Pourquoi la tribune du «Point» sur les jeux violents et les tueurs tape à côté

HIGH-TECH Dans une tribune à charge du «Point», la chroniqueuse Claire Gallois relance le débat sur l'impact de la violence virtuelle...

Philippe Berry
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Image promotionnelle du jeu Hitman: Absolution.
Image promotionnelle du jeu Hitman: Absolution. — SQUARE ENIX

Comme la grippe saisonnière, les attaques contre les jeux vidéo violents reviennent régulièrement. De la tuerie de Columbine à Anders Breivik, de Doom à Call of Duty, leur impact sur le cerveau fait souvent débat, à coup d'études contradictoires et de raccourcis opportunistes. Dans sa tribune Jeux vidéo: Permis de tuer, Claire Gallois s'est attirée les foudres des lecteurs du Point et de ceux de Jeuxvideo.com. «Ecrivain et juré du prix Femina», selon sa bio sur Mediapart, la chroniqueuse n'est pas journaliste. Mais son édito, qui brasse en vrac la crise à l'UMP, la taxe Nutella et les tueries de masse, méritait bien un fact-checking.

«Call of Duty, Dishonored, Assassins Creed, Grand Theft Auto, Manhunt ? C'est qui, c'est quoi ? (…) Le processus est simple: une dépendance grandissante à la violence. À côté de ces jeux, le cannabis, c'est "la santé par les plantes", comme le disent certains habitués.»

On laissera le débat sur la dépénalisation du cannabis aux députés. Le terme même de «cyberdépendance» fait débat chez les neuroscientifiques. En chat sur 20 Minutes, le psychologue pour enfant Michael Stora estimait que le terme «addiction» était «excessif». Marc Valleur, psychiatre et médecin chef de l’hôpital Marmottan dédié aux pratiques addictives, estimait, lui, que «les vrais cas d'addiction» sont «rares». Pour la psychologue Elizabeth Rossé, le risque majeur ne concerne pas la violence mais «l'isolement».

«Andy qui, à 16 ans, abat à coups de fusil ses parents et ses deux petits frères en Corse. Il raconte qu'il a entendu une voix à laquelle il n'a pas pu résister. Andy, grand amateur de jeux vidéo. Rapport d'un psychiatre à la cour: les jeux vidéo habituent à l'excès.»

Une étude de 2007 du psychologue américain Craig Anderson a constaté une «désensibilisation» aux images choc chez les personnes qui avaient joué 20 minutes à un jeu violent. Mais l'expert reconnaissait que l'impact physique, sur le rythme cardiaque et sur la réponse épidermique, était «de courte durée». Surtout, son étude, souvent citée, ne mesurait pas l'impact psychologique. «Si vous avez un enfant sans autre facteur de risque d’agressivité ou de violence, le laisser jouer à ces jeux vidéos durant 5 à 10 heures par semaine ne le transformera pas en sniper», reconnaît-il. Son adversaire médiatique, Christopher Ferguson, va plus loin. Après avoir passé plusieurs centaines d'études en revue, il conclut que le débat devrait désormais être de savoir si «les jeux violents produisent des effets faibles ou inexistants». Selon lui, d'autres facteurs sont bien plus déterminants, comme la pauvreté, la violence familiale ou un terrain génétique. Ferguson et plusieurs experts, notamment en Allemagne, estiment qu'à l'inverse, le jeu vidéo peut permettre de canaliser la violence chez certains jeunes, voire de socialiser des enfants autistes.

«Quant à Breivik, l'assassin de 72 jeunes en Norvège, il s'est déclaré «fan absolu» de Call of Duty et reconnaît avoir passé des semaines à «se former» sur la manière de tuer.»

C'est vrai, mais Breivik conseillait également de «partir en vacances dans un pays où l'on peut s'entraîner au tir». Le paintball offre sans doute une meilleure expérience qu'une manette de PS3,  mais comme Claire Gallois, le psychologue militaire David Grossman est parti en croisade contre les «simulateurs de meurtres» sur consoles. Leur postulat pour sonner l'alarme tient en trois points: les jeux exacerbent les comportements violents, ils permettent de mieux apprendre à tuer, et ils rencontrent un succès fou. «Call of Duty a généré un milliard de dollars de revenus en 15 jours», rappelle Gallois. Que disent les chiffres? Aux Etats-Unis (et en France également), le nombre d'actes criminels est au plus bas depuis vingt ans. Meurtres, tentatives de meurtre, agressions, viols... Entre 1992 et 2010, la baisse par habitant se situe entre 20 et 35% selon les actes, d'après les chiffres du FBI, alors que le marché du jeu vidéo explosait. Si corrélation il y a, elle semble s'opposer à la thèse de Claire Gallois.