Coupe du monde de rugby : « Il faut assumer ce qui s’est passé », a-t-on vu les Blacks se faire manger comme ça depuis 20 ans ?

RUGBY Les Néo-Zélandais, qui n'ont pas eu la moindre chance de rentrer dans le match, signent leur plus grosse défaite en Coupe du monde depuis 1999

Mathias Cena
Les All-Blacks ont échoué aux pieds des Anglais en demi-finale, le 26 octobre 2019 à Yokohama.
Les All-Blacks ont échoué aux pieds des Anglais en demi-finale, le 26 octobre 2019 à Yokohama. — Mark Baker/AP/SIPA

De notre correspondant à Tokyo (Japon),

Un jour noir pour les All-Blacks. Dominée des pieds, de la tête, des épaules et jusqu’à la pointe des oreilles pendant 80 minutes, la Nouvelle-Zélande s’est lourdement inclinée en demi-finale de la Coupe du monde de rugby, samedi face à l’Angleterre (19-7), sans avoir vraiment eu la moindre chance de rentrer dans le match. Les triples champions voient ainsi plonger dans l’herbe de Yokohama une série d’invincibilité de 18 matchs en Coupe du monde, et la perspective d’un troisième titre consécutif.

Une grosse entaille dans la légende des hommes en noir, dont les défaites en Coupe du monde ces vingt dernières années se comptent sur les doigts d’une main de schtroumpf : une grosse fessée contre la France (43-31) en demi-finale en 1999, une demie perdue face à l’Australie en 2003, et leur dernière déception en date jusqu’à ce samedi : un quart concédé au XV de France (20-18), en 2007, après un en-avant assez grossier oublié par Wayne Barnes sur le deuxième essai tricolore. 

« Aucune défaite n’est facile, philosophe Steve Hansen, qui vit sa dernière Coupe du monde à la tête des Blacks. Le seul petit mieux par rapport à 2007, c’est que c’était en quarts et que là c’est en demies. Les gars sont vraiment déçus. Mais quand on ne réussit pas à faire ce qu’on veut, il faut assumer et accepter ce qu’il s’est passé. Les Anglais sont une très bonne équipe, donc il n’y a pas de honte. »

Première attaque avant le coup de sifflet

Difficile effectivement de ne pas saluer la performance sans faille des Anglais, pas croisés en Coupe du monde depuis 1999, et qui avaient axé toute leur préparation sur ce match. « On a eu deux ans et demi pour se préparer, glisse Eddie Jones après la victoire. Eux n’ont eu qu’une semaine. » Après avoir dominé le terrain médiatique toute la semaine par la voix gouailleuse et un rien roublarde de leur coach, les Anglais n’ont pas voulu perdre une seule seconde, en commençant à museler les All-Blacks dès la sortie des vestiaires.

A peine évaporées les dernières notes du God Save the Queen, le XV de la Rose a lancé une première incursion derrière la ligne médiane alors que les Néo-Zélandais n’avaient pas encore commencé leur haka. Renvoyés dans leurs 22 par l’arbitre, les Anglais ont plié le match symboliquement, en formant sur la pelouse le V de la victoire avant même le coup de sifflet.


« On ne voulait pas simplement rester plantés là, décrypte après coup le capitaine anglais, Owen Farrell. Tout en gardant une distance respectueuse pendant le haka, on ne voulait pas juste être alignés et attendre que ce soit fini. »

Une légende écornée en une centaine de secondes

Perturbés pendant leur danse rituelle, les All-Blacks n’étaient pourtant qu’au début de leurs souffrances. Dès la deuxième minute, une attaque-éclair au marteau pilon anglais se solde par un essai de Manu Tuilagi, un record de vitesse jamais subi en Mondial de mémoire kiwie. En moins d’une centaine de secondes, la légende des All-Blacks était déjà écornée. « La Nouvelle-Zélande est le dieu du rugby, persifle Eddie Jones. Il fallait qu’on les mette sur la défensive autant que possible. La pression psychologique, la capacité à comprendre ce qui donne de l’énergie et ce qui en enlève sont des facteurs importants. On a joué selon nos forces, gardé l’équipe disciplinée et respecté le plan de jeu. »


Le score de 10-0 à la pause peine d’ailleurs à refléter la domination anglaise, aussi bien en attaque qu’en défense. Entre les occasions ratées et les essais refusés, la sanction aurait pu être bien plus lourde. « On a parlé à la mi-temps de ne pas faire qu’attendre mais aussi d’aller chercher le jeu, raconte Steve Hansen. Il fallait qu’on soit affamés avant qu’il ne soit trop tard, essayer de lancer un mouvement en avant. Mais les Anglais ont été très bons. »

Au final, les All-Blacks ont dû attendre 56 minutes avant de marquer le moindre point, une première depuis leur plantade contre l’Australie en 1991. C’est aussi la première fois que la Nouvelle-Zélande ne poste pas de résultat à deux chiffres depuis la finale gagnée contre la France en 2011 (8-7). « Les gars ont donné tout ce qu’ils avaient, mais à la fin on n’a pas été assez forts, résume le capitaine Kieran Read, l’œil en sang. Aujourd’hui, on a très mal mais on se relèvera pour aller de l’avant. »