre international du Stade Toulousain. « Ils ne jouent pas petit bras, ils prennent du plaisir. Ils sont très, très solidaires. Je le suis sur les réseaux sociaux et ça donne envie de les encourager. » Guitoune et la plupart de ses coéquipiers étaient venus soutenir les Violets face au PSG, au côté des Indians, pour symboliser une entente entre dirigeants qui n’allaient pas de soi il y a quelques années.
« Le plus important, c’est de voir notre ville briller »
« Les présidents des clubs y sont pour beaucoup, souligne Michel Sarran, proche du patron stadiste Didier Lacroix, habitué de la corbeille du Stadium. Ils ont réussi à créer une vraie synergie. Nous sommes fiers de voir des équipes toulousaines réussir, que ce soit en foot, en rugby, en hand, en basket féminin… Quel que soit le sport, le plus important c’est de voir notre ville briller. »
« Toulouse n’est pas une ville de rugby, c’est une ville de sports, enchaîne Olivier Jaubert. L’équivalent du Real Madrid en rugby s’y trouve, tant mieux, mais il y a au total sept clubs de haut niveau dans la métropole. On n’est pas du tout en concurrence. Au contraire, on essaie de faire beaucoup de choses ensemble. Bientôt, on annoncera un truc que personne n’attend. » En s’appuyant sur des données nationales d’il y a quelques années, le DG dévoile que « dans les villes où il y a les deux sports au plus haut niveau, on sait qu’entre 20 et 30 % de public va voir indifféremment du rugby ou du football. »
Un objectif de 25.000 spectateurs de moyenne
Si avec sa Coupe de France gagnée sous René Coty (1957), le TFC ne peut bien sûr pas rivaliser au niveau du palmarès avec le cousin d’Ovalie, écurie la plus titrée d’Europe, il ne craint en revanche pas grand monde sur le terrain de la communication. Depuis bien avant le début de l’ère RedBird, la cellule dédiée n’a pas son pareil pour rebondir avec malice sur l’actualité. « Le but, c’est de montrer que le TFC est un club cool, lâche Jaubert. Il faut être innovant pour répondre aux attentes du public et faire grandir notre base de supporteurs. »
Dans un espace régional seulement borné par Montpellier à l’est et Bordeaux (aujourd’hui en L2) à l’ouest, il y a de la place pour croître. « Cette saison, on espérait 16.000 spectateurs de moyenne et apparemment on va être davantage, reprend le dirigeant. On gagne du temps et on peut avoir comme objectif 25.000 personnes en 2024-2025. » Et pourquoi pas davantage, si le TFC avait la bonne idée d’aller tutoyer les sommets.