Le CNOSF va lancer sa propre chaîne de télé pour montrer les sports qu'on ne voit jamais
MEDIAS Squash, tir, aviron, bad... Il y aura de la place pour tout le monde, promet le Comité olympique
- Le CNOSF va lancer sa propre chaîne de télévision, en partenariat avec Media365.
- L'objectif est de renforcer l'exposition médiatique de tous les sports, dont une grande majorité ne passe que très peu - voire pas du tout - à la télé.
Ce n’est pas le sujet prioritaire au sein des Fédérations en ce moment, alors que l’avenir des cadres techniques sportifs est incertain et que toute la gouvernance du sport en France est en train d’être repensée. Mais justement. Voilà un sujet moins lourd, et surtout censé être une bonne nouvelle pour l’ensemble du mouvement sportif. Le CNOSF va lancer dans les prochaines semaines – dans l’idéal pour le 28 mai, date de sa prochaine assemblée générale – sa propre chaîne de télévision. Pour montrer tous les sports. A tout le monde.
C’est en tout cas l’objectif que s’est fixé le Comité olympique. Après des partenariats pas toujours à la hauteur des attentes avec la chaîne du groupe L’Equipe puis France Télévisions, la maison mère a décidé de s’allier avec Media365 pour créer un nouveau canal, sur-mesure, et sur lequel elle aura vraiment la main.
Une chaîne « pour l’égalité des chances »
« La programmation se fera indépendamment de l’audience. Si on a envie de passer un sport qu’on ne voit jamais le samedi à 20h00, on le fera, avance Denis Masseglia, le patron du CNOSF. Ça, c’est complètement différent de tout ce qu’on a vécu jusqu’à présent, où on nous disait "oui mais ça, ce n’est pas suffisamment attractif". Je crois en l’égalité des chances. »
C’est parti, donc, pour du karaté, du tennis de table, de la lutte, du pentathlon, de l’haltérophilie et tout ce que vous voudrez. « Le hockey sur gazon, ça ne passe jamais. C’est une équipe qui va participer aux Jeux, il faut la montrer aux gens, reprend Masseglia. C’est un sport qui est considéré autrement dans d’autres pays, pourquoi il ne pourrait pas émerger demain chez nous ? On ne lui a jamais donné la chance de pouvoir le faire. »
Du contenu disponible pour tous
Dans cette optique de démocratisation, cette chaîne, qui disposera d’un budget d’environ 2,5 millions d’euros, devra être visible par le plus grand nombre. Les discussions sont encore en cours, mais elle devrait être présente sur le câble et le satellite, et distribuée par tous les opérateurs. Elle sera également disponible sur Internet. Bref, impossible de la rater pour ceux qui seront intéressés.
Mieux, le CNOSF et Media365 ont décidé d’offrir leurs images à tous les médias qui en feront la demande. France Télévisions veut diffuser les derniers matchs du TQO de volley ? C’est possible. BeIN Sports est intéressé par un documentaire sur la gymnaste Mélanie De Jesus Dos Santos ? C’est possible aussi. Et si je vous demande de me mettre avec ça les championnats de France d’aviron, là ? Si si, c’est toujours possible.
« C’est un modèle qui peut paraître surprenant, mais on a vraiment cette logique de prosélytisme poussée à l’extrême, explique Guillaume Sampic, le directeur général de Media365. Tout ce que nous produirons appartiendra au CNOSF et à ses Fédérations. Ils en disposeront comme bon leur semble. Il ne faut pas voir cette chaîne comme une concurrente de celles qui existent déjà mais comme une chaîne de complément. »
La filiale du groupe de presse Reworld va produire elle-même environ 80 % des images qui seront diffusées, le reste provenant des Fédérations. En effet, la plupart d’entre elles proposent déjà des reportages et du direct, qu’elles diffusent sur leur chaîne Youtube. « C’est une bonne surprise, note Guillaume Sampic. On s’était dit, avec le CNOSF, que la qualité des images et leur quantité ne seraient peut-être pas au rendez-vous, et on s’est rendu compte ces derniers temps en se rapprochant d’elles que beaucoup de Fédérations, et pas que les grandes, ont des images de très bonne qualité. Ce serait dommage de s’en priver. »
Concrètement, voilà comment sera réparti le temps d’antenne :
- Un bon tiers sera consacré aux compétitions, en direct ou en différé. Certaines Fédérations assurent déjà leur production avec des prestataires extérieurs, mais pas mal d’événements ne sont pas du tout produits, ou alors pas au niveau de qualité requis pour une télévision. C’est là que Media 365 interviendra.
