CyclismeJulian Alaphilippe peut-il vraiment faire la saison chez Quick-Step ?

Nieuwsblad : Julian Alaphilippe peut-il vraiment faire la saison chez Quick-Step ?

CyclismeAprès la grosse polémique de la semaine, le double champion du monde n’aborde pas du tout la saison des Classiques du mieux possible
Julian Alaphilippe lors de la conférence de presse avant le Nieuwsblad.
Julian Alaphilippe lors de la conférence de presse avant le Nieuwsblad. - Shutterstock/SIPA / Sipa
Antoine Huot de Saint Albin

Antoine Huot de Saint Albin

L'essentiel

  • Patrick Lefevere, le manageur de la Soudal-Quick Step, a reproché cette semaine à Julian Alaphilippe de faire trop la fête, en plus de remettre en question son niveau de forme et son implication à l’entraînement.
  • Selon Pascal Chanteur, président du syndicat des coureurs, cela pourrait sérieusement perturber la tête du Français avant les grandes classiques de printemps, à commencer par le Omloop Het Nieuwsblad ce samedi.
  • Comment Julian Alaphilippe, en fin de contrat à la Quick Step en 2024, va-t-il trouver les ressources nécessaires pour performer cette année ?

Ce n’est pas comme si les classiques n’étaient pas assez dures comme ça. Du vent, de la pluie, de la boue, des pavés, des montées abruptes, l’odeur de la bière qui vient vous chatouiller le museau… En plus de ce copieux menu, Julian Alaphilippe, qui sera au départ du Omloop Het Nieuwsblad ce samedi, doit se fader les commentaires acerbes de son manageur, Patrick Lefevere, récidiviste devant l’éternel.

La dernière sortie du big boss de la Soudal-Quick Step ? Un mélange de critiques sur le niveau du double champion du monde français, un peu dans le dur les deux dernières années, et sur sa vie privée. « Avec l’âge, vous devez prendre plus soin de vous, vous entraîner plus dur. Je pense que, chez lui, il y a eu trop de fêtes et trop d’alcool, a lancé sans prévenir le Belge dans le journal flamand Humo en début de semaine. Il est sérieusement sous le charme de Marion (Rousse, sa femme). Peut-être trop. »

« Si vous avez un peu la tête ailleurs… »

Idéal pour préparer les classiques, n’est-ce pas ? Si Marion Rousse a contre-attaqué sur les réseaux sociaux, si Lefevere a, du coin des lèvres, fait un peu amende honorable, louant quand même les qualités de son coureur, dans quel état d’esprit Julian Alaphilippe peut-il se trouver avant de rentrer dans le gros de son programme (Nieuwsblad, Strade Bianche, Tirreno, Milan-Sanremo, Tour des Flandres et Giro) ?

Julian Alaphilippe et Patrick Lefevere lors de la conférence de presse avant le Het Nieuwsblad, le 22 février 2024.
Julian Alaphilippe et Patrick Lefevere lors de la conférence de presse avant le Het Nieuwsblad, le 22 février 2024. - /SIPA

« Pour déstabiliser quelqu’un, faire pire que ce qu’a fait Lefevere, je ne vois pas, réagit, furax, Pascal Chanteur, président de l’UNCP, le syndicat des coureurs. Quand on sait la difficulté et la dangerosité d’une course cycliste, si vous avez un peu la tête ailleurs… Imaginez ce qui est en train de se passer dans la tête de Julian en ce moment. C’est quelque de solide, de fort, mais là on ne parle pas de force physique, c’est le mental qui entre en compte. » Présent lors de la conférence de presse de l’équipe belge avant le Nieuwsblad, jeudi, le Français semblait, parfois, ne pas vraiment être là.

« Vivre avec Lefevere, ce n’est pas facile »

L’ancien coureur de l’Armée de terre devait peut-être ressasser les nombreuses piques de son manageur à son encontre depuis deux ans. Les résultats en dents de scie du Français n'ont pas plu au patron, qui lui avait accordé une (logique) revalorisation salariale (2,3 millions d’euros par an) à la sortie de ses deux titres mondiaux. Alaphilippe, qui arrivera en fin de contrat à la Soudal-Quick Step à la fin de l’année, peut-il décemment continuer de courir pour quelqu’un qui le méprise ?

