Roland-Garros : Arthur Fils et Luca Van Assche relancent-ils les espoirs du tennis français ?
TENNIS Les deux amis franciliens, grands espoirs de la génération 2004, entrent en lice ce lundi dans le tableau final de Roland-Garros, pour la première fois de leur carrière
- Arthur Fils (18 ans) et Luca Van Assche (19 ans) font partie des belles curiosités de ce lundi de Pentecôte à Roland-Garros, pour leur première participation dans le tableau final.
- Ces deux amis franciliens de la génération 2004, vainqueurs de leur premier tournoi professionnel cette année, sont les plus jeunes membres du Top 100 de l’ATP.
- Incarnant les principaux espoirs du tennis masculin français, ils affronteront en fin d’après-midi respectivement Alejandro Davidovich Fokina (tête de série numéro 29) sur le court Simonne-Mathieu et l’Italien Marco Cecchinato (72e à l’ATP) sur le court numéro 14.
A l’Open Parc de Lyon et à Roland-Garros,
En fin d’après-midi, en ce lundi de Pentecôte, le public de Roland-Garros va parallèlement découvrir pour de bon les deux visages de la relève du tennis français, Arthur Fils
(18 ans) et Luca Van Assche (19 ans). Respectivement opposés à l’Espagnol Alejandro Davidovich Fokina (tête de série numéro 29) sur le court Simonne-Mathieu et à l’Italien Marco Cecchinato (72e à l’ATP) sur le court numéro 14 si cher à Lucas Pouille, les deux Franciliens issus de la génération 2004 ont des destins liés depuis très longtemps. « C’est dingue, a reconnu dans un grand sourire Arthur Fils, dimanche face aux médias. Avant même de s’affronter en finale juniors ici en 2021, on a joué ensemble en tournois multichances (TMC) à 10 ou 11 ans, donc ça remonte à pas mal de temps. »
Puis ils se sont suivis dans les principales étapes de leur vie sur les courts, non sans se chambrer gentiment depuis toujours ou presque. « On se fait souvent une petite blague, révèle ainsi Arthur Fils, d’un mois le cadet du duo. Luca m’avait un peu mis dans le rétro après son Challenger remporté à Pau en mars. Là, c’est moi qui le mets un peu dans le rétro et on va voir où on en est à la fin de Roland. » Car oui, Arthur Fils a marqué les esprits dans le meilleur timing possible, en remportant samedi à Lyon l’Open Parc, soit le premier titre du circuit professionnel de sa carrière, juste avant de fêter ses 19 ans.
« Le Français qu’on a tous envie de voir jouer »
L’Essonien a fait coup double en intégrant pour la première fois le Top 100 de l’ATP (63e), où il y est le plus jeune membre… avec Luca Van Assche (82e), évidemment. Avant leur découverte du tableau final de Roland-Garros « chez les grands », on a voulu prendre le pouls du début de hype concernant les deux jeunes joueurs, en se rendant donc au tournoi ATP 250 de Lyon mercredi dernier. On s’est par hasard retrouvé à côté d’un jeune tennisman hurlant à tout va entre les points du huitième de finale Arthur Fils-Mikael Ymer: « C’est mon gars ça, il est dans la lignée de Monfils ! ». Venu de Chambéry avec son club de tennis « exprès pour découvrir Arthur Fils en vrai », Sacha Bocquet (17 ans) faisait partie des dizaines de jeunes spectateurs à s’égosiller devant les revers le long de la ligne et autres sublimes lobs liftés du prometteur Francilien.
« Le voir débarquer dans le Top 100 mondial, à même pas 19 ans, est déjà exceptionnel, s’enthousiasmait ce 15/1 savoyard, qui suit de près ses débuts professionnels sur TennisTV. Il a un jeu agressif, il s’arrache sur tous les points. Son côté showman fait de lui le Français de la nouvelle génération qu’on a tous envie de voir jouer. » Ce jour-là, le court central du parc de la Tête d’Or était resté sur sa faim, la faute à un pétage de câble lunaire du Suédois Mikael Ymer, disqualifié à 5-6 au premier set après avoir fracassé sa raquette contre la chaise de l’arbitre.
