Fin du Minitel: Retour sur la saga de l'ancêtre du Web made in France

TECHNOLOGIE Depuis l'innovation du début des années 80 à la lente érosion des années 2000, récit des trente ans d'histoire du Minitel...

Nicolas Bégasse
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TF1: Roger Gicquel lance un sujet sur le Minitel.
TF1: Roger Gicquel lance un sujet sur le Minitel. — INA

L’histoire du Minitel a commencé avec sa commercialisation sous François Mitterrand, en 1982, et va s’achever ce samedi 30 juin avec la désactivation des derniers codes Minitel du réseau à Rennes, là où se trouve le dernier équipement technique permettant l’usage des petites boîtes beiges. Une histoire longue de trente ans dont l’origine remonte en fait à 1977, quand Valéry Giscard-d’Estaing commande à Simon Nora et Alain Minc un rapport sur l’informatisation de la société.



Un rapport où apparaît le néologisme «télématique», liant informatique et télécoms, et décrit à l’époque par Alain Giquel comme «le triomphe de l’ordinateur, l’informatique organisant toute notre vie». C’est d’abord la vie des Bretons d’Ille-et-Vilaine que le Minitel va organiser, avec 4.000 terminaux distribués gratuitement en guise de test dans le département. Une gratuité qui sera conservée lors de la commercialisation de l’appareil sur tout le territoire, un an plus tard, les services Minitel comptant sur le prix de connexion, élevé, pour être rentable.

Le succès est immédiat: en 1985, un million de terminaux sont utilisés. En 1987 il y en a 2,5 millions, et on estime le nombre de connexions à 100 millions par mois. Un succès notamment dû à la gratuité de l’appareil, les expériences similaires à l’étranger, avec des terminaux payants, n’ayant connu que des échecs.

Polémiques autour du Minitel Rose

C’est aussi vers la fin des années 80 que naissent les premières polémiques autour d’un service emblématique de l’appareil: le Minitel Rose. 3615 Ulla, 3615 Maud, et autres prénoms féminins (et masculins) font partie de ces pages qui ont marqué la société et l’ont préparée aux services en ligne avant l’arrivée d’Internet. En 1987, le Minitel Rose représente un chiffre d’affaires d’un milliard de francs, dont un tiers au bénéfice de l’Etat. Des chiffres à l’origine d’une triple polémique: le danger que représente le Minitel pour les enfants, les dérives vers la prostitution de services libertins et l’Etat vu comme un proxénète.



C’est au milieu des années 90 que le Minitel et ses 25.000 services télématiques deviennent véritablement rentables. En 1994, on compte 6 millions d’appareils et environ 25 millions d’utilisateurs. Les services Minitel représentent 6 milliards de francs de chiffre d’affaires. Une popularité qui a habitué les Français aux services en ligne et à l’arrivée d’Internet, comme le résumait Jacques Chirac en 1997: «La boulangère d'Aubervilliers sait parfaitement interroger sa banque par Minitel, alors que la boulangère de New York en est incapable.»

Le paradoxe Internet

Paradoxalement, si le Minitel a préparé le terrain pour Internet, il a aussi freiné le succès du Web en France, les deux outils entrant en concurrence directe. Les opérateurs, qui fixent les prix de la connexion Internet et tiennent à la manne du Minitel, rendent très cher l’accès au Web. En parallèle, l’Etat pousse France Télécom à innover en créant un appareil liant Minitel et Internet, qui n’a jamais rencontré le succès escompté.



On connaît la suite: après l’an 2000, au fil des ans, Internet remplace peu à peu le Minitel, qui restera tout de même utilisé en 2012 par plus de 400.000 utilisateurs par mois.