JO Tokyo 2021 : « Si je ne freine pas, je ne sais pas où on se retrouve », Pauline Ferrand-Prévot explique la chute qui a tout changé pour la médaille
VTT CROSS COUNTRY La Française, au coude à coude avec la future championne olympique au premier tour, a tout perdu sur un mauvais freinage
- Pauline Ferrand-Prévot et Loana Lecomte, grandes favorites pour la médaille d’or, ont sombré à Tokyo pour des raisons différentes.
- La plus proche de la gagne était Ferrand-Prévot, qui a connu une chute et une crevaison rédhibitoires à ce niveau.
- La Française et son adversaire suisse, championne olympique, n’ont pas la même version de l’incident qui les a opposés.
De notre envoyé spécial à Tokyo,
Note pour dans trois ans à Paris. Ne plus se fier aux classements mondiaux avant de cocher les médailles celle-ci-c’est-sûr-elle-tombe dans notre petit calendrier prévisionnel. Ainsi, Loana Lecomte et Pauline Ferrand-Prévot, numéros 1 et 2 mondiales en VTT, n’ont pas vu la queue d’un podium, avec une appréciation différente de la course de chacune. Pour Lecomte, qui avait écrasé toutes les compétitions cet hiver, c’est un nouveau monde qui s’est un peu dérobé sous ses pieds.
« Je suis déjà heureuse d’être là, d’avoir participé, et je n’ai aucun regret, avoue la jeune femme de 21 ans. Ce sont les Jeux olympiques, on savait que ça allait être une course différente d’une Coupe du monde. Ça part très très vite, il y a des filles qu’on ne voit pas forcément devant qui là partent devant et sont à bloc, donc voilà, c’est une course d’un jour. » Elle poursuit :
J’ai pris de l’expérience, j’ai appris beaucoup de choses, et on se retrouve en 2024. »
Pour FPF, c’est autre chose. La Française avait des jambes de feu, elle l’a dit elle-même après coup : « Je suis revenu à mon meilleur niveau, même un niveau que j’ai jamais eu. » Rien à voir avec Rio 2016, quand elle avait dû abandonner en larmes après une année pourrie par des problèmes physiques et une rupture personnelle abondamment commentée. Après un départ piano, sur un parcours modifié de fond en comble à cause des seaux d’eau tombés depuis la veille au soir, PFP avait repris la tête devant Jolanda Neff, jusqu’à un virage an hauteur après un raidard de pierre.
« Avec Jolanda, c’est toujours un peu chaotique »
Alors roue à roue avec la Suisse, la Française freine un peu fort et abandonne toutes ses illusions de victoire en perdant un temps fou pour récupérer son vélo et remettre le contact. Explications de l’intéressée : « Elle a pris à gauche, j’ai pris à droite et voilà. Je me suis dit si elle ne freine pas et si je ne freine pas, on se percute les deux et je ne sais pas où on se retrouve. Donc j’ai freiné et j’ai glissé de la roue avant. Il a fallu que je redescende le mur en pierre pour aller chercher mon vélo, donc c’était pas forcément un gros moment de plaisir. Avec Jolanda, c’est toujours un peu chaotique. »
L’air de dire que la future championne olympique ne l’avait pas joué réglo sur le coup. Marrant, quand on sait que cette dernière a littéralement démonté PFP en conférence de presse derrière. Prenez votre respiration, c’est long : « Juste avant cet endroit où elle est tombée, il y a eu un grand saut, vingt secondes avant. On s’en est approché, elle était devant moi, et on allait à une belle vitesse. Et tout à coup, un mètre avant le saut, elle a freiné très fort pour passer sur la bosse [un pont de bois en descente], et je ne pouvais rien faire du tout. J’avais pris de la vitesse pour sauter, et pas du tout pour rouler dessus. Je suis vraiment chanceuse de ne pas être tombée, c’était un geste stupide de sa part, car c’est vraiment dangereux. Je ne sais pas pourquoi elle a fait ça ni si elle savait que j’étais juste derrière, mais après ça, je me suis dit “OK, il faut que je m’éloigne d’elle car elle court de façon dangereuse, on ne sait jamais ce qu’elle fait”. Donc à la route suivante, j’ai choisi la gauche car elle était à droite. Ce n’est pas la première fois qu’elle fait des coups pareils. Je ne sais pas pourquoi elle est tombée, mais je suis juste heureuse d’avoir été de l’autre côté, et d’avoir pu poursuivre ma course en sécurité ».
« Un collectif a réussi, il s’appelle l’équipe de Suisse »
On vous avait prévenu, c’était long. Bref. Ce fait de course discutable des deux côtés n’a pas empêché Ferrand-Prévot d’envoyer la sauce dans le deuxième tour, au point de déposer les deux autres Suissesses en chasse derrière leur compatriote. C’est à ce moment-là qu’une crevaison est venue ruiner ses plans de podium pour de bon. « Je m’étais remobilisée pour aller chercher cette médaille mais j’ai crevé tout au bout du circuit il a fallu que je fasse toutes les descentes et les montées avec la roue crevée, c’était un peu galère. Je suis reparti loin. » Elle ajoute :
J’ai pensé dix fois abandonner, puis je me suis dit que je n’avais pas le droit d’abandonner parce que c’est les Jeux et que j’étais en très bonne forme. Je me suis levé avant la course en me disant “c’est déjà une victoire parce que tu ne peux rien faire de mieux” ».
Yvan Clolus, le coach, cherche quand même. « Ce qui est important de noter, c’est qu’il y a un collectif qui a réussi, qui s’appelle l’équipe de Suisse. Il faudra qu’on s’en serve. On arrive ici à deux coachs, deux athlètes, on a fait le choix de travailler séparé pour que chacune puisse être dans sa bulle, dans ses routines, prendre son temps. Ne pas être dans la comparaison, comme “moi j’y arrive, toi tu n’y arrives”, on a séparé les choses. » Entre les lignes ? PFP et Lecomte, qui s’entendent plutôt bien par ailleurs, ont des profils trop différents (l’une très technique, l’autre très physique) pour s’accorder en course. « On a passé du temps cette semaine, et on a réussi, c’est certain à finir de construire cette équipe, mais pendant qu’on faisait ça, on n’a pas fait autre chose ».
Comme par exemple reconnaître à vélo le circuit une dernière fois mardi matin, alors que le tracé, plusieurs obstacles et certaines trajectoires n’étaient plus les mêmes ? Jolanda, décidément très en verve, faisait remarquer qu’elle avait pris la peine avec ses deux comparses de faire un tour à vélo pour tout enregistrer : « D’autres équipes [dont la France] ont préféré le faire seulement à pied. Nous, on a pris le vélo pour noter toutes les différentes. Mais ce n’est pas seulement une question de savoir ce qui a changé, il faut aussi être capable de maîtriser le nouveau circuit et de s’adapter rapidement. » Cela ressemble presque à un nouveau tacle à Ferrand-Prévot et aux Bleues ou on ne s’y connaît pas.