Le « charisme naturel » d’Arthur Fils
« On sait que le tennis est un peu un sport qui rend fou », a réagi quelques minutes plus tard Arthur Fils, tel un vieux briscard philosophe du circuit. Vainqueur trois jours plus tard du tournoi, celui qui s’entraîne au Centre national d’entraînement de la Fédération française de tennis (comprendre à Roland-Garros) lâchait au micro, à la remise du trophée : « Merci à ma team, ce ne sera pas le dernier les gars ». Car ce n’est pas le genre de la maison de cacher ses grandes ambitions, comme le confirme un membre de son entourage : « Dès le plus jeune âge, Arthur a mis en place une équipe individualisée autour de lui. Il n’a pas envie de se mettre de limite et il assume son envie d’aller le plus haut possible, c’est dans son éducation. Là, il a actuellement envie de compléter son équipe professionnelle qui se trouve en permanence autour de lui, tout comme le font les joueurs du Top 10 ».
Son entraîneur depuis décembre, Laurent Raymond, est conscient d’avoir face à lui un drôle de potentiel, qui s’accompagne d’un showman notoire : « Il dégage un charisme naturel. Il n’y a rien de forcé chez Arthur, il amène de la fraîcheur et il sait aller chercher le public, comme pouvait le faire un Jo-Wilfried Tsonga ». On a hâte de découvrir ce que ça donnera sur le Simonne-Mathieu, face à un adversaire aussi redoutable sur terre battue qu’Alexander Davidovich Fokina, finaliste à Monte-Carlo l’an passé après y avoir sorti Novak Djokovic. Après tout, Arthur Fils s’est déjà offert à son tableau de chasse en 2023 Richard Gasquet, Roberto Bautista-Agut et Stanislas Wawrinka. Laurent Raymond repère un fil rouge dans les derniers mois convaincants de son protégé.
Arthur est tellement puissant qu’il avait l’impression qu’il pouvait tout le temps faire des trous dans la balle et faire le point ainsi à chaque fois. Mais le tennis, ce n’est pas ça, il a désormais bien intégré qu’il devait être consistant sur du jeu neutre, et apprendre à construire son point. Ce qui est bien avec lui, c’est qu’il a une très bonne lecture du jeu et qu’il se souvient de quasiment tous les points après chacun de ses matchs. Durant les tournois, on aime aller assister à plusieurs matchs. Je l’incite ensuite à écrire lui-même des fiches sur les caractéristiques des joueurs qu’il a observés. »
Luca Van Assche en licence à Paris-Dauphine
Des devoirs de tennis qui participent à l’envol d’Arthur Fils, là où Luca Van Assche s’appuie sur de véritables devoirs dans le cadre de sa deuxième année de licence en mathématiques et informatique à l’Université Paris-Dauphine. Oui oui, à tout juste 19 ans, car ce natif de Belgique a tranquillement eu son bac avec deux années d’avance. « C’est son équilibre, note Yannick Quéré, l’un de ses entraîneurs. C’est un garçon discret, avec un environnement très stable. Il est passionné par le jeu depuis tout petit et il n’y a pas eu de fulgurance soudaine pour lui, juste des indicateurs forts à certains moments. Son titre de champion de France des 13-14 ans en 2018 a été une étape importante dans sa tête, tout comme sa victoire en juniors à Roland-Garros contre Arthur ensuite. »
Vivant encore - comme Arthur Fils - au domicile familial, situé… Porte d’Auteuil, Luca Van Assche prépare légèrement plus dans l’ombre que son pote ce premier Roland-Garros, en raison de la récente aventure lyonnaise de Fils. « Il y a de l’effervescence autour de Luca mais il sait qu’il n’a encore rien gagné, glisse Yannick Quéré. Sa seule pression, ce sont les objectifs qu’il s’est fixés. Le premier était de vite entrer dans le Top 100, et maintenant c’est réalisable de viser le Top 50. Il a besoin de s’approprier ce nouveau monde. »
L’ombre de Noah traverse le temps
Un monde dans lequel Carlos Alcaraz et Holger Rune, qui n’ont qu’un an de plus que le tandem Fils-Van Assche, ont déjà pris beaucoup d’avance. L’Espagnol de 19 ans, favori à Paris en l’absence de Rafael Nadal, a ainsi déjà glané un Grand Chelem (l’US Open 2022) et la place de numéro un mondial. Soit le rêve d’une vie quand on est un tennisman français et qu’on célèbre en ce printemps les 40 ans du sacre de Yannick Noah à Roland-Garros, le dernier d’un tennisman français en Grand Chelem. Ce si lointain 5 juin 1983 représente-t-il d’ailleurs encore un poids pour notre duo de choc né 21 ans plus tard ?
