REPORTAGEOn est allé essayer le casque Vision Pro dans un Apple store de Los Angeles

On est allé essayer le casque Vision Pro dans un Apple store de Los Angeles

REPORTAGEIl est désormais possible aux Etats-Unis de réserver une démo de trente minutes pour se familiariser avec le casque de réalité mixte d’Apple
Difficile de passer inaperçu avec l'Apple Vision Pro sur le visage.
Difficile de passer inaperçu avec l'Apple Vision Pro sur le visage. - P.Berry/20 Minutes / 20 Minutes
Philippe Berry

Philippe Berry

L'essentiel

  • Le Vision Pro d’Apple a été lancé vendredi dernier aux Etats-Unis, et ne sera sans doute pas disponible en France avant plusieurs mois.
  • Depuis lundi, les Américains peuvent le tester en réservant un rendez-vous dans un Apple Store.
  • L’expérience est-elle concluante ? Suivez le guide.

De notre correspondant à Los Angeles,

Apple fait face à une mission presque impossible. Comment convaincre des clients de dépenser près de 4.000 dollars (taxes incluses) pour son Vision Pro, un ordinateur futuriste qui se porte sur la tête et veut instaurer l’ère de l’informatique « spatiale » ? Réponse : en laissant l’expérience parler d’elle-même. Depuis lundi, les Américains peuvent réserver une démonstration de trente minutes pour tester le casque de la firme à la pomme dans l’un des 271 Apple Store, et décider s’il mérite de casser son compte en banque. Voir, c’est presque croire.

La réservation : Des créneaux pris d’assaut

Lors du lancement du Vision Pro, vendredi dernier, c’était « premier arrivé, premier servi » pour pouvoir essayer le casque dans un Apple store. Mais depuis lundi, c’est uniquement sur rendez-vous. Ceux de la première semaine sont partis en quelques minutes dans la région de Los Angeles, qui compte pourtant une dizaine de boutiques. Mais avec un peu d’acharnement, certaines sessions se libèrent le jour même, à condition d’être prêt à conduire quarante-cinq minutes sous la pluie. Pour ceux qui ne veulent pas attendre la semaine prochaine, il en reste également ce dimanche, jour du seigneur et surtout du Super Bowl.

Avant le rendez-vous : Le questionnaire oculaire

Les lunettes et les casques de réalité virtuelle (ou mixte) font rarement bon ménage. Un questionnaire informe l’utilisateur que le Vision Pro peut s’utiliser avec des lentilles souples (notre choix) mais pas rigides. Pour ceux qui portent des lunettes, des inserts optiques Zeiss sont disponibles dans chaque Apple Store pour la démo. L’expérience est particulièrement bien pensée : un scanner permet de lire la correction des verres, sans que l’utilisateur ait besoin de retrouver son ordonnance. Pour ceux qui craquent, les inserts sont vendus séparément : 99 dollars pour la presbytie, 149 dollars pour la myopie – y compris avec astigmatisme – ou les verres progressifs).

Le calibrage : Moins de cinq minutes

« Are you excited ? » (« Etes-vous impatient ? »), nous demande Henrique, vêtu comme ses collègues d’un t-shirt bleu. Une demi-douzaine de casques sont disponibles dans l’Apple Store du mall de Glendale, au nord-est de Los Angeles. Propreté avant tout : ils sont nettoyés entre chaque rendez-vous. On commence par un scan du visage avec un iPhone, comme pour le système FaceID. Cela permet de déterminer la taille optimale du « Light seal », la mousse placée entre l’écran et les yeux, qui bloque la lumière environnante. On enfile le casque en le tenant par les bords de l’écran et en tirant sur le strap qui se positionne à l’arrière du crâne. Il faut ensuite regarder et sélectionner une dizaine de points lumineux, trois fois de suite, pour calibrer le tracking oculaire.

Le contrôle : Relativement instinctif mais imparfait

Ceux qui ont l’habitude de la réalité virtuelle ne seront pas dépaysés : on vise du regard et on clique en tapotant son pouce et son index. Ces deux doigts sont les plus importants : avec un « pinch » tenu, on déplace une fenêtre ou un objet, on scrolle de haut en bas, on fait défiler des menus de droite à gauche, et on zoome en éloignant ses deux mains.

