ROUTELe Contournement ouest de Montpellier va-t-il aggraver la pollution ?

Montpellier : Selon ses opposants, le Contournement ouest va aggraver la pollution, pas la diminuer

ROUTEUne étude, menée par les Shifters, déplore que l’étude d’impact environnemental du projet qui doit relier les autoroutes A750 et A9, n’inclue pas le trafic induit
Le rond-point du Rieucoulon, à Saint-Jean-de-Védas, où doit passer le Contournement ouest.
Le rond-point du Rieucoulon, à Saint-Jean-de-Védas, où doit passer le Contournement ouest. - N. Bonzom / Maxele Presse / Maxele Presse
Nicolas Bonzom

Nicolas Bonzom

L'essentiel

  • Le Contournement ouest de Montpellier (Com) doit notamment permettre de relier les autoroutes A750 et A9, et d’éviter que des véhicules ne s’engagent dans le centre-ville, en contournant la métropole. Mais il est vivement contesté.
  • Une étude des Shifters déplore que l’étude d’impact environnemental du projet qui doit relier les autoroutes A750 et A9, n’inclue pas le trafic induit. Ainsi, selon ce rapport, le projet ne permettrait pas de diminuer la pollution, mais de l’aggraver.
  • De son côté, Salvador Nunez, le directeur opérationnel du Com chez Vinci Autoroutes, le maître d’ouvrage du projet, conteste cette étude.

«Monsieur Beaune, revenez à la raison ! » À Montpellier (Hérault), les écologistes appellent le ministre des Transports à changer d’avis, sur la création d’un Contournement Ouest (Com). Cette route d’environ 6 km, dont les travaux devraient débuter en 2025, doit permettre de relier les autoroutes A750 et A9, et d’inviter les véhicules à ne pas s’engager dans le centre-ville, et à contourner la métropole, pour dépolluer et apaiser les quartiers.

Ce projet à 270 millions d’euros, confié par l’Etat à Vinci Autoroutes, a été déclaré d’utilité publique en septembre 2021. Mais, comme le Lien, la Liaison intercantonale d’évitement du nord de la ville, le Com est vivement contesté. Notamment par Manu Reynaud (EELV), l’un des adjoints de Michaël Delafosse (PS). Si le maire et président de la métropole est un fervent supporteur du Com, l’écologiste, lui, y est farouchement opposé. « Les seules dépenses qui ont été engagées sur ce projet, ce sont des dépenses de communication et de lobbying, confie Manu Reynaud à 20 Minutes. En dehors de ça, il n’y a rien. Ce projet, il n’existe que dans la tête que ceux qui veulent penser qu’il va se faire. »

« Aucune réduction des émissions de Ges par la construction d’autoroutes n’a été observée à ce jour », assure le rapport des Shifters

Et si Manu Reynaud est aussi remonté contre ce projet, c’est, notamment, parce que ses défenseurs ne nous ont pas tout dit, assure-t-il. Notamment sur l’aggravation de la pollution qu’il pourrait engendrer, dans la métropole. Au mois de novembre, une étude, menée par les Shifters, une association qui œuvre à la décarbonation de l’économie, a, en effet, offert de nouveaux arguments aux anti-Com. Ce rapport pointe les lacunes de l’étude d’impact environnemental du projet : dans cet épais dossier, daté du mois de janvier 2020, on lit que le Com aura « un effet positif sur les émissions de gaz à effet de serre [Ges] à la mise en service et à terme (…) Sur vingt ans d’exploitation, le projet permettrait ainsi de réduire de plus de 102.000 Teq CO2 [tonnes équivalents CO2] les émissions de gaz à effet de serre liées à la circulation routière entre 2028 et 2048 ».