Ce qu’il a fait ce jour-là était incroyable, a confié Arthur Fils dimanche à Roland-Garros. J’ai regardé cette finale toute ma vie. Voir son père entrer sur le terrain comme ça après la balle de match… C’est l’une de mes idoles depuis très longtemps. C’est normal qu’il y ait des attentes de la part du public français, c’est le jeu. Mais cette longue période sans Grand Chelem français, ça ne me met pas de pression supplémentaire. Je n’ai que 18 ans, j’ai toute ma carrière devant moi. »
Ces deux « très bons amis » ont préparé leur saison de terre battue ensemble à Nice. Un symbole de « l’émulation très saine dans cette génération, ce qui profite à tout le monde », comme l’estime Yannick Quéré. Pour ce dernier, qui entraîne Luca Van Assche depuis neuf ans, « Richard Gasquet était très fort très jeune et il a alors vécu beaucoup plus de pression que Luca et Arthur actuellement ».
La fin du « Big Three » va-t-elle tout changer ?
L’un des principaux motifs d’espoir, pour imaginer un jour Arthur Fils et/ou Luca Van Assche soulever un Grand Chelem, est ailleurs. « Le "Big Three" Nadal-Federer-Djokovic raflait 90 % des plus grands tournois pendant tellement longtemps, souligne Frédéric Fontang, ancien entraîneur de Jérémy Chardy, et désormais coach du Canadien Félix Auger-Aliassime (22 ans). Là, on constate que la bataille est à présent bien plus ouverte. Les niveaux de jeu se sont nettement resserrés, quand on voit Alcaraz perdre à Rome contre un joueur au-delà du Top 100 [le Hongrois Fabian Marozsan, alors 135e à l’ATP]. Tous les joueurs du Top 20 comme Félix deviennent vraiment des prétendants pour remporter un Grand Chelem, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans. » Une nouvelle donne synonyme de rêves possibles pour nos 2004 tricolores, au milieu des Alcaraz, Sinner, Rune et Ruud, contrairement donc à la génération des quatre Mousquetaires (Gasquet-Tsonga-Monfils-Simon) des années 2010.
« Rentrer dans les 100 avant 20 ans, ça ne garantit rien pour la suite mais c’est un très bon signe », précise Frédéric Fontang. Arthur Fils et Luca Van Assche ont ce lundi une superbe opportunité de montrer à quel point ils sont dans les temps de passage de leurs/nos rêves les plus fous. « On joue pour ce genre de matchs, insistait Arthur Fils à la veille de son premier tour. Emotionnellement parlant, ma semaine à Lyon a été un peu épuisante mais on a bien bossé avec mes entraîneurs pour savoir gérer ces matchs en cinq sets. Je serai face à un excellent joueur mais j’ai confiance en moi. » Avant un nouveau « point rétro » au deuxième tour, puisque le tirage au sort de Roland-Garros nous a offert un possible remake de la finale juniors de 2021 ?