« Vivre avec un individu comme celui-ci, ce n’est pas facile, estime Eric Boyer, ancien manageur de la Cofidis, qui ne porte (pas du tout) dans son cœur Patrick Lefevere. Donc Julian doit rester concentré, penser à lui, être égoïste, penser à sa carrière. Julian peut être malheureux, triste, voire un peu déprimé. Mais je pense qu’il a un entourage familial et amical qui saura trouver les mots pour passer au-dessus de tout ça. Contractuellement, il est tranquille, il touchera le salaire que Patrick Lefevere lui doit." »

Pour Davide Martinelli, ancien coéquipier d’Alaph' à la Quick Step, aujourd’hui directeur sportif de l’équipe italienne Team Colpack et qui ne préfère pas s’étendre sur les brouilles d’équipe, le Français possède toujours le niveau pour se battre avec les meilleurs : « Julian est un gars normal qui ne se prend pas pour un champion alors qu’il l’est. Quand il a un objectif, il fait vraiment tout pour l’atteindre, en travaillant très dur. Même si le niveau a augmenté sur ce genre de courses, avec Van Der Poel, Van Aert ou Pogacar, Julian a encore le niveau pour se mêler à la lutte. »

Une possible rupture de contrat ?

Mais que faire si, à force de se faire harceler par son manageur, notre Julian national éprouve le besoin de s’éloigner d’un environnement toxique, même s’il ne lui reste que quelques mois de contrat avec la formation belge. « Il peut y avoir une rupture de contrat préalable, détaille Pascal Chanteur. Le coureur, son agent et l’employeur doivent être d’accord. Bon, l’agent et Julian, je ne suis pas sûr qu’ils aient envie. Non seulement parce que c’est un très bon contrat à la Quick Step, et qu’il sera difficile de trouver ailleurs la même chose. En plus, toutes les autres équipes ont bouclé leurs effectifs, que ça soit au niveau du nombre, imposé par l’UCI, et au niveau de la masse salariale. Aujourd’hui, Julian n’a pas beaucoup de solutions. »

Et l’agent de Julian Alaphilippe, Dries Smets, n’est pas du genre à casser les contrats en plein milieu d’une saison, comme il l’expliquait dans « Le Quotidien du Sport » : « Historiquement, un contrat dans le vélo se respecte. On ne doit pas faire de démarche envers d’autres équipes tant qu’il y a encore un contrat en cours. Ces dernières années, cette donnée change un peu. Et je ne suis pas fan de cette évolution. » Alors, la cohabitation entre Lefevere risque de se poursuivre encore quelques mois, avec la possibilité que le Flamand ressorte à tout moment la sulfateuse.

« Alaphilippe est un champion »

« La seule solution est d’avoir une discussion claire, éclairée et sans faux-fuyant pour mettre les choses à plat, reprend Pascal Chanteur. Dans un sport où le but premier est l’effort physique, la priorité est de mettre son salarié dans les meilleures conditions. S’il a des reproches à formuler à Julian Alaphilippe, il le fait comme il se doit dans son bureau, ou à son agent ou par lettre recommandée. Julian Alaphilippe reste un champion, il est capable de gagner encore des courses. La Quick Step ne doit pas se mettre de bâtons dans les roues. »

Imaginez Julian Alaphilippe gagner les Strade Bianche ou Milan-San Remo, avec Patric Lefevere qui court vers le Français, tel un amoureux transi qui retrouve son partenaire à l’aéroport. Utopique ? Pas vraiment, selon Davide Martinelli : « La Quick Step, c’est vraiment comme une famille. Il y a toujours eu une bonne atmosphère dans l’équipe et Patrick Lefevere a quand même fait beaucoup de choses pour lui. J’espère même que Julian prolongera son contrat dans l’équipe. » Oui, alors là, faut pas trop pousser non plus.

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