Or, pour les Shifters, « aucune réduction des émissions de Ges par la construction d’autoroutes n’a été observée à ce jour. Ces dernières ont en effet toujours eu un impact négatif sur le climat, et n’ont jamais mené à une réduction des émissions de Ges ». Si le dossier environnemental du projet est si enthousiaste, c’est parce qu’il oublie de prendre en compte le trafic induit, indique l’association. Ce phénomène caractérise le fait que lorsque l’on construit des routes, on veut toujours aller plus loin, pour faire du shopping, se divertir, vivre ou travailler. Pour résumer, plus il y a de routes, plus on roule. Et ça, le dossier du Com n’y fait pas référence. Les Shifters, qui ont réalisé un savant calcul, estiment, eux, en incluant le trafic induit, que le Com va… faire bondir la pollution. Selon leur rapport, si cette route sort de terre, les émissions de Ges vont augmenter entre 2028 et 2048 de 268.653 tonnes de CO2 « dans le scénario optimiste », et de + 460.274 tonnes de CO2 « dans le scénario pessimiste ». Pas vraiment la même mayonnaise.

« On ne peut pas construire une autoroute de ce type au milieu de la métropole de Montpellier ! », confie Manu Reynaud (EELV), opposé au projet

« Annoncer qu’une nouvelle autoroute réduit le volume de tonnes de CO2 était déjà un détournement intellectuel radical, confie Manu Reynaud. Mais là, ce calcul permet de le mettre en évidence. Et on voit qu’il est en totale contradiction avec le PCAET [Plan Climat Air Energie Territorial] », qui prévoit de tout mettre en œuvre pour réduire la pollution. « On ne peut pas construire une autoroute de ce type au milieu de la métropole ! »

En rose, le projet de Contournement Ouest de Montpellier.
En rose, le projet de Contournement Ouest de Montpellier. - DREAL

De son côté, Salvador Nunez, le directeur opérationnel du Com chez Vinci Autoroutes, son maître d’ouvrage, remet en doute l’étude des Shifters. Cet ingénieur, « qui travaille sur ces sujets-là depuis plus de trente ans », pointe « le discours habituel des opposants, qui disent systématiquement que les trafics calculés par l’Etat, lors de l’enquête publique » sont erronés, et « qu’ils ont leurs méthodes ». Salvador Nunez conteste le calcul des Shifters, la formule mathématique utilisée, et les proportions « absurdes » qui sont indiquées dans ce rapport. « D’abord, la théorie du trafic induit est, pour le moins, très controversée », confie le technicien. « Et elle ne s’applique, de toute façon, que sur des tronçons routiers importants. Et certainement pas sur une route de 6 km. »

« Tout cela n’est fabriqué que pour s’ajouter à tout ce qui est raconté ici et là », pour compromettre le projet, déplore-t-on, chez Vinci Autoroutes

Il y a 2.300 km de routes dans la métropole de Montpellier, « et on nous explique, pour résumer, que parce que l’on va réaliser un contournement de 6 km, tous les véhicules de la métropole, et même de toute la zone, vont emprunter le Com ! Rien qu’avec un peu de bon sens, on voit bien que c’est tout à fait ridicule », confie-t-il. Salvador Nunez regrette aussi que l’on puisse penser que la pollution risque d’être constamment très importante, sur le contournement, alors qu’il faut distinguer, assure-t-il, les heures de pointe des heures plus calmes. « Tout cela n’est fabriqué que pour s’ajouter à tout ce qui est raconté ici et là », pour compromettre le projet de contournement, déplore l’ingénieur.

NOTRE DOSSIER SUR LES AUTOROUTES

Salvador Nunez assure, d’ailleurs, que la théorie du trafic induit évoquée par les Shifters ne s’est pas vérifiée, à Montpellier, après le déplacement de l’autoroute A9, également porté par Vinci Autoroutes entre 2012 et 2017. « Nous n’avons pas plus de trafic que ce que nous avions prévu », assure-t-il. Sollicitée par 20 Minutes jeudi, la préfecture de l’Hérault n’a pas, pour l’instant, répondu à nos sollicitations. L’aggravation potentielle de la pollution n’est pas la seule épine, dans le dossier du Com. Au début de l’année, le Conseil d’Etat a retoqué le modèle de financement du projet. Il va falloir revoir la copie.

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