VIDEO. JO 2018: Du cardio aux trajectoires, comment le VTT aide Pierre Vaultier à dominer le snowboard cross mondial
JEUX OLYMPIQUES Si Pierre Vaultier gagne autant, c’est en partie grâce au VTT…
De nos envoyés spéciaux à Pyeongchang,
Le réveil sonne à Pyeongchang. On se rue comme on peut sur le portable pour éteindre cette saleté de sonnerie avant de jeter un œil sur l’écran : il affiche 9 heures, le 14 février. Ah, merde, c’est la Saint-Valentin. L’embarras est à son comble. On broderait volontiers un récit amoureux à en faire pleuvoir des larmes, mais rien ne nous vient. Il y a, tout au plus, celui de l’amour très vache entre le boss du snowboard cross, Pierre Vaultier (qui entre en piste dans la nuit de mercredi à jeudi) et ses os récalcitrants.
Adieu la pliométrie, bonjour le VTT
De 2008 à 2013, le champion olympique 2014 s’est fracturé le dos, le péroné, la cheville avant de boucler ce grand-chelem médical par les croisés en 2013, peu avant Sotchi. Beaucoup auraient jeté l’éponge à sa place – à commencer par ses chirurgiens - pas lui. Pierre Vaultier, c’est la victoire de l’abnégation, mais certainement pas une histoire qui se termine bien. À 31 ans, ses articulations l’empêchent déjà de s’entraîner comme les autres pratiquants de sa discipline.
J’ai un gros problème de cheville, qui m’empêche de courir, de faire de la pliométrie, de faire des bondissements, bref, tout ce qui tape à répétition et que font les autres snowboardeurs pendant la préparation physique. »
À la place, le champion de snow troque la planche pour le vélo. Pendant tout l’été, il sillonne sur son VTT les sentiers poussiéreux de Serre Chevalier de haut en bas, et parfois de bas en haut. « Le vélo ça apporte pas plus en termes de cardio que du rameur ou de la course à pied. Le principal, c’est d’être dans les pulsations. » « On s’est dit qu’en vélo de descente, il n’y avait pas les impacts, mais il y avait des cycles étirements/contraction au niveau du genou et de la hanche, très rapides, très brusques, qui ressemblent un peu au travail pliométrique », nous confie pour sa part Olivier Bolliet, préparateur physique de l’équipe de France. Les résultats sont probants :
On a testé Pierre en bondissements dans le sable, en stage à l’océan. Et alors qu’il ne fait jamais de bondissements, il a eu les mêmes résultats que les autres. Donc oui, y a ses qualités physiques inhérentes, mais ça valide le processus. »
Le mérite de l’idée revient à Vaultier lui-même, « parce qu’il aime beaucoup le vélo », nous confie Bolliet. Vérification immédiate : « Je m’intéresse aux compét’de descente, mais je suis quand même tout ça de loin. » On n’a pas osé lui demander ce qu’il pensait du récent titre de champion de France de Steve Chainel en cyclo-cross, mais le cœur y était.
Autre avantage du VTT, et non des moindres, il comporte des similitudes techniques avec le snowboard cross et les autres épreuves alpines en général. « Techniquement ce qui peut m’apporter des choses, c’est la descente : de l’engagement, la fixation du regard, la concentration, des trajectoires ! » « On retrouve tout, les sauts, les bosses, les trajectoires », se satisfait le chef d’équipe du snowboard-cross Kevin Strucl.
Capable de claquer des Top 10 sur des spéciales de VTT
Pour que la boucle soit complète, le champion olympique n’hésite pas à s’aligner sur des compétitions de VTT en été, histoire de garder le rythme. Et le bonhomme ne fait pas semblant puisqu’il a déjà pris part à l’enduro de la MB Race au Mont-Blanc, dont l’organisation se vante d’être la plus dure du genre au monde. « Retrouver cet esprit de compétition l’été c’est positif… Nous on finit la saison mi-avril, on la recommence début décembre, ça fait vraiment longtemps loin de cette pression, donc c’est important pour ne pas perdre l’instinct de compétiteur », se réjouit Strucl.
Tout ça, c’est bien. Mais le risque de chutes à l’entraînement, alors ? « Il existe bien sûr mais le snowboard aussi c’est un sport à risques. Donc ça lui permet aussi de développer cet apprentissage de la gestion de la chute », répond Luc Faye, directeur des équipes de snow. Bolliet abonde : « non seulement ça m’inquiète pas, mais même, c’est plus pertinent. Ça permet de gérer la problématique de la chute dans l’effort, ce qui est aussi profitable pour le snowboard. »
Convaincu de l’efficacité de la méthode Vaultier, le staff de l’équipe de France a logiquement décidé de mettre tout le monde au VTT en été. Strucl : « S’ils sont bons ? Ça dépend lesquels. Pierre il fait du vélo depuis super longtemps donc oui, oui, il est bon. Ça dépend des spéciales, mais il lui arrive de faire des top 10, des top 15. En tout cas, on les aligne sur des courses en été, ça leur permet de prendre un départ en été, de retrouver des sensations, se remettre dedans. » Et pourquoi pas de claquer un jour l’or aux JO comme leur leader.