Affaire Pogba : « Il y a tellement de vautours »… La difficile gestion de l’entourage des joueurs

FOOTBALL Famille, amis, ou simples connaissances, ils sont nombreux à en avoir après l’argent des sportifs professionnels. Des nuisibles pas toujours simples à gérer pour les conseillers des joueurs

Antoine Huot de Saint Albin, William Pereira
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Paul Pogba
Paul Pogba — LiveMedia/Claudio Benedetto / i
  • Paul Pogba est au coeur d'une affaire familiale révélée au grand jour par Mathias Pogba.
  • L’ancien Red Devil a porté plainte en France, où une enquête a été ouverte le 3 août du chef d’extorsion en bande organisée, et en Italie
  • Les affaires de famille et les problèmes avec le cercle proche des joueurs sont monnaie courante dans le football de très haut niveau

Quatre ans après la Coupe du monde en Russie, Paul Pogba décrochait une deuxième étoile - moins glorieuse que la première - avec son « Pogmentary » : le docu diffusé par Prime Video a été noté une étoile sur dix sur le site spécialisé IMDb. La deuxième saison officieuse qui se déroule sur le terrain judiciaire vole à peine plus haut. Et son trailer, diffusé en quatre langues par le frère aîné Mathias, transpire l’amateurisme. Le synopsis promet des révélations sur le milieu de terrain de la Juventus qui se limitent pour le moment à des « millions » présumés claqués par la Pioche sur un marabout qu’il aurait chargé de jeter un sort à Kylian Mbappé pour des raisons… obscures.

De son côté, l’ancien Red Devil a porté plainte en France, où une enquête a été ouverte le 3 août du chef d’extorsion en bande organisée, et en Italie. Le milieu de 29 ans a confié avoir été piégé par des amis d’enfance et deux hommes cagoulés armés de fusils d’assaut lui reprochant de ne pas les avoir aidés financièrement. Une somme de 13 millions d’euros lui aurait été réclamée, et il assure avoir versé 100.000 euros.



Quand les mouettes suivent le chalutier…

« Ce qui s’est passé avec la famille Pogba est très simple, selon l’agent Franck Belhassen. Ils étaient arrosés pendant un certain temps jusqu’au décès de l’agent historique de Paul, Mino Raiola. Aujourd’hui, il se murmure que l’avocate a tout repris en main et recommande de ne plus arroser personne. C’est monnaie courante : on a une vache et il faut qu’elle donne un maximum de lait à tout le monde. Malheureusement, c’est devenu comme ça. »

Un constat qui fait l’unanimité dans le milieu. Les footballeurs professionnels sont, quel que soit leur niveau, des proies faciles. Seule la métaphore animalière change d’un interlocuteur à l’autre. Antoine Kombouaré, entraîneur de Nantes : « Quand vous gagnez autant d’argent, il y a tellement de vautours autour. Que ce soit l’entourage familial, le premier cercle, comme on dit, les agents, les conseillers… Vous n’imaginez pas la pression que les mecs subissent. » Ni du nombre de personnes qu’ils peuvent rencontrer au détour d’impératifs professionnels, augmentant mathématiquement les chances de tomber sur des personnes malintentionnées.

Pour éviter de tomber dans le panneau, Philippe Veber, avocat en charge des affaires de plusieurs joueurs de L1, entend responsabiliser un maximum ses clients. « La clé de tout, c’est qu’il s’intéresse à ses affaires et ait la main dessus. Il doit arrêter de donner des procurations à droite à gauche. Quand il y a un contrat, un paiement à faire, c’est lui qui doit le faire. C’est ni son père, ni sa mère, ni son agent, ni son avocat, c’est lui. » Badou Sambague, avocat mandataire sportif (notamment de Sékou Mara) fait quant à lui signer une charte « aux joueurs et aux familles. Cette charte a une valeur morale, pour que soit respecté le positionnement de chacune des parties et permet de veiller que l’image et les intérêts du joueur soient préservés. Le fait que tout ça soit signé permet de renvoyer à la charte lorsqu’il y a un oubli, une petite absence ou une difficulté qui se présente. »

Le précédent Adebayor

Mais au fond, il n’y a aucune garantie dès lors que la source du problème est familiale. Veber : « Le "chantage affectif" et la proximité familiale font qu’il est parfois impossible à résister. » Les cas Pogba mais aussi Adebayor sont l’illustration parfaite de ce qu’il peut se passer. Bien avant l’international tricolore, le Togolais avait publié en 2015 une lettre où il racontait les relations conflictuelles au sein de sa fratrie.

Il y a quelques années, écrivait Adebayor, j’ai acheté une maison pour 1,2 million de dollars au Ghana. J’ai trouvé normal de mettre ma grande sœur Yabo Adebayor dans cette maison, ainsi que mon demi-frère Daniel. Quelques mois après, je retourne de vacances et j’ai remarqué qu’il y avait beaucoup de voitures devant la maison. La vérité est que ma sœur a loué la maison sans me prévenir. Elle a aussi renvoyé Daniel de la maison. Imaginez que cette maison avait environ 15 chambres. »

« Quand je l’ai appelé pour en discuter, poursuivait-il, elle m’a insulté au téléphone pendant 30 minutes. Ma mère aussi a fait la même chose. Cette même sœur dit que je suis ingrat. Demandez-lui à propos de la voiture qu’elle conduit ou tout ce qu’elle vend aujourd’hui. »

Souvent, les histoires familiales surprennent parce qu’elles concernent des clans en apparence soudés. Depuis le début du « Poggate », les images complices des trois frères qui enchaînent les pas de danse dans la joie et le bonheur fusent, et sonnent faux. « Au fond, l’affaire Pogba, c’est pas un problème de relations familiales, c’est un problème d’argent, dit Belhassen. C’est la vérité. Quand Ettori raconte que Mathias Pogba a été pris à Tours en échange d’un match amical de Paul à Tours et un salaire pris en charge par son frère, c’est la vérité. Il raconte pas des conneries. Ça fait du bruit parce que c’est familial. Mais au fond, l’élément déclencheur c’est toujours l’argent. » La rançon de la gloire. Littéralement.