L’amour vacheEst-ce que ça drague au Salon de l’agriculture ?

Salon de l’agriculture 2024 : L’amour est-il dans les allées plus que dans le pré ?

L’amour vache« Ce qui se passe au salon reste au salon », a-t-on entendu à plusieurs reprises dans les travées de la grand-messe agricole
Les vaches, témoins silencieuses des histoires d'amour du Salon de l'agriculture.
Les vaches, témoins silencieuses des histoires d'amour du Salon de l'agriculture. - ISA HARSIN/SIPA / SIPA
Guillaume Novello

Guillaume Novello

L'essentiel

  • On aimerait dire que c’est un sujet tabou pour survendre notre article, mais la drague au Salon de l’agriculture ne l’est pas tant que ça.
  • Il y a la drague entre visiteurs, entre visiteurs et exposants mais surtout entre exposants entre eux, notamment parmi les éleveurs qui ont la particularité de loger au sein même du salon.
  • Et pour eux, « c’est un peu les vacances de l’année », explique Mélanie, avec soirées jusqu’au bout de la nuit qui parfois se concluent dans une cahute ou un local technique.

C’est sans doute l’un des secrets les mieux gardés du Salon de l’agriculture. Déjà parce qu’on n’en parle pas toujours avec facilité, mais aussi parce que le monde paysan est réputé pour être taiseux. Pourtant, il n’y a pas besoin de beaucoup de relances pour que les langues se délient. Oui ça drague au Salon de l’agriculture, ça va parfois plus loin et surtout, il y a une sorte de cartographie de la chope.

Comme dans notre article sur les provinciaux qui viennent au salon pour festoyer, tout part d’Aurélie, la maître d’hôtel de l’espace presse. C’est elle qui lève le voile sur l’amour au salon :

« C’était il y a quelques années. J’avais une amie récemment séparée d’une quarantaine d’années qui tenait un stand au pavillon Outre-Mer. Chaque soir un exposant mi basque-mi espagnol venait prendre son rhum. Puis chemin faisant, un « tu fais quoi ce soir ? Rien ? Moi, non plus » s’est transformé en une aventure d’une nuit. il est reparti dans le Sud [♪♪le midi, le midiiiiiiii♪♪], elle dans son 93 [♪♪là-haut, dans le brouillard♪♪] et ils ne se sont pas revus par la suite. » »

L’histoire – ou le mythe, impossible de vérifier – raconte que l’idylle s’est conclue, non dans un hôtel de la Porte de Versailles ♪♪ni sur l’autoroute des vacannnnnnnces ♪♪, mais dans un local technique du salon. Attention au coup de jus.

De la drague globalement gentille

« Il y a une convivialité, une bonne ambiance qui fait que c’est plus facile que dans un bar, explique Ludovic, le cofondateur de la brasserie biterroise la Gorge Fraîche. Hier on a vu un groupe de garçons se mélanger avec un groupe de filles, ça s’est fait naturellement. » Son collègue Yohan a vu un des amis discuter au stand avec une fille et revenir avec elle le lendemain. « On ne sait pas ce qu’il s’est passé mais ils sont repartis ensemble. »

Dans le hall des outre-mer qu’Aurélie nous avait également signalé comme point chaud, notamment en raison de l’effet désinhibiteur du rhum, Marie, qui propose des mini-shots d’alcool près d’un stand réunionnais, confirme qu’il « y a beaucoup de clients qui draguent avec l’alcool ». « C’est rare que ce soit très lourd, mais ça arrive parfois avec les gens bien bourrés », témoigne-t-elle, séduction et alcoolisation massive ne faisant pas toujours bon ménage. « C’est plutôt de la drague gentille, abonde Elise, de la brasserie nordiste La Choulette. Ce n’est pas comme dans la rue, on ne se fait pas siffler. »

« Les éleveurs du hall 1 sont chauds patate »

Mais s’il y a la drague de jour, il y a aussi la drague de nuit comme on l’apprend au stand des Jeunes agriculteurs. On commence par nier un tel phénomène puis, sans même vraiment insister, on concède : « Le jour, on fait du réseau politique, la nuit, on fait du réseau tout court ». Difficile de déterminer la part de vérité et la part de bravade, mais en tout cas, on nous assure que « les éleveurs du hall 1 sont chauds patate. Ils dorment dans le foin, ça se mélange ». Cette rumeur d’un hot spot au niveau du hall 1 est confirmée par Yohan, qui précise qu’ils dorment sur place pour rester à proximité de leurs bêtes.

Et effectivement, les éleveurs sont dans leur majorité logés au sein même du salon dans des dortoirs improvisés où la proximité est la règle. « On mange tous ensemble et on dort à l’arrache dans des dortoirs », confirme un groupe d’éleveurs de vaches à viande du Nord de la France. Et une fois que le salon ferme sur les coups de 19 heures, les éleveurs sont les maîtres des lieux et la vraie soirée peut commencer avec musique, danse et alcool jusqu’au petit matin. « Hier, on s’est couchés à 4h30 pour un réveil à 6 heures », témoigne un éleveur, les yeux rougis par la fatigue.

Quand SIA rime avec Ibiza

Alors forcément, promiscuité + alcool + fiesta = sexe (ou au moins roulage de patin). Ce que confirme Mélanie qui est venue présenter son cheval avec son amie Alizée. Elles logent dans un dortoir mixte de 34 où parfois, « il ne fallait mieux pas allumer la lumière », pour éviter d’assister à des scènes bien peu pudiques. Mais le coup d’un soir peut parfois se transformer en relation de longue durée « Il y a des couples qui se sont formés, témoigne Mélanie. Par exemple, en 2020, un éleveur de chevaux de trait a rencontré une autre éleveuse. Ils ont fait leur affaire dans une cahute à l’arrière et aujourd’hui ils vivent ensemble et ont eu un enfant. » Pour les éleveurs, « c’est un peu les vacances de l’année », poursuit Mélanie, sauf qu’au lieu d’être à Ibiza, on est Porte de Versailles. Mais le résultat est globalement le même, avec fiesta jusqu’au bout de la nuit.

Notre dossier sur le Salon de l'agriculture

« Qui se ressemble, s’assemble, philosophe, Michel, éleveur de brebis en Paca. Tu discutes avec des gens qui ont le même métier passion, c’est plus facile pour faire connaissance. Tu parles et t’as l’impression que c’est déjà ta femme. » Et puis le métier d’agriculteur est « tellement chronophage qu’on peut rapidement être isolé socialement surtout dans les petites exploitations », constate Michel. Le Salon offre cet espace de rencontres à des gens qui au final n’en ont pas tant que ça.

Le mythe des coins sombres

Alors évidemment, au Salon, comme partout ailleurs, c’est plus comme avant. « Aujourd’hui, ça n’a rien à voir avec ce que les anciens racontaient, témoigne un jeune prof dans un lycée agricole. C’était un vrai lieu de rencontre et il n’y avait pas autant de vigiles ». Le renforcement de la sécurité a de fait freiné les ardeurs des plus entreprenants. « Je me souviens quand j’avais une dizaine d’années qu’il fallait mieux éviter certains couloirs pour ne pas déranger, raconte une jeune éleveuse du Nord. Aujourd’hui, tu ne vois plus rien dans les coins sombres ou les réserves. »

Et puis la drague, oui, mais « encore faut-il que ça marche », témoigne Maxime qui est venu du Doubs avec son père. Et de se désoler qu’un groupe de demoiselles préfèrent prendre un selfie avec une vache qu’avec lui. Draguer avec le paternel à côté ne doit pas aider, Maxime.

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