- Un petit tiers sera dédié à des reportages et des documentaires.
- Un dernier tiers ira aux émissions en plateau. Y seront abordés les grandes questions du sport, la gouvernance, l’arbitrage, la reconversion des sportifs, etc.
Au total, ce sont plus de 500 heures d’images qui seront produites par an. Du côté des Fédérations, si on accueille ce projet à bras ouverts, on se pose encore beaucoup de questions, notamment sur ce qui va leur être demandé pour faire vivre la chaîne. L’information n’est pas encore redescendue, mais « c’est en cours », promettent le Comité et Media 365. « Tout ce qui nous fait connaître un peu plus est bénéfique, c’est évident », note Philippe Crochard, le président de la Fédération de tir. « On regrette depuis longtemps que le public ne comprenne pas ce qu’on fait », ajoute un de ses collaborateurs.
Là se situe « le premier sens de cette chaîne », comme le dit Guillaume Sampic : la pédagogie, la découverte. Montrer des sports qu’on n’a pas l’habitude de voir à la télé, c’est expliquer leurs règles, leur environnement, leurs spécificités. Et si possible éveiller des vocations. « Ça va aider à faire de la France une nation sportive, croit Christian Palierne, le patron de la Fédération de tennis de table. Montrer qu’il existe autre chose que le foot, le tennis ou le cyclisme, et que chaque Français puisse trouver un sport qui lui plaise et lui corresponde. Que ce soit du tennis de table, du badminton, du squash, de la lutte, etc. »
Eveil des vocations et attrait de nouveaux sponsors
Pour arriver à cela, le dirigeant a son idée : « Il faudra aller au-delà de la simple retransmission d’images, rentrer dans les petites coutumes, les petites habitudes, qui font de chaque sport un milieu fermé. Il y a des choses très spécifiques à chaque discipline, ça peut être intéressant de faire pénétrer les gens dans ces coulisses. »
Pour éclairer les téléspectateurs sur ces spécificités et commenter les compétitions, Media365 s’appuiera sur des consultants issus des Fédérations. Au-delà des gens derrière leur écran, disposer d’une meilleure exposition peut aussi attirer des sponsors et aider certains sports à se développer. Denis Masseglia parlait du hockey sur gazon tout à l’heure. Fin novembre-début décembre dernier, la Chaîne L’Equipe avait diffusé la Coupe du monde. L’équipe de France y avait brillé, éliminant notamment les champions olympiques argentins en 16e de finale.
« On a eu d’excellentes retombées, raconte Bertrand Reynaud, le DTN. Beaucoup de gens ont pu voir ce qu’est le hockey, et surtout que des Français y jouent. Pour nous ça a été énorme. On ne peut pas parler d’une explosion du nombre de licenciés, bien sûr, mais en termes de partenariats, de visibilité, et sur la connaissance de notre sport, ça a été un atout majeur. La télé est un élément essentiel. »
Pour le dirigeant, il faut combiner « visibilité et réussite sportive » pour vraiment émerger. « Dans notre cas, un quart de finale de Coupe du monde ce n’est pas suffisant. C’était une très belle performance pour nous, mais la population ne se fie qu’aux médailles, en tout cas au début. Et encore, souvent il faut même un titre. » Ou une locomotive si on parle de sport individuel, comme le biathlon avec Martin Fourcade.
« Cette chaîne est une chance en tout cas, surtout dans la perspective des JO 2024 », reprend Bertrand Reynaud. Quant à son petit nom, il a semble-t-il été arrêté il y a quelques jours. Mais Denis Masseglia, à qui ce projet tenait à coeur depuis longtemps, tient à en garder la primeur de l’annonce. Elle ne devrait pas tarder.