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Pas besoin de gesticuler les bras en l’air comme Tom Cruise dans Minority Report : des petits gestes les mains posées sur la table ou ses genoux suffisent. On progresse en quelques minutes, mais certains gestes ne sont pas toujours détectés du premier coup, sans que l’on sache si c’est de notre faute. Le clavier virtuel qui flotte sur la table, lui, laisse à désirer et le contrôle vocal est souvent plus rapide, par exemple pour dire à Siri d’ouvrir Safari sur 20minutes.fr (get well, king Charles III). Pour la productivité, difficile d’imaginer de se passer complètement du clavier et de la souris, qui n’étaient toutefois pas disponibles pour cette expérience.

La démo : Des moments de magie

La « digital crown », une molette proche de celle de l’Apple Watch, est le bouton magique du casque. Tournée à fond, l’environnement disparaît. On est transporté dans le monde merveilleux de la réalité virtuelle et des vidéos spatiales ultra-immersives – filmées au Vision Pro ou à l’iPhone 15 Pro. D’un seul coup, Alicia Keys est à côté de nous dans son studio. On veut caresser un bébé rhinocéros. On vit un match de foot de derrière la cage avec une intensité folle. Marche sur un fil suspendu au-dessus du vide. Même en ayant l’habitude de ce sentiment de présence, la netteté de l’image, avec l’équivalent de deux télés 4K devant chaque pupille, avec deux écrans micro OLED de 23 millions de pixels, est éblouissante.

En tournant la digital crown de l’autre côté, le monde réel revient progressivement. Apple utilise en fait un tour de passe-passe. L’écran n’est jamais transparent : ce que l’on voit, c’est une vidéo en 3D de ce qui nous entoure. Henrique est là, la table devant nous, les pubs sur les murs. Jusqu’à présent, cette technique de « passthrough » était rudimentaire et servait principalement à éviter de se cogner contre des obstacles. Mais la qualité du Vision Pro rend le réel suffisamment convaincant pour que notre cerveau se laisse berner malgré quelques bugs et aberrations chromatiques. On peut donc interagir avec les objets physiques, boire son café, et même répondre à un SMS sur son smartphone. L’écran du téléphone apparaît un peu plus sombre, mais le texte reste lisible.

Le verdict : Le futur se dessine, pour le meilleur et pour le pire

Après 25 minutes, on revient sur terre. Sans avoir envie de vomir, sans doute parce que le « lag » entre un mouvement et la réaction à l’écran est devenu imperceptible, mais avec les yeux aussi secs qu’en ayant passé huit heures devant l’écran du PC. Le casque, à plus de 600 grammes, semble particulièrement lourd et appuie de manière parfois inconfortable sur le visage (le second strap, qui se positionne au-dessus du crâne et offre un meilleur soutien, n’était pas disponible pour la démo, semble-t-il parce qu'il est plus difficile à nettoyer). Bilan : une belle marque rouge sur le front, qui part heureusement vite.

Après vingt-cinq minutes avec le casque sur la tête.
Après vingt-cinq minutes avec le casque sur la tête. - P.Berry/20 Minutes

Travailler en réalité augmentée est possible, mais le champ de vision reste trop limité, un peu comme quand on doit traverser la rue avec une capuche serrée sur la tête. On peut afficher autant d’écrans que l’on veut autour de soi, mais on ne les voit pas tous en même temps, et il faut souvent tourner la tête.

Chaque nouvelle catégorie de produit a besoin d’un « killer-feature » pour se rendre indispensable. Pour le Vision Pro, c’est clairement le divertissement, avec la promesse d’avoir un home cinéma partout avec soi. Mais le casque ne change pas la problématique de la réalité virtuelle, qui reste une expérience solitaire. Le futur imaginé par la série Black Mirror est là : on peut archiver des mémoires, comme l’anniversaire de son enfant, et les revisiter des années plus tard. Quel impact sur le deuil, ou après une rupture ? On y réfléchira plus tard. Mais cela semble une évidence : avec une telle immersion, les maux causés par nos smartphones – l’addiction, l’anxiété et la solitude – risquent d’être décuplés.

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