Pour certains, le travail est plus terrifiant que le train fantôme
phobie•Pour certains, c’est tous les jours Halloween au bureauYoussef Zein
L'essentiel
- L’ergophobie, phobie du travail, se manifeste par une anxiété excessive à l’idée de travailler, pouvant empêcher d’accomplir ses tâches ou de se rendre sur son lieu de travail.
- La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) peut aider à surmonter cette peur.
- La réalité virtuelle est une de ces options de TCC. La société C2Care a mis en place des séries d’exercices immersifs permettant de désapprendre les schémas de pensées négatifs des patients.
La trouille sans les citrouilles. Depuis la fin des années 1980, le développement des recherches sur le burn-out et la santé mentale des travailleurs ont permis de faire émerger la notion d’ergophobie, à savoir la peur du travail. « Les personnes atteintes d’ergophobie peuvent éprouver une anxiété excessive à l’idée de travailler, ce qui peut les empêcher d’accomplir leurs tâches ou de se rendre sur leur lieu de travail. Cela peut avoir des conséquences significatives sur leur vie professionnelle et personnelle », explique le docteur Stéphane Mouchabac, psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine de Paris.
Des milliers d'offres d'emplois à seulement un clicPour surmonter sa peur, l’affronter
D’après une enquête sur la qualité de vie et des conditions de travail des salariés publiée jeudi 18 janvier par le site Qualisocial, près d’un salarié sur deux (49 %) est soumis à un niveau de stress élevé. Un contexte propice à développer l’apparition de l’ergophobie. Mais ses manifestations restent multifactorielles : une rupture amoureuse difficile avec un ou une collègue, une situation de harcèlement subie sur le lieu de travail ou encore une trop grande pression de sa hiérarchie sont quelques-uns de ses déclencheurs. Bien qu’elle ne soit pas officiellement reconnue dans les classifications telle que la liste « CIM-10 » des maladies de l’OMS, « elle est considérée comme un concept valide », ajoute le docteur. Pourtant, très peu de données chiffrées existent sur l’ergophobie.
Celle-ci peut se manifester de bien des manières : peur de prendre la parole devant les collaborateurs, peur de s’adresser à son supérieur jusqu’à l’impossibilité de se rendre sur son lieu de travail. Pour surmonter cette peur, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) peut être efficace, précise le psychiatre. Pierre Gadea, fondateur de C2Care, un créateur de solutions thérapeutiques en réalité virtuelle (VR), détaille cette notion de TCC : « Il existe deux grandes familles de thérapies. Les thérapies psychanalytiques, dans lesquelles on va creuser dans la psyché du patient et qui peuvent se dérouler sur plusieurs années. Avec les TCC, on va apprendre à maîtriser son comportement face à ses peurs, à l’aide de mises en situation sur des dispositifs beaucoup plus courts, de quelques mois seulement. »
Pour affronter le réel, la réalité virtuelle
Pour aider les concernés à affronter cette « peur des 35 heures », la réalité virtuelle est une option. En ce sens, C2Care a mis en place des séries d’exercices pour psychiatres, comme particuliers. Les patients se retrouvent mis en situation dans des environnements professionnels immersifs en 3D, où ils vont devoir se confronter aux situations qui leur posent problème.
D’après Pierre Gadea, « ce système permet de désapprendre les schémas de pensées négatifs. Les patients qui ont du mal avec les interactions sociales au travail pourront faire des exercices de prise de parole face à une assemblée de PNJ (NDR : personnages non jouables) gérés par l’IA. »
Une méthode qui porte ses fruits, puisque C2Care fait état de plus de 22.000 patients ainsi traités depuis sa fondation en 2015. Pour autant, enfiler un casque n’est pas une formule magique : « L’idée est vraiment de faire accepter au patient que son anxiété est désagréable, mais pas dangereuse. Il aura toujours peur, mais saura maîtriser leurs réactions », relève le directeur général de C2Care. Vous aurez toujours une montée d’angoisse au moment d’affronter votre manager à la machine à café, mais peut-être que cette fois, vous lui proposerez du sucre sans hésiter.