Coronavirus : Mais comment Wimbledon a-t-il eu l’idée de s’assurer contre une pandémie (et pas Roland-Garros) ?

TENNIS Malgré l’annulation de son édition 2020, les pertes économiques pourraient être minimes pour le Grand Chelem britannique

Clément Carpentier
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L'édition 2020 de Wimbledon n'aura pas lieu.
L'édition 2020 de Wimbledon n'aura pas lieu. — BEN STANSALL / AFP
  • Les organisateurs de Wimbledon ont annoncé mercredi l’annulation de l’édition 2020 en raison de l’épidémie de coronavirus Covid-19.
  • Une décision radicale mais qui ne devrait pas mettre en grande difficulté le tournoi qui aurait souscrit il y a quelques années une assurance annulation avec une clause spéciale « pandémie ». Une exception dans le monde du sport.
  • Si pour l’instant Roland Garros a simplement été reporté, le Grand Chelem français est-il lui assuré ? Le doute demeure aujourd’hui

C’est inédit. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, un tournoi du Grand Chelem est annulé : Wimbledon n’aura donc pas lieu cette année. Le All England Lawn Tennis and Croquet Club, l’organisateur du prestigieux tournoi sur gazon, a officialisé mercredi son annulation pure et simple de l’édition 2020 qui devait se tenir du 29 juin au 12 juillet. « La priorité dans notre esprit a été la santé et la sécurité de tous ceux qui se réunissent pour que Wimbledon ait lieu et avec la probabilité que les mesures du gouvernement se poursuivent pendant plusieurs mois, nous pensons que nous devons agir de manière responsable pour protéger le grand nombre de personnes. La 134e édition du tournoi aura lieu du 28 juin au 11 juillet 2021 », déclare-t-il.


Pas de report comme Roland Garros mais une annulation. Pourquoi ? Tout d’abord, parce que le Grand Chelem britannique se déroule sur herbe, difficile donc d’imaginer Djokovic, Federer and co sur le Center Court en pleine automne. Ça pourrait se terminer en bain de boue. Sur ce point, la terre battue laisse plus de marge. Mais si Wimbledon se permet une année blanche, ce serait aussi en raison d’une assurance très prévoyante. Alors que c’est la panique à bord pour un peu près tous les comptables de clubs sportifs du monde en ce moment, le tournoi anglais aurait souscrit une assurance annulation avec une clause spéciale « pandémie » selon plusieurs médias britanniques, dont le Telegraph. Une initiative salutaire confirmée par Dick Hordorff, le vice-président de la Fédération internationale, à un média allemand : « Wimbledon est le seul Grand Chelem à avoir vu assez loin dans le futur pour s’assurer contre la menace d’une pandémie mondiale. Donc les dommages financiers devraient être minimes ».



Peu importe le prix pour les Britanniques

Le Daily Mail précise même qu’elle couvrirait jusqu’à 250 millions de livres de pertes (282 millions d’euros). Tout cela en sachant que le chiffre d’affaires du Grand Chelem se situe dans les mêmes eaux depuis quelques années. Les conséquences financières de cette annulation ne se limiteraient finalement qu’à une baisse des revenus de merchandising et de consommation alimentaire : « C’est très dans la culture britannique d’avoir pris cette assurance, si c’est bien le cas. Ils ont une vraie culture de l’anticipation et du pragmatisme, car peu importe ce qu’il se passe, pour eux, le business doit continuer ou en tout cas, on ne doit pas perdre d’argent », explique un financier de la City spécialisé dans les investissements dans le sport. Et surtout, peu importe le prix. Celui de Wimbledon serait à sept chiffres.


S’ils sont si peu à y avoir pensé, c’est justement à cause de son prix : « On ne m’a jamais proposé ce genre d’assurance mais de toute manière, il faut être clair : les assurances annulation sont beaucoup trop chères et rares sont ceux qui cotisent… », rappelle Jean-Baptiste Perlant qui a lui-même dû annuler l’édition 2020 de son tournoi, le Challenger de la Villa Primrose de Bordeaux. Ces assurances représenteraient 1 à 2 % des budgets des événements, selon Laurent Cellot, courtier et directeur Sports et Loisirs chez Gras Savoye Willis Towers Watson. Celui qui assure le risque « intempéries » optionnel pour Roland Garros avoue que ce pourcentage pourrait rapidement doubler après la crise.

Roland Garros a-t-il pris une assurance annulation ?

Alors justement, notre bon vieux Grand Chelem est-il assuré en cas de pandémie ? Et surtout d’annulation ? « Je ne peux ni infirmer, ni confirmer cette information comme quoi il ne le serait pas. Je peux juste dire que des discussions à ce sujet ne sont pas à exclure », précise Laurent Cellot en expliquant que sur ce type d’événements, les assureurs sont multiples. Il préfère insister sur la décision de report qui permet de « limiter le préjudice pour le moment, puisque les recettes billetterie restent acquises par exemple. »

Reste qu’en cas d’annulation dans les prochains mois, le responsable du développement économique de la FFT a d’ores et déjà annoncé que ce serait un manque à gagner de 260 millions d’euros pour la fédération.


Cette situation pose bien sûr une question : faut-il s’assurer contre tout ? « Il faut surtout s’adapter à l’évolution du monde. La question du terrorisme est de plus en plus présente, on nous a par exemple demandé récemment une assurance pour le risque d’un attentat par drone », affirme le courtier en assurance. Pour lui, ce n’est pas une question de culture française ou britannique. Par exemple, si Wimbledon a une assurance en cas de décès de la Reine et des conséquences que cela entraînerait, il existe la même chose en cas de décès prématuré d’un président en activité en France.

Celui qui assure 60 % du marché sportif français note tout de même une faiblesse. Si « 80 % des organisateurs d’événements ponctuels souscrivent une assurance annulation, ce n’est pas forcément le cas des clubs qui travaillent plus sur du huis clos ». C’est pour cette raison que les clubs de Ligue 1 et surtout de Top 14 se retrouvent aujourd’hui avec une sorte d’épée de Damoclès sur la tête. A contrario, on comprend mieux le célèbre flegme de nos voisins britanniques et en particulier des organisateurs de Wimbledon aujourd’hui, malgré une crise sanitaire sans précédent dans le monde.