CES 2022 : En Bretagne, Heole conçoit des voiles solaires pour transformer la lumière en électricité propre

VOILE Après une édition 2021 en virtuel, le Consumer Electronic Show (CES) de La Vegas retrouve sa forme originelle de mercredi à samedi avec ses allées, ses stands et ses innovations. La start-up Heole va représenter la région Bretagne avec son projet de voile solaire adaptable sur des ballons dirigeables

Camille Allain
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La start-up bretonne Heole ambitionne d'équiper des voiliers de capteurs solaires en OPV afin de produire de l'électricité à bord.
La start-up bretonne Heole ambitionne d'équiper des voiliers de capteurs solaires en OPV afin de produire de l'électricité à bord. — Damien Meyer / AFP
  • En 2021, à cause du coronavirus, le CES de Las Vegas avait été uniquement en virtuel. Ce mercredi, il s'ouvre en présentiel et parmi les start-up présentes, on trouve Heole
  • Cette entreprise de Vannes (Bretagne) va présenter son prototype de voile solaire permettant de transformer la lumière du soleil en électricité.
  • Contrairement aux panneaux solaires en silicium, la solution en OPV présente un coût écologique faible.

C’est une facette de la course au large que l’on connaît peu. Chaque jour, les skippers du Vendée Globe, de la Route du Rhum ou de la Transat Jacques-Vabre sont contraints d’activer le petit moteur de leur voilier. La raison ? Le nécessaire rechargement des batteries des appareils électroniques qui se trouvent à bord de leur bateau : les feux de route, l’ordinateur de bord mais surtout le pilote automatique, souvent activé lors des traversées en solitaire. « Sur mon Imoca, ça représentait une heure de moteur par jour en moyenne. Soit environ trois litres de gazole par jour », raconte Marc Guillemot.

Le navigateur du Finistère de 62 ans en connaît un rayon sur la question. Engagé dans la course au large depuis plus de trente ans, Marc Guillemot prépare la prochaine Route du Rhum à bord d’un multicoque écoresponsable issu de la récup’ de plusieurs bateaux. Pour concevoir son « MG5 », Marc Guillemot a recyclé l’ancien mât de Jean Le Cam, les dérives de Damien Seguin et un filet ayant servi sur les maxi-trimarans Gitana et Spindrift. Mais l’innovation la plus ambitieuse se trouvera dans la voilure. Sur les 80 m² de sa grand voile, Marc Guillemot affichera environ 30 m² de films photovoltaïques organiques. Ces « OPV » pour « Organic PhotoVoltaic » auront pour mission de transformer la lumière du soleil en énergie électrique afin d’alimenter le bateau. « On est extrêmement sollicités avec ce projet. Au point qu’on se demande pourquoi personne d’autre ne s’y met ».

« La lumière, elle ne coûte rien, ni aux hommes, ni à la planète »

Spécialiste de la lumière, Jean-Marc Kubler est l’un des fondateurs de la start-up Heole. Basée à Vannes, la petite société est actuellement présente au  CES Las Vegas pour présenter sa technologie qu’elle espère révolutionnaire. « L’utilisation des OPV en fait une énergie durable entièrement recyclable qui ne produit pas de déchets. Quant à la lumière, elle ne coûte rien, ni aux hommes, ni à la planète », glisse le PDG. Avant de rappeler le coût écologique du silicium nécessaire à la fabrication des panneaux solaires traditionnels. « Les OPV durent 25 ans et on sait que leur coût écologique est amorti en trois mois. Notre technologie marche, elle est validée. Il faut maintenant que l’on vérifie ses rendements. Et que l’on voit comment les voiles résistent aux paquets d’eau, au sel, au vent ». Dans le Nevada, les dirigeants d’Heole espèrent convaincre des investisseurs de les suivre et lever le million et demi d’euros nécessaire au lancement des prototypes. En remportant un challenge, la start-up bretonne avait déjà convaincu le cabinet de conseils Leyton de lui financer sa présence au CES. 


 

Avant de produire ses voiles solaires à grande échelle, Heole va devoir les tester. La société les embarquera sur le multicoque de Marc Guillemot lors de la prochaine Route du Rhum, qui partira de Saint-Malo le 6 novembre 2022 pour une transatlantique toujours musclée. Pliables, les cellules équiperont un tiers de la grand-voile, alourdissant légèrement le bateau. « L’objectif, c’est de ne plus allumer le moteur après la sortie du port de Saint-Malo », glisse Marc Guillemot, qui fait partie du conseil d’administration d’Heole. Lors de sa dernière transatlantique en Imoca, le skipper avait consommé moins de 40 litres de gazole pour parcourir plus de 7.000 kilomètres.

Un gain modeste qui a convaincu la start-up de ne pas se concentrer sur la seule course au large. Les OPV devraient bientôt équiper un ballon dirigeable pour une traversée de la Méditerranée prévue en 2023. L’objectif premier reste cependant de s’orienter sur le secteur de la plaisance, dont les ventes sont en constante croissance depuis des années. Un phénomène qui s’est accéléré avec la pandémie. « Tous les constructeurs rivalisent pour offrir du confort à bord de leurs bateaux. On trouve des congélateurs, de la clim, des écrans de télé. Tous ces équipements, je ne suis pas certain qu’ils soient très utiles. Pour les alimenter, certains voiliers de croisière font tourner leur moteur presque en permanence », confie le navigateur Marc Guillemot. L’image du bateau poussé à la seule force du vent en prend un coup. La clientèle n’étant visiblement pas prête à s’en passer, il faudra trouver des moyens plus vertueux de les charger.