Mixité obligatoire, non-binarité reconnue… Le quidditch, c’est bien plus que « le sport des sorciers »

HORS TERRAIN Pour la première fois, Lyon accueillera ce week-end la Coupe de France de quidditch, sport popularisé grâce à la saga Harry Potter, qui veut désormais se dissocier de son autrice, J. K. Rowling après ses propos transphobes

Elise Martin
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Du Quidditch au Quadball, à la découverte d'un sport... insolite — 20 Minutes
  • Toutes les deux semaines, dans sa rubrique « hors terrain », 20 Minutes explore de nouveaux espaces d’expression du sport, inattendus, insolites, astucieux ou en plein essor.
  • Aujourd’hui, place au quidditch qui sera officiellement appelé « quadball » après la Coupe de France qui se déroule ce week-end à Lyon. Une première depuis la création du club lyonnais des Crookshanks en 2012.
  • La raison de ce changement de nom ? La volonté des pratiquants et pratiquantes de se dissocier de l’univers d’Harry Potter, des droits que possède Warner Bros mais surtout de l’autrice de la saga, J.K Rowling, qui a tenu des propos transphobes. Un positionnement à l’opposé des valeurs de la discipline.

Douze équipes venues des quatre coins de l’Hexagone se rencontrent ce week-end à Lyon, à la plaine des jeux de Gerland. A quelle occasion ? La Coupe de France de quidditch. La discipline, tout droit sortie de la saga Harry Potter, mélange handball, rugby, balle aux prisonniers… et un tuyau d’un mètre en PVC entre les jambes. « Au tout début, quand la discipline est sortie des livres et des films, les gens jouaient avec des capes et des vrais balais en bois. C’était comme du cosplay », se souvient « Run », joueur de l’équipe lyonnaise Crookshanks depuis 2014. Très vite, la pratique a voulu se dissocier de l’univers magique et du jeune sorcier pour être « plus sportive », « être davantage prise au sérieux ». Mais aussi, pour s’éloigner de celle qui l’a imaginée : J.K Rowling, l’autrice à la renommée mondiale critiquée pour ses opinions sur la communauté LGBTQIA + et qui tient depuis plusieurs années des propos transphobes.

« Dès 2005 et la création de l’activité in real life, les étudiants états-uniens voulaient intégrer tout le monde, garçons comme filles, sans restriction comme ça peut l’être dans d’autres clubs », explique Naomi, également membre des Crookshanks. Ainsi, les règles sont claires : il ne peut y avoir plus de quatre joueurs ou joueuses (sur sept) d’une équipe du même genre sur le terrain. « La mixité obligatoire permet d’éviter les reproductions sociales présentes dans le sport, complète Mélanie, trésorière de l’association lyonnaise. On arrête ainsi de penser que les hommes sont trop forts et qu’ils doivent occuper tous les postes clés. Les femmes ne sont pas là pour faire de la figuration sur le terrain. »

Le quidditch veut « aller encore plus loin plus dans l’inclusivité »

Ces règles, qui évoluent tous les deux ans via l’International Quidditch Association (IQA), vont aller « encore plus loin dans l’inclusivité », appuie Mélanie, qui est également poursuiveuse. « On aimerait que le règlement passe à trois personnes de même genre maximum sur le terrain. C’est aussi un moyen de mettre en avant qu’on ne joue pas que sur deux genres et qu’il est nécessaire d’évoluer sur ces questions-là. » Le quidditch est l’un des rares sports qui reconnaît la non-binarité.

La mixité fait donc partie de l’identité du quidditch, notamment à Lyon où « beaucoup font partie de la communauté LGBTQIA + », précise Mélanie. Parmi les 30 personnes licenciées de cette saison, nombreuses sont celles qui ont intégré et sont restées dans l’équipe spécifiquement pour l’inclusion. C’est le cas de Clara, à la présidence du club, qui affirme : « Je peux vraiment être moi-même. » Les Crookshanks ont d’ailleurs signé en février la Charte pour favoriser l’inclusivité, tout comme les Copper Foxes de Metz.

Récemment, le club lyonnais a même initié un système de « brassards de genre », sur une idée de Jules, poursuiveur. Il développe : « Le but est de proposer quelque chose qui évite le mégenrage [action, volontaire ou non, de désigner une personne par un genre qui ne correspond pas à son identité de genre], car j’en ai été victime lors de différents matchs. » Ainsi, sur la base du volontariat, le ou la joueuse indique grâce à la couleur de son bandeau porté sur le bras, s’il ou elle se considère homme ou femme cis [qui se reconnaît dans genre assigné à sa naissance], non-binaire [qui ne se reconnaît pas comme strictement femme ou strictement homme] ou agenre [qui ne se reconnaît dans aucun genre], et les pronoms à employer pour le ou la définir.

« Un gros doigt d’honneur fait à » J.K Rowling

« La Fédération du quidditch français a décidé de nous soutenir et a financé l’achat de brassards pour les autres équipes, poursuit Mélanie. Ce dispositif a même été déployé lors d’une compétition européenne. Cette proposition a permis de lancer une réflexion plus large et, ainsi, continuer de construire une discipline la plus inclusive possible. » A son échelle, l’équipe lyonnaise a également effectué des temps de sensibilisation de ses membres aux questions de genre et de sexualité.

C’est dans ce contexte qu’il a donc paru évident de se dissocier de J.K Rowling. L’IQA avait déjà déclaré en juillet 2022 délaisser définitivement le terme « quidditch » pour celui de « quadball ». En France, la Fédération adoptera le nouveau nom après le tournoi de ce week-end à Lyon. « C’est important de se séparer de J.K Rowling pour garder les valeurs du sport que les fans ont construit, indépendamment d’elle et de son œuvre », appuie Mélanie.

Elle indique toutefois qu’il était nécessaire de trouver de nouveaux termes également en raison des droits qui appartiennent à la Warner Bros. « Modifier le nom du sport, je le vois comme un gros doigt d’honneur fait à l’autrice, sourit Jules. On s’est réapproprié son concept et on en a fait ce qu’elle déteste. Les personnes trans jouent en toute liberté, dans un lieu safe, entourées de bienveillance. » Et le poursuiveur de raconter à quel point les Crookshanks ont été importants pour lui : « J’ai fait ma transition au fil des saisons. Le terrain de quadball a été le seul endroit où je n’ai pas ressenti de jugement. J’y ai reçu énormément de soutien. C’est pour ça que ce sport aura toujours une place particulière dans ma vie. »

C’est quoi le quidditch-quadball ?

D’abord créée en 2005 aux Etats-Unis par des étudiants fans d’Harry Potter, la pratique est arrivée dans l’hexagone en 2011. Elle est encadrée par la Fédération du quidditch français (FQF) depuis 2013 qui fait le lien avec l’association internationale. Actuellement, le championnat regroupe 16 équipes adultes et trois juniors et plus de 200 joueuses et joueurs. Le quadball, qui mélange handball, rugby et balle aux prisonniers, se joue en deux équipes de sept et impose de ne pas avoir plus de quatre personnes de même genre dans la même équipe sur le terrain. C’est le seul sport collectif de contact qui rend obligatoire la mixité et qui reconnaît la non